Justice des mineurs : les oppositions ne veulent pas de réforme par ordonnances

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par Maxence Kagni, le Vendredi 23 novembre 2018 à 01:25, mis à jour le Jeudi 27 février 2020 à 17:16

La Garde des sceaux Nicole Belloubet a annoncé sa volonté de réformer la justice des mineurs par ordonnances. Une décision critiquée avec force par des députés socialistes, Les Républicains, La France Insoumise, PCF ou encore membres du groupe UDI, Agir et Indépendants. Compte rendu d'une nuit agitée dans l'hémicycle.

"Pas acceptable", "Parlement bafoué", "outrageant"... Jeudi soir, lors de l'examen du projet de loi "de réforme pour la justice", les députés de l'opposition, unanimes, ont dénoncé la volonté du gouvernement de réformer par voie d'ordonnance la justice des mineurs.

Code de justice pénale des mineurs

La veille, lors de la séance des questions au gouvernement, la ministre de la Justice Nicole Belloubet avait surpris en annonçant sa volonté de créer un "code de justice pénale des mineurs".

La Garde des sceaux a donc déposé un amendement au projet de loi "de réforme pour la justice" afin de demander au Parlement d'habiliter le Gouvernement "à modifier et compléter les dispositions applicables à la justice pénale des mineurs".

En clair, Nicole Belloubet et l'exécutif veulent réformer ces dispositions par ordonnances.

"Sur la fin"

Une forme de "dessaisissement du Parlement" critiquée par le député Les Républicains Philippe Gosselin. Dans l'hémicycle, d'autres membres de l'opposition lui emboîtent le pas, comme Sébastien Jumel (PCF), qui évoque un "Parlement humilié" ou encore Pierre Morel-A-L'Hussier (apparenté UDI, Agir et Indépendants) dénonçant le comportement "inacceptable" du gouvernement.

Plusieurs députés critiquent aussi le dépôt tardif de l'amendement gouvernemental qu'ils n'ont pu examiner que jeudi "après-midi".

Ugo Bernalicis (La France Insoumise), lui, met en cause le positionnement de l'amendement : il est situé après l'article 52, c'est-à-dire vers la fin du texte. Le député craint des mesures adoptées en catimini :

L'objectif est que (l'examen) se fasse entre nous, sur la fin, quand on en aura marre.Ugo Bernalicis

Mazars et Terlier (LaREM) à la manœuvre

Dans l'hémicycle, la majorité tente une riposte. Stéphane Mazars (LaREM) promet la tenue d'un débat de fond, "dans l'hémicycle" sur cette réforme à venir "dans le cadre de la ratification de l'ordonnance". C'est-à-dire, en l'espèce, deux mois après la publication de celle-ci par le gouvernement.

Là, vous aurez la possibilité, bien évidemment, d'amender très largement.Stéphane Mazars

Jean Terlier (LaREM) met en avant les travaux menés par la mission d'information sur la justice des mineurs, qu'il préside. "La loi, on la fait depuis des mois, on la prépare depuis des mois !", insiste l'élu du Tarn, estimant ainsi qu'in fine les députés sont associés à la réforme à travers cette mission.

Co-rapporteure de cette mission, Cécile Untermaier (PS) dénonce pourtant un "dessaisissement particulièrement outrageant". "Je ne savais pas que dix-huit députés qui font partie d'une mission font la loi. Si c'est comme ça, tous les autres peuvent retourner chez eux", abonde Emmanuelle Ménard (non inscrite).

Un "totem"

L'amendement déposé par le gouvernement doit lui permettre de "simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants", d'"accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité", de "renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine" et d'"améliorer la prise en compte de leurs victimes".

"Ce n'est pas une petite modification, c'est extrêmement large", fulmine le député LFI Ugo Bernalicis, qui reproche au gouvernement - comme Philippe Gosselin (LR) - de toucher à un "totem".

L'ordonnance du 2 février 1945 sur "l'enfance délinquante", que veut réformer le gouvernement, pose de grands principes comme l'atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, la recherche de réponses éducatives ou encore le recours à des juridictions spécialisées. Ce texte, amendé une quarantaine de fois, n'a jamais été réformé en profondeur.

Signe de la crispation ambiante dans l'hémicycle, le vice-président de l'Assemblée nationale Maurice Leroy (UDI, Agir et Indépendants) a lui aussi pris la parole pour indiquer à "la majorité parlementaire" qu'il "n'est pas illégitime que, fort du débat et du contexte, les oppositions puissent s'exprimer"...

L'amendement du gouvernement sera examiné dès 15 heures, vendredi.