Violences conjugales : la proposition de loi d'Aurore Bergé sur le "contrôle coercitif" remise sur le métier

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Maud Bregeon LCP 22/01/2025
La députée EPR Maud Bregeon en commission des lois, le 22 janvier 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 22 janvier 2025 à 18:57, mis à jour le Mercredi 22 janvier 2025 à 19:05

La commission des lois qui a examiné, ce mercredi 22 janvier, une proposition de loi transpartisane d'Aurore Bergé pour "renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants", a supprimé l'article qui inscrivait la définition du "contrôle coercitif" dans le code pénal, notamment en raison d'une rédaction insatisfaisante. Le texte doit être retravaillé en vue de son examen dans l'hémicycle la semaine prochaine. 

La proposition de loi d'Aurore Bergé visant à "renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants" a bien été adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, ce mercredi 22 janvier. Mais les deux tiers de ce texte transpartisan ont été expurgés par les députés, dont l'article central, qui visait à inscrire la définition du "contrôle coercitif" dans le droit pénal.

Ce schéma observé dans de nombreuses relations toxiques, théorisé par le sociologue Evan Stark, vise à enfermer "une victime dans une relation où elle doit obéissance et soumission", a détaillé Maud Bregeon (Ensemble pour la République). La rapporteure, qui a remplacé Aurore Bergé, nommée ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes après le dépôt du texte, a d'entrée concédé que la rédaction initiale de la proposition de loi n'était "pas aboutie", ni "suffisamment claire et complète". De fait, l'article 3 du texte, censé contenir la définition du "contrôle coercitif", ne l'évoquait pas nommément, se contentant de faire allusion à des "violences psychologiques". "Il faut nommer clairement cette notion", a plaidé Maud Bregeon, appelant à un travail de rédaction commun en vue de la séance dans l'hémicycle, tout en s'opposant au rejet de l'article.

De fait, plusieurs députées ont fait part de leurs doutes à l'issue de la présentation initiale de la rapporteure. "Cette proposition de loi dont l'écriture nous semble baclée s'inscrit dans le cadre des mesurettes, des bricolages, voire même des rafistolages des macronistes, là où nous attendions une loi cadre", a déploré Colette Capdevielle (Socialistes et apparentés). "Cet article 3 ne couvre pas du tout la réalité fort complexe et étendue du contrôle coercitif, qui recouvre les violences économiques, administratives et judiciaires", a-t-elle soutenu, estimant que la rédaction proposée "n'est absolument pas satisfaisante".

"La jurisprudence sanctionne déjà le contrôle coercitif. Elle n'a pas attendu qu'il y ait un article dans la loi", a pour sa part rappelé Emeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine), en réféfence à la série d'arrêts rendus en janvier 2024 par la Cour d'appel de Poitiers dans des affaires de violences conjugales, qui avaient consacré le schéma de ce phénomène. "C'est bien de légiférer sur la question, mais en revanche il faut que ce soit bien écrit", a-t-elle ajouté.

Un autre débat a animé la séance de la commission : si la rédaction d'Aurore Bergé inscrivait la définition du contrôle coercitif dans le droit pénal, pour inciter le juge à s'en saisir, certains amendements prévoyaient d'en faire une infraction propre. Aucun d'entre eux n'a finalement été validé. "Faire du contrôle coercitif une infraction supplémentaire peut en amoindrir la portée", a averti Emilie Bonnivard (Droite républicaine).

L'imprescriptibilité civile des viols sur mineurs également supprimée

Un autre article a fait les frais des doutes émis par les députés de la commission des lois. Ces derniers ont en effet écarté le premier d'entre eux, qui prévoyait d'instaurer une imprescriptibilité civile des viols commis sur des mineurs. Or, comme l'ont rappelé plusieurs intervenants, cette imprescriptibilité existe déjà de fait, dans le cas où une victime mineure "conscientise" tardivement. La prescription peut en outre être un "moment déclencheur", "le moment où la victime se dit 'c'est le moment ou jamais'", a pointé Sandra Regol (Ecologiste et social).

Sans compter le débat autour de l'imprescriptibilité en elle-même, susceptible de créer une "rupture d'égalité" entre les victimes ou de remettre en cause le principe du droit à l'oubli. L'imprescriptibilité est, en outre, actuellement réservée aux crimes contre l'humanité, une exception à laquelle plusieurs élus ont marqué leur attachement. Par ailleurs, ouvrir le débat sur une imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs au civile rouvre également la discussion sur l'opportunité d'en faire de même au pénal, comme le recommandait la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) en novembre 2023.

A l'image de Colette Capdevielle, d'Elise Leboucher (La France insoumise) ou encore d'Emilie Bonnivard, plusieurs députées ont appelé de leurs vœux l'examen d'une grande loi cadre, jugée plus efficace. "Cette proposition a au moins le mérite de nous permettre de retravailler sur ce sujet. Mais cela pose aussi la question du véhicule législatif", a résumé Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons et apparentés). La proposition de loi ainsi modifiée, au sein de laquelle subsiste la généralisation de la prescription glissante en matière de violences sexuelles, doit être examinée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale mardi prochain, 28 janvier.