A l'Assemblée nationale, le RN, LFI et le PS se mobilisent contre les tarifs parfois exorbitants des parkings des hôpitaux publics à travers des propositions de loi visant à lutter contre ce phénomène. En concurrence sur ce sujet très concret, chaque groupe défend son texte, le considérant comme le meilleur. Ce jeudi 27 novembre, La France insoumise a mis le sien au programme de sa journée d'initiative parlementaire.
Pierre-Yves Cadalen (LFI) en est convaincu : "Le fait de devoir payer pour aller voir un proche malade est une injustice totale." Interrogé par LCP, le député La France insoumise du Finistère dénonce avec force la décision, en janvier 2024, de privatiser le parking du CHU de Brest : "C'est une question majeure qui incarne tout un monde, toute une organisation de la société défendue par Emmanuel Macron et qui est rejetée dans le pays."
L'élu du groupe présidé par Mathilde Panot souhaite donc "garantir la gratuité totale des parkings des établissements publics de santé". Sa proposition de loi doit être examinée, ce jeudi 27 novembre dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire des députés insoumis. A condition qu'il puisse venir en discussion dans le temps imparti à la journée réservée à son groupe, c'est-à-dire entre 9 heures et minuit.
Seul un quart des parkings des hôpitaux publics sont toujours gratuits. Extrait de la proposition de loi de LFI
Pierre-Yves Cadalen n'est pas le seul à s'être emparé de ce sujet : une proposition similaire du député Rassemblement national Thierry Frappé a été examinée sans succès en octobre dernier, tandis que le député du Parti socialiste Stéphane Hablot prépare, lui aussi, un texte qu'il espère voir examiner en janvier. Les trois propositions, qui partent du même constat, s'opposent sur la méthode à employer donnant lieu à d'âpres débats parlementaires.
Le premier d'entre-eux a eu lieu le 30 octobre dernier, dans le cadre de la "niche parlementaire" du Rassemblement national. A la tribune de l'Assemblée nationale, Thierry Frappé a dénoncé "l'injustice" qui touche "certains salariés du CHU de Brest, qui paient jusqu'à 600 euros par an pour venir travailler" ou "cet agriculteur dans l'Eure", qui paie 200 euros de stationnement par mois pour que son fils soit soigné à Rouen.
Le groupe Rassemblement national, qui rappelle qu'il avait déjà déposé une proposition de loi sur la gratuité des parkings en mars 2024, estime avoir été précurseur sur ce sujet : "Je pense ici, avec un sourire, à nos collègues du groupe LFI, qui se sont visiblement découvert une passion pour les parkings…", ironisait ainsi Thierry Frappé, fin octobre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
L'élu du Pas-de-Calais proposait dans son texte que "tout établissement public de santé [soit obligé de disposer] d’un parc de stationnement gratuit destiné aux patients, à leurs visiteurs et au personnel de l’établissement". Une proposition jugée "absurde" par le député LFI Raphaël Arnault, selon qui avec le texte du RN "une seule place gratuite suffirait à rendre le parking conforme à la loi".
Le texte du Rassemblement national n'a pas pu être examiné jusqu'à son terme, les élus de gauche ayant notamment freiné les débats par de multiples rappels au règlement, ce qui a empêché de voter sur le texte. "Je pense qu'ils ne voulaient pas que notre texte soit adopté, afin de garder la primauté sur ce sujet", estime Thierry Frappé, interrogé par LCP.
La soirée, très tendue, a laissé des traces, Philippe Schreck (Rassemblement national) qualifiant Raphaël Arnault (La France insoumise) de "racaille", tandis que Louis Boyard (La France insoumise) accusait Anne-Laure Blin (Droite républicaine) d'être "vendue aux fachos", et que le communiste Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine) expliquait que son "grand-père a été tué par des miliciens et par des Waffen-SS qui ont créé le parti du Front national". Plus tôt dans la journée, les députés RN avaient réussi à faire voter une proposition de résolution "visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968" ce qui avait fortement tendu l'ambiance dans l'hémicycle.
