 
  Pour la première fois, un texte du RN a été adopté à l'Assemblée nationale, au cours de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe de Marine Le Pen. "C'est une journée historique pour le Rassemblement national" s'est-elle réjouie, tandis que la gauche a déploré l'étiolement du "cordon sanitaire" au Palais-Bourbon. Après ce succès, le RN a échoué à faire adopter ses autres textes.
A l'annonce des résultats du scrutin, les députés du Rassemblement national se sont levés d'un bloc dans l'hémicycle pour applaudir et se réjouir de leur succès. Pour la première fois, le groupe présidé par Marine Le Pen a réussi à faire adopter l'un de ses textes à l'Assemblée nationale. En l'occurrence une proposition de résolution "visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968" approuvé à une voix près. Un thème qui fait partie des fondamentaux du RN, mais qui a été remis plusieurs fois sur la table, et pas seulement par le parti de Jordan Bardella, ces derniers mois. Par exemple dans un récent rapport parlementaire.
"C'est évidemment une journée qu'on peut qualifier d'historique pour le Rassemblement national", a immédiatement réagi Marine Le Pen, se félicitant que le premier texte inscrit à l'ordre du jour de la "niche parlementaire" de son groupe ait connu un sort favorable, grâce au renfort de députés Les Républicains et Horizons, tandis que les groupes opposés à la proposition de résolution se sont trop faiblement mobilisés, notamment Ensemble pour la République au sein duquel siègent les élus du parti présidentiel.
S'agissant d'une proposition de résolution, le texte n'a pas de valeur législative et contraignante pour le gouvernement, mais une forte portée politique et symbolique. En fin de journée, en déplacement dans la Manche, le Premier ministre Sébastien Lecornu n'a pas parlé de rompre l'accord entre Paris et Alger, mais de le "renégocier" car il "appartient à une autre époque".
"Avant il y avait un cordon sanitaire face aux nostalgiques de la colonisation. Aujourd’hui, il n’y a que des marche-pieds !", a déploré sur X Soumya Bourouaha (Gauche démocrate et républicaine). "La porosité totale de la droite avec l'extrême droite (...) marque la capitulation idéologique des Républicains et d’Horizons", a réagi l'ancien député du parti présidentiel Sacha Houlié, désormais apparenté au groupe Socialistes. "Chers collègues d'Horizons et de LR, pourquoi apporter vos votes au RN ? Vous pourriez vous abstenir. Pourquoi faire sauter la digue ?", a pour sa part interrogé Ludovic Mendes (apparenté Ensemble pour la République) lors de la séance de l'après-midi.
"On ne vote pas [ce texte] parce qu'il vient du RN, mais parce qu'il reprend à la virgule près quelque chose qu'on a défendu. Je ne vois pas où est le malaise", a pour sa part souligné Fabien Di Filippo (Droite républicaine) à la sortie de l'hémicycle.
Lors de l'examen du deuxième texte, également très emblématique, de la "niche parlementaire" du Rassemblement national, la proposition de loi "visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier", les groupes s'y opposant se sont davantage mobilisés, ce qui a abouti à son rejet. Les députés d'Ensemble pour la République ont dénoncé une mesure à la fois démagogique et inopérante, tandis que la gauche a fustigé un texte "indigne".
"Les députés du Rassemblement national jouent au coucou avec cette proposition de loi, et font leur lit dans le nôtre", a quant à lui estimé Xavier Albertini (Horizons) qui, comme Eric Pauget (Droite républicaine), a assumé de voter contre les amendements de suppression qui ont cependant été adoptés. Voyant le texte vidé de sa substance, le groupe RN l'a finalement retiré de l'ordre du jour.
Venait ensuite au programme de la journée réservée des député du Rassemblement national dans l'hémicycle une proposition de loi "visant à rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires par le moyen de l’étiquetage". "Sans transparence, il ne peut y avoir ni confiance des consommateurs, ni concurrence équitable entre producteurs", a argumenté la rapporteure du texte, Hélène Laporte (RN).
Défavorable à la proposition de loi, le ministre des Petites et moyennes entreprises et du Commerce, Serge Papin, a pointé un "risque juridique" et "économique", évoquant en outre la complexité que représenterait sa mise en œuvre pour les entreprises et les commerces de bouche. Le texte a finalement été rejeté juste avant la pause dîner.
Au cours de l'heure qui a précédé ce rejet, les débats ont commencé à s'étirer, le Rassemblement national reprochant à la gauche de se livrer à une stratégie "d'obstruction". Et lors de rappels au règlement, la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot, ainsi que son homologue du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain, ont fait état de "messages écrits" de députés RN, en particulier de Jean-Philippe Tanguy, les menaçant de représailles lors de prochaines "niches parlementaires". Un "chantage" dénoncé par la députée écologiste.
Les débats du soir, qui portaient sur une proposition de loi "relative à la gratuité des parkings d'hôpitaux publics", ont également tourné à l'affrontement verbal. "Le Rassemblement national est une force politique d'extrême droite", a lancé Sandrine Rousseau (Ecologiste et social), justifiant ainsi sa volonté de ne pas soutenir le texte. Son intervention - et les réactions des députés du Rassemblement national - ont donné le coup d'envoi d'une longue série de rappels au règlement, une vingtaine, agrémentés de quelques demandes de suspension de séance.
D'Olivier Fayssat (Union des droites pour la République), qui a évoqué "les cent millions de morts du communisme", à Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine), qui a ravivé la mémoire de son grand-père "tué par des miliciens et Waffen-SS qui ont créé le parti du Front national", les députés n'ont que rarement évoqué la question des parkings d'hôpitaux.
La teneur des échanges a fait dire à Perrine Goulet (Les Démocrates) qu'elle avait "honte du comportement" de ses collègues, Fabien Di Filippo (Droite républicaine) regrettant "l'image déplorable des débats". S'ils ont repoussé l'article 1er du texte, les députés n'ont pas eu le temps de se prononcer sur l'ensemble de la proposition de loi, la journée d'initiative parlementaire du groupe de Marine Le Pen s'éteignant à minuit, comme le prévoit le règlement de l'Assemblée nationale. Trois autres textes qui avaient été mis à l'ordre du jour par le Rassemblement national, sur les frais bancaires, le handicap et l'école, n'ont donc pas pu être débattus.