Projet de loi "portant diverses dispositions urgentes" : l'opposition dénonce un texte "fourre-tout"

Actualité
Image
Projet de loi "portant diverses dispositions urgentes" : l'opposition dénonce un texte "fourre-tout"
par Maxence Kagni, le Lundi 11 mai 2020 à 20:44, mis à jour le Vendredi 29 mai 2020 à 15:40

Le texte "portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid‑19", qui comporte une trentaine d'ordonnances, a pour but de compléter les dispositifs mis en oeuvre pour faire face à la crise du coronavirus. 

"Mesures absolument nécessaires" ou "casse du siècle" ? Les députés ont commencé lundi soir l'examen en commission du projet de loi "portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid‑19". Avec des avis radicalement différents sur ce texte.

Le texte, composé de quatre articles, contient de nombreuses mesures complémentaires à celles déjà adoptées par le Parlement pour faire face à l'épidémie de coronavirus.

Les circonstances exceptionnelles, les incertitudes sur la sortie de crise et le calendrier parlementaire imposent [...] d’anticiper la prise de certaines décisions qui nécessiteraient une intervention du Parlement avant la fin de l’année.Exposé des motifs du projet de loi

"L'urgence reste devant nous, aujourd'hui encore, et appelle de nouvelles adaptations juridiques", a expliqué le rapporteur du projet de loi Guillaume Kasbarian (La République en Marche), justifiant ainsi les 36 habilitations à légiférer par ordonnances que contient le texte.

L'opposition dénonce pour sa part un "texte fourre-tout" étudié dans "des conditions inacceptables". Elle accuse également le gouvernement de vouloir "dépouiller" le Parlement de son pouvoir législatif.

"Poursuite de l'activité économique"

Le projet de loi prévoit notamment le report de l'entrée en vigueur de réformes ou d'expérimentations (comme la réforme du divorce) et contient des mesures visant à assurer "la continuité des missions de service public" et la "poursuite de l'activité économique".

En matière de justice, le texte habilite, par exemple, le gouvernement à "adapter sur plusieurs points la procédure de jugement des crimes" ou encore à "augmenter le nombre de départements dans lesquels est conduite l’expérimentation de la cour criminelle instituée par la loi de programmation et de réforme de la justice".

Les députés ont, par ailleurs, adopté dans la soirée un amendement de la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (La République en Marche) : il a pour objet d'exclure du champ des ordonnances la possibilité de reporter la date d'application de mesures contenues dans la loi "SILT" de 2017 et dans la loi renseignement de 2015.

Le projet de loi contient également une ordonnance permettant de prolonger "les titres de séjour expirant entre le 16 mai et le 15 juin 2020".

Calcul des retraites

Le projet de loi vise aussi à permettre au gouvernement d'"apporter des adaptations, pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, aux dispositions relatives l’activité partielle".

Le texte permettra de fixer les modalités de prise en compte des périodes de chômage partiel pour le calcul des retraites et permettra aussi aux employeurs des entreprises de moins de 11 salariés de mettre en place un régime d'intéressement.

Il prévoit également un certain nombre de dispositifs que l'exécutif souhaite soumettre rapidement au Parlement comme celui sur les règles d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Le projet contient enfin des habilitations à légiférer par ordonnances pour faire face aux conséquences du Brexit.

"Concours hippique"

"Nous ne saurions cautionner sous couvert d'urgence sanitaire tout et n'importe quoi", a indiqué, lundi soir, le député Les Républicains Antoine Savignat. L'élu du Val-d'Oise a critiqué un "texte fourre-tout", qualifiant le projet de loi de "délire à l'état pur" et d'"aubaine pour faire passer ou tenter de faire passer tout ce qui n'avait pas pu l'être avant".

Alexis Corbière (La France Insoumise) a pour sa part dénoncé un texte "inquiétant" qui "méprise le Parlement" et moqué un véritable "concours hippique" truffé selon lui de "cavaliers législatifs".

Les ordonnances critiquées

Le député communiste Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) a mis en cause le gouvernement qui souhaite selon lui "dépouiller" le Parlement de son pouvoir en multipliant le recours aux ordonnances. Une critique également formulée par Antoine Savignat (LR) :

Pour quelle raison devrions-nous renoncer [à notre pouvoir] en quatre jours alors que le gouvernement disposera de douze mois pour mettre en oeuvre les mesures qu'il sollicite ?Antoine Savignat

Agnès Firmin Le Bodo (UDI, Agir et indépendants), qui "partage pleinement les objectifs" du texte, a elle aussi mis en cause cette méthode "alors que les précédentes ordonnances, une cinquantaine, n'ont pas été ratifiées".

Autre motif de mécontentement : le calendrier d'examen du texte, très restreint. Antoine Savignat a ainsi dénoncé un "texte déposé le 7 mai, pour une commission spéciale constituée le 9 mai et débutant ses travaux ce 11 mai au soir". L'examen en séance publique est quant à lui prévu jeudi 14 mai.

"Contrôle parlementaire renforcé"

Face à ces critiques, Marie Lebec (La République en Marche) a appelé les parlementaires "à faire preuve de responsabilité" tandis que Jean-Noël Barrot (Mouvement Démocrate) a pris la défense de "mesures absolument nécessaires".

Le rapporteur du projet de loi, Guillaume Kasbarian, a promis l'insertion dans le texte d'un "dispositif de contrôle parlementaire renforcé". Il a également fait le "voeux" que le gouvernement puisse "présenter dans les grandes lignes" les ordonnances "dont la rédaction est d'ores et déjà stabilisée".

Afin d'apaiser les craintes des parlementaires, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a promis d'inscrire "en dur" dans le texte un certain nombre de dispositifs intégrés initialement dans des ordonnances.

"C'est vrai que les délais d'examen sont courts (...), la situation l'exige", a ajouté Guillaume Kasbarian. Dans une "situation loin d'être normale", le rapporteur estime nécessaire d'être "agile, flexible".

"La vie des Français a été bouleversée sur tous les aspects", a expliqué le député de la majorité, qui revendique ainsi le champ très large du projet de loi.