L'attitude des élus de La France insoumise lors de l'examen a tellement irrité les députés du groupe de Marine Le Pen que ceux-ci ont promis de faire à leur tour de l'obstruction lors de la "niche parlementaire" du groupe de Mathilde Panot, ce jeudi 27 novembre : en faisant traîner les débats sur la nationalisation d'ArcelorMittal, le Rassemblement national pourrait notamment empêcher l'examen de la proposition de loi sur les parkings gratuits placée plus loin dans l'ordre du jour.
"Il va falloir que les députés du RN assument de s'opposer à la nationalisation d'ArcelorMittal, à la défiscalisation des pensions alimentaires, ou à la gratuité totale des parkings", réagit Pierre-Yves Cadalen, auprès de LCP. Et de rappeler qu'une pétition demandant la gratuité des hôpitaux de Brest a recueilli plus de 25 000 signatures. L'élu souligne aussi que le groupe LFI est le premier à avoir déposé un texte sur ce sujet lors de l'actuelle législature (qui s'est ouverte en juillet 2024). "C'est une réponse à une revendication populaire et citoyenne", affirme-t-il.
Sa proposition de loi est plus radicale que celle du RN : le député LFI propose de résilier dans un délai de trois ans les contrats de concession déjà passés entre des hôpitaux et des opérateurs privés gérant leurs parkings. Une disposition indispensable, selon Pierre-Yves Cadalen, qui affirme par exemple que le CHU de Brest a signé un contrat de 30 ans. Pour mettre en œuvre la mesure, il propose une indemnisation par l’Etat des frais de passage à la gratuité.
"Nous sommes pour l'instant le seul groupe à avoir fait adopter notre texte en commission des affaires sociales", commente Pierre-Yves Cadalen (LFI), convaincu que sa proposition de loi est "la plus applicable" des trois propositions parlementaires. "C'est l'adjonction de nos voix qui a permis l'adoption du texte" en commission, indique toutefois l'élu Thierry Frappé (RN). Une analyse partagée par Stéphane Hablot (PS).
Ce dernier, même s'il ne "votera jamais contre" le texte des insoumis, n'est pas convaincu par la proposition de Pierre-Yves Cadalen. "Le but n'est pas de briller un soir de niche parlementaire en criant victoire, alors que l'on sait que ces textes ne seront pas applicables", affirme à LCP Stéphane Hablot.
"Le mot 'privé' n'est pas un gros mot", considère par ailleurs le député socialiste, qui propose dans son propre texte de renégocier les contrats en cours. Il prône de rendre le stationnement totalement gratuit pour les patients et le personnel hospitalier et de le rendre gratuit pendant deux heures pour les visiteurs des patients. "On ne regarde pas l'heure quand on visite un proche à l'hôpital...", répond Pierre-Yves Cadalen (LFI).
De son côté, Stéphane Hablot (PS) affirme avoir visité près de 25 hôpitaux pour étayer son texte, depuis le 12 février 2025, date à laquelle il avait interpellé le gouvernement sur le sujet. Selon lui, 35% des visiteurs restent sur place moins d'une heure et 50% d'entre-eux restent entre 1 et 2 heures.
Contrairement à ses collègues du RN et de LFI, le député socialiste a refusé de voir son texte inscrit dans la "niche parlementaire" de son groupe, qui aura lieu le 11 décembre prochain. "Dans le contexte actuel, voir son texte inscrit dans une niche c'est être soumis à un bombardement", explique-t-il, échaudé par l'exemple de la niche RN et pessimiste quant au déroulé de celle de LFI, ce jeudi.
Stéphane Hablot souhaite donc que son texte puisse être examiné dans le cadre d'une semaine transpartisane à l'Assemblée nationale. Et il affirme avoir déjà recueilli le nombre de signatures nécessaires pour demander à la Conférence des présidents une telle inscription, pour un éventuel examen lors de la semaine du 19 janvier prochain.