L'allongement de la rétention des étrangers jugés dangereux censuré par le Conseil constitutionnel

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Conseil constitutionnel, à Paris. Droits réservés
par Raphaël Marchal, le Jeudi 7 août 2025 à 20:47, mis à jour le Jeudi 7 août 2025 à 21:55

La loi visant à "faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive" a été largement vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel, ce jeudi 7 août. Le texte avait été déposé au Parlement à la suite du meurtre de Philippine, une étudiante de 19 ans, en septembre 2024 "Nul ne peut être arbitrairement détenu", soulignent notamment les Sages dans leur décision. 

La loi "visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive" a été largement censurée par le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue ce jeudi 7 août. Les principaux articles du texte, définitivement adopté par le Parlement début juillet, visaient à allonger la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des étrangers condamnés pour des crimes et délits graves, faisant l'objet d'une interdiction du territoire français, et présentant une menace pour l'ordre public. Jusque-là fixée à 90 jours, cette durée devait passer à 180, voire à 210 jours, sur le modèle de ce qui existe en matière terroriste.

L'élargissement proposé par la loi "n’est pas proportionné à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière poursuivi", estiment les Sages de la rue de Montpensier. Dans leur décision, ils pointent que cette mesure pourrait s'appliquer à un étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire, "alors même que cette dernière peut être prononcée pour des infractions qui ne sont pas d’une particulière gravité", ou à un étranger "qui fait l’objet d’une condamnation définitive" "sans même que l’administration ait à établir que le comportement de ce dernier (...) constitue une menace actuelle et d’une particulière gravité pour l’ordre public". Ce faisant, le Conseil constitutionnel juge les articles censurés contraires à l'article 66 de la Constitution, qui dispose que "nul ne peut être arbitrairement détenu".

Sur le même fondement, le Conseil constitutionnel juge contraire à la Constitution l'article qui permettait d'instituer de nouveaux cas dans lesquels l’appel contre une décision mettant fin à la rétention administrative d’un étranger est suspensif. "Un tel effet a pour conséquence que l’étranger demeure en rétention le temps qu’il soit statué sur cet appel", ce qui porte "une atteinte excessive à la liberté individuelle".

D'autres mesures du texte validées

Le Conseil constitutionnel a toutefois approuvé deux autres mesures controversées du texte, dont la prise d’empreintes digitales et de photographies d'un étranger en rétention administrative sans son consentement, lorsqu'il s'agit de l'unique moyen de vérifier son identité en procédant, si nécessaire, à la contrainte. "Le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, la liberté personnelle", tranche l'institution dans sa décision.

Les Sages ont également validé le placement en rétention d'un demandeur d’asile dont le comportement constitue une menace à l’ordre public, ou qui présente un risque de fuite, tout en l'assortissant d'une réserve d'interprétation : l'autorité administrative sera dans l'obligation de "caractériser une menace réelle" ou le risque de fuite pour justifier de la mesure.

Initialement déposé au Sénat par Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains), le texte visait à modifier la loi à la suite du meurtre de Philippine, une étudiante de 19 ans dont le corps avait été retrouvé dans le bois de Boulogne en septembre 2024. Le suspect qui a été mis en examen, un Marocain en situation irrégulière déjà condamné à plusieurs années de prison pour viol, faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais avait été libéré du centre de rétention administrative dans lequel il se trouvait quelques semaines avant le meurtre.