Rétablissement du délit de séjour irrégulier : le RN échoue à faire voter son texte après un débat tendu à l'Assemblée

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Sylvie Josserand dans l'hémicycle, le 30 octobre 2025
Sylvie Josserand (RN) dans l'hémicycle, le 30 octobre 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 30 octobre 2025 à 19:00, mis à jour le Jeudi 30 octobre 2025 à 19:17

Les députés ont rejeté l'article unique de la proposition de loi du Rassemblement national "visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier", en votant plusieurs amendements de suppression portés par les groupes de gauche et le parti présidentiel. Le texte ayant été vidé de sa substance, le RN a décidé de le retirer pour passer à l'examen des autres propositions de sa journée d'initiative parlementaire.

Après une victoire symbolique inédite par le vote de la proposition de résolution "visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968", les députés du Rassemblement national ont échoué à faire adopter le texte suivant de leur journée d'initiative parlementaire à l'Assemblée nationale. En l'occurrence, une proposition de loi "visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier", dont l'article unique a été rejeté par le vote d'amendements de suppression (détail du scrutin à consulter ici).

Un délit supprimé en 2012, mais régulièrement remis à l'ordre du jour

Rapporteure du texte, Sylvie Josserand (RN) a fustigé l'abrogation du délit de séjour irrégulier datant de 2012, au début du quinquennat de François Hollande à l'Elysée. "On observera le zèle du législateur, qui n'était nullement dans l'obligation de supprimer le délit de séjour irrégulier", a déclaré la députée, estimant que "pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne, il pouvait se contenter de remplacer la peine d'emprisonnement par une peine d'amende tout en maintenant le délit". En 2012, l'abrogation avait été justifiée par la nécessaire mise en conformité avec la "directive retour" de 2008 émise par le Parlement européen.

Sylvie Josserand a, en outre, souligné que lors de l'examen de la "loi immigration" de 2024, le Sénat avait voté par amendement le délit de séjour irrégulier, mesure finalement censurée par le Conseil constitutionnel car considérée comme "cavalier législatif". C'est-à-dire une censure liée à la procédure, sans tenir compte de la mesure elle-même. La proposition de loi présentée par le RN reprenait les mêmes dispositions que celles votées en 2024, à savoir le rétablissement du délit de séjour irrégulier, faisant encourir une amende de 3 750 euros, et une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pendant trois ans.

Notant que le sujet revenait régulièrement à l'ordre du jour des débats du Parlement, le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a repoussé l'idée que l'abrogation du délit concerné ait constitué "une dérive laxiste dans la gestion de l'immigration irrégulière", ni "découlé d'une quelconque conviction partisane". En outre, l'ancien préfet de police de Paris a contesté "l'effectivité" de la délictualisation du séjour irrégulier prévue par la proposition de loi, arguant que sans peine d'emprisonnement, "elle ne donnerait accès à aucun des pouvoirs judiciaires coercitifs d'identification", ni à "aucun pouvoir coercitif supplémentaire à nos forces de l'ordre".

"Cette proposition de loi ne sert absolument à rien"

"On reste dans le symbole", a finalement considéré Laurent Nuñez à propos du texte, avant d'indiquer que le nombre d'interpellations d'individus en situation irrégulière avait augmenté "de manière significative" depuis la suppression dudit délit.

"Cette proposition de loi ne sert absolument à rien", a abondé le président de la commission des lois de l'Assemblée, Florent Boudié (Ensemble pour la République), ajoutant à l'adresse des députés du Rassemblement national : "Elle n'a aucune valeur autre que le symbole que vous voulez utiliser". 

Une mesure "inutile, illégale et indigne" pour Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine). Prenant le contre-pied du RN, son collègue communiste et président du groupe GDR, Stéphane Peu, a quant à lui appelé à régulariser "tous ceux qui travaillent, qui par leur sueur font fonctionner le pays", convoquant le souvenir de la crise sanitaire et ceux des "salariés sans-papiers (...) morts du Covid sans protection".

"Vos arguments sont indigents". a répondu Marine Le Pen aux députés opposés au texte. Et la cheffe de file du groupe RN d'énumérer les "raisons majeures" justifiant l'adoption du texte, afin notamment de "restituer une cohérence entre la volonté populaire et la loi".

Les groupes Droite républicaine et Horizons en soutien du texte

La proposition du RN a, en revanche, été soutenue par Les Républicains, qui ont revendiqué d'avoir eux-mêmes porté ce sujet. "Depuis la suppression du délit de séjour irrégulier en 2012, la France s'est privée d'un véritable outil juridique dissuasif", a fait valoir Eric Pauget (Droite républicaine). Plaidant la cohérence, il a rappelé qu'une proposition de loi similaire avait été déposée en 2024 par son groupe, jugeant celle du RN présentée ce jeudi "bien inspirée".

"La vérité c'est que les députés du Rassemblement national jouent au coucou avec cette proposition de loi, et font leur lit dans le nôtre", a pour sa part estimé Xavier Albertini (Horizons), soulignant que le groupe émanant du parti d'Edouard Philippe soutenait déjà le rétablissement du délit de séjour irrégulier en 2023 "et en demeur[ait] toujours convaincu en 2025".

Les députés ont finalement adopté les amendements de suppression de l'article unique de la proposition de loi par 209 voix "pour" et 169 "contre". Certains groupes, dont celui du parti présidentiel Renaissance s'étant davantage mobilisés après la victoire du RN, à une voix près, quelques heures plus tôt sur les accords franco-algériens. Le texte ayant été vidé de sa substance, le groupe de Marine Le Pen l'a retiré de l'ordre du jour pour passer à l'examen de ses propositions de loi suivantes. 

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