Fonctionnement de l'Assemblée en cas de crise : feu vert pour le vote à distance des députés

Actualité
Image
Arthur Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence Kagni, le Lundi 1 mars 2021 à 15:12, mis à jour le Jeudi 25 mars 2021 à 15:48

Les députés ont modifié le règlement intérieur de l’Assemblée nationale afin d'introduire le vote à distance en cas de crise affectant le fonctionnement normal des institutions. La mesure doit maintenant être validée par le Conseil constitutionnel.

L'Assemblée "s'outille" et tire les conséquences de l'épidémie de Covid-19. Les députés ont adopté lundi 1er mars une proposition de résolution qui modifie "le règlement de l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires en période de crise". Rédigée par Sylvain Waserman (MoDem), elle introduit le vote à distance pour les députés "en cas de circonstances exceptionnelles de nature à affecter de façon significative" le fonctionnement du Parlement.

"Nous outillons notre institution un peu plus encore pour que, quelle que soit la situation à laquelle elle aura à faire face, nous soyons là, dans le respect de l'intérêt démocratique commun", a expliqué Sylvain Waserman, qui a salué la résilience d'une Assemblée nationale "qui n'a jamais failli" depuis le début de la pandémie.

Fonctionnement "hybride"

Le vote à distance sera limité à quelques cas précis comme les votes sur l'ensemble d'un texte ou les votes tenus sur des déclarations du gouvernement effectuées en application de l’article 50‑1 de la Constitution. Cette possibilité ne sera donc pas ouverte pour les scrutins portant sur les amendements, ni pour ceux portant sur des articles de loi dans leur ensemble.

Pour éviter les piratages informatiques, Sylvain Waserman a avancé une hypothèse, qui reste à préciser : les votes à distance pourraient n'être considérés comme étant définitifs qu'après quelques minutes, ce qui permettrait aux éventuels députés victimes d'une cyber-attaque de se signaler par téléphone, par exemple.

La résolution permet aussi aux députés de recourir en cas de crise à la visioconférence pour participer aux réunions de commissions, mais aussi aux séances publiques. Le recours au travail et au vote à distance n'entraînera toutefois pas l'organisation de séances 100% dématérialisées. Au contraire : les députés ont opté pour un fonctionnement "hybride" lors duquel certains d'entre eux travailleront à domicile ou depuis leur permanence, tandis que d'autres devront être présents au Palais Bourbon.

"Fait majoritaire"

La décision et les modalités précises de mise en oeuvre de ces dispositifs seront arrêtées par la conférence des présidents, "après que le président de l'Assemblée nationale a préalablement informé les présidents des groupes politiques". Cette procédure a été critiquée lundi par le président des députés communistes André Chassaigne (GDR), qui a regretté que "la majorité seule pourra décider de bouleverser totalement [le] mode de fonctionnement de l'Assemblée". Un point de vue partagé par Philippe Gosselin (Les Républicains) qui a estimé qu'une "majorité qualifiée eut été préférable". Du même avis, Sylvia Pinel (Libertés et Territoires) a repris l'argument à son compte. 

Le député UDI et indépendants Michel Zumkeller a, quant à lui, plaidé pour "un verrou suffisamment solide sans être bloquant" : un vote à la majorité des deux tiers de la conférence des présidents ou la mise en oeuvre d'un "double droit de veto". 

Leurs tentatives de modifier le texte ont été rejetées : "Le fait majoritaire est le fait fondamental et fondateur qui régit le principe de l'Assemblée nationale", a répondu Sylvain Waserman, qui refuse d'"ouvrir la boîte de Pandore". Pour rassurer les oppositions, une "clause de rendez-vous" parachève toutefois le dispositif : les mesures adoptées devront être réévaluées tous les quinze jours par la conférence des présidents. "Cette clause permet d'avoir un suivi très précis", s'est félicitée Valérie Rabault (Socialistes).

Travail transpartisan

La résolution reprend certaines conclusions du groupe de travail transpartisan formé en mai 2020 afin de proposer des pistes visant à "anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise". Le texte a été cosigné par le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, et par les présidents de groupe Christophe Castaner (La République en marche), Damien Abad (Les Républicains), Patrick Mignola (MoDem), Olivier Becht (Agir ensemble) et Bertrand Pancher (Libertés et Territoires).

Le texte a donc fait l'objet d'un relatif consensus lundi, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale (56 voix pour, 5 contre) : il été soutenu par Jean-Michel Mis (La République en marche), mais aussi par Valérie Rabault (Socialistes), Isabelle Florennes (MoDem) ou encore Thomas Gassilloud (Agir ensemble).

La résolution a toutefois été vivement critiquée par Michel Larive (La France insoumise) : fustigeant la "politique de gestion de crise hasardeuse" de l'exécutif, il a dénoncé une résolution "imprécise" qui selon lui "sert de prétexte à un nouvel affaiblissement de l'Assemblée nationale". Michel Larive, qui redoute les actes de "cyberattaque" a proposé sans succès de supprimer le recours au vote à distance.

Pour respecter le "mandat qui [lui] avait été fixé", Sylvain Waserman avait annoncé au début des débats qu'il émettrait des avis "défavorables par principe" à tous les amendements sortant du cadre de sa résolution. Ainsi, les tentatives d'associer un représentant des non inscrits à la conférence des présidents, de "rendre obligatoire la publication d'un compte-rendu écrit des travaux des commissions" ou de supprimer le "temps législatif programmé" ont été rejetées.

Avant d'entrer en vigueur, la résolution doit encore être validée par le Conseil constitutionnel.