L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce jeudi 27 novembre, la proposition de loi "relative à l’établissement de l’égalité d’accès au service public postal en Outre-mer", présentée par LFI dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire. Objectif : mettre fin à une "rupture d'égalité", au vu du surcoût des colis entre l'Hexagone et les territoires ultra-marins, particulièrement touchés par un phénomène de vie chère. Le texte va maintenant poursuivre son parcours législatif au Sénat.
C'était - après une proposition de résolution contre l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur -, le deuxième texte au programme de la journée d'initiative parlementaire de La France insoumise à l'Assemblée nationale. Et le deuxième à être adopté. La proposition de loi relative "à l’établissement de l’égalité d’accès au service public postal en outre-mer" a en effet été approuvée en première lecture par les députés, ce jeudi 27 novembre.
A l'origine du texte, le député de la Réunion, Jean-Hugues Ratenon (La France insoumise), a expliqué sa raison d'être par la volonté de "mettre fin à une situation qui n'aurait jamais dû exister dans notre République", dénonçant une "rupture d'égalité du service public" au détriment des territoires ultra-marins. "Pour un colis entre 1 et 2 kilogrammes, le tarif au 1er janvier 2025 est de 10,70 euros pour un colis circulant uniquement dans l’Hexagone, mais plus du double (22,70 euros) pour un envoi des Outre‑mer vers l’Hexagone, quasiment le triple (27,25 euros) pour un envoi de l’Hexagone vers les Outre‑mer", détaille la proposition de loi. L'égalité des prix s'exerçant uniquement pour les envois postaux n'excédant pas 100 grammes.
Une situation jugée d'autant plus regrettable que ces colis revêtent un caractère particulièrement important pour des familles dont les membres vivent éloignés les uns des autres. Maud Petit (Les Démocrates) a ainsi évoqué "un rituel familial et culturel, forme de présence à distance", quand Elie Califer (apparenté Socialistes) a considéré que ces envois permettaient "de maintenir le lien identitaire et le sentiment d'appartenance familiale".
Comme une lettre à la poste, adoptons ce texte. Jean-Hugues Ratenon (LFI)
Dénonçant à son tour ces tarifs différenciés, Perceval Gaillard (LFI) s'est dit "fier d’appartenir à un groupe qui place les Outre-mer tout en haut de sa niche parlementaire".
Présente au banc, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, Anne Le Hénanff, a salué l'objectif de la proposition de loi. "L'égalité réelle pour les Outre-mer est un sujet qui nous rassemble", a-t-elle aussi déclaré, avant de regretter des tarifs postaux sensiblement plus élevés dans les Outre-mer, particulièrement touchées par des difficultés en matière de pouvoir d'achat.
La ministre a cependant objecté que le texte de La France insoumise, en l'état, risquait de mettre à mal "la soutenabilité économique de la Poste", le coût de la mesure proposée ayant été estimé à 50 millions d'euros par le gouvernement. Et la ministre de renvoyer le sujet au futur projet de loi "Vie chère en Outre-mer", dont elle a indiqué qu'il serait présenté à l'Assemblée nationale d'ici aux élections municipales de mars prochain. "Ce texte sera le cadre naturel, le cadre le plus solide pour traiter en profondeur les questions du pouvoir d'achat ultra-marin, dont les tarifs postaux constituent évidemment l'un des maillons", a-t-elle affirmé.
Un point de vue soutenu par les groupes du bloc central, Annaïg Le Meur (Ensemble pour la République) jugeant que "voter une péréquation sans évaluer son coût reviendrait à voter à l'aveugle", tandis que Maud Petit (Les Démocrates) a plaidé pour "un travail transversal de lutte contre la cherté de la vie en Outre-mer". Les deux groupes ont indiqué leur intention de s'abstenir sur le texte de La France insoumise. Tout comme les groupes Horizons et Droite républicaine, bien que plus virulents dans leur opposition au texte. "Le groupe La Poste est déjà sous forte pression économique, lui imposer une mesure non financée ne ferait qu'aggraver ses difficultés", a notamment critiqué Jean-Pierre Vigier (Droite républicaine).
L'examen du texte a, par ailleurs, été l'occasion d'une bataille rangée entre La France insoumise et le Rassemblement national. Le député insoumis Jean-Hugues Ratenon a ainsi qualifié les amendements déposés par le groupe présidé par Marine Le Pen d'"inutiles, ridicules et sournois, uniquement destinés à ralentir les débats". "C'est la première fois qu'un texte concernant les Outre-mer fait l'objet d'une telle obstruction", s'est-il encore indigné, accusant les députés RN de "trahison" à l'égard des citoyens d'Outre-mer.
L'extrême droite fait tout pour empêcher de voter un texte qui est de justice sociale et d'égalité (...) Les peuples d'Outre-mer ont de la mémoire, et ils feront ce qu'ils ont fait la dernière fois, c'est-à-dire voter massivement pour le Nouveau front populaire et pour Jean-Luc Mélenchon. Mathilde Panot (LFI)
"Qui défend les Outre-mer depuis toujours ? C'est Marine Le Pen, et c'est le Rassemblement national. Qui se bat au quotidien pour la continuité territoriale ? C'est Marine Le Pen, et c'est le Rassemblement national", a répondu Yoann Gillet (RN). "La réalité c'est que le Rassemblement national a déposé 97 amendements et sous-amendements (...) L'extrême droite fait tout pour empêcher de voter un texte qui est de justice sociale et d'égalité, l'extrême droite est l'ennemie des ultra-marins !", a pour sa part tempêté la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot.
Un affrontement verbal au cours duquel Ian Boucard (Droite républicaine) a renvoyé les deux groupes dos à dos, accusant les députés insoumis d'avoir justement "créé ce précédent", en "faisant de l'obstruction sur les niches de tous les groupes [qui leur] déplaisent".
Se disant toutefois favorables au texte, les groupes du Rassemblement national et de l'Union des droites pour la République ont finalement retiré un certain nombre de leurs amendements, afin de permettre son adoption avant la pause de 13 heures. Chose faite à l'unanimité, par 195 votes en faveur de la proposition de loi. Celle-ci va maintenant devoir poursuivre son parcours législatif au Sénat.