Accord franco-algérien de 1968 : un rapport parlementaire propose la dénonciation de l'accord

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par Maxence Kagni, le Mercredi 15 octobre 2025 à 10:57, mis à jour le Mercredi 15 octobre 2025 à 12:42

Un rapport parlementaire présenté par Charles Rodwell (Ensemble pour la République), ce mercredi 15 octobre, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale propose de remettre en cause les dérogations accordées aux Algériens dans le cadre de l'accord franco-algérien de 1968.

Au nom du principe "d'égalité" envers les autres étrangers, un rapport parlementaire propose de remettre en cause les dérogations accordées aux Algériens dans le cadre de l'accord franco-algérien de 1968.

Préparé par les députés Ensemble pour la République Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, ce dernier étant devenu ministre délégué à la Transition écologique, le document propose de mettre fin au statut unique conféré aux Algériens en matière de circulation, de séjour, d'emploi et de protection sociale.

Ce statut "crée une rupture d’égalité qui fragilise notre ordre juridique et entraîne un surcoût important pour nos finances publiques", en raison d'un coût de traitement pour l'administration et à travers les prestations sociales par exemple, affirment les auteurs du rapport. Ils avancent une évaluation de l'ordre de 2 milliards d'euros, mais soulignent que "l'estimation de ces surcoûts pour les finances publiques est imprécise" en raison de "l'absence voire de la rétention de données".

"Situation intenable"

Par ailleurs, "la France est la seule des deux parties à continuer d'appliquer l'accord signé en 1968", a aussi expliqué Charles Rodwell, lors de la présentation du rapport en commission des finances, ce mercredi matin. "Ce refus rend la situation intenable et pour nous inacceptable tant pour la sécurité des Français que pour les conditions de vie des citoyens algériens présents sur notre territoire", a déclaré l'élu des Yvelines. 

L'accord, signé six ans après la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962), alors que la France avait besoin de bras pour soutenir son économie, permet aux ressortissants algériens d'obtenir un titre de séjour de 10 ans selon une procédure accélérée. Dans le cadre d'un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de 10 ans dès leur arrivée si la personne qu'ils rejoignent possède ce titre.

Ces dispositions spécifiques, jugent les auteurs du rapport, "créent une situation juridique problématique en ce qu'elles instituent une discrimination entre étrangers de nationalités différentes sur le territoire français". Mercredi matin, Charles Rodwell a ainsi expliqué qu'un citoyen sénégalais doit "attendre 18 mois pour bénéficier du regroupement familial contre 12 pour un Algérien".

L'accord "ne présente aucune disposition concernant la partie algérienne ni aucune clause de réciprocité et n’a donc 'd’accord' que le nom. Il s’apparente, dans les faits, davantage à une déclaration unilatérale de la France", accusent enfin les auteurs. Ils estiment que la "dénonciation" de l'accord est possible sans l’inscrire dans une opposition frontale et directe avec l’Algérie.

Une "commande politique" pour "faire la une de Cnews"

Le rapport de Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre a été critiqué par le député socialiste Philippe Brun : "Il n'est pas totalement incompréhensible que des gens qui ont partagé un destin commun avec la France pendant 132 ans voient leur statut être régi de manière spécifique."

Le vice-président de la commission des finances a également regretté qu'"aucun tableau" ne vienne "étayer" le chiffre de deux milliards d'euros de surcoût pour la France de l'accord franco-algérien : "C'est davantage un rapport de commande politique avec à la fin un chiffre qui est fait pour faire la une de Cnews", a dénoncé Philippe Brun.

En février dernier, un rapport du Sénat suggérait déjà d'ouvrir la voie à la dénonciation de cet accord. En pleine crise diplomatique, l'ancien ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau avait également dit à plusieurs reprises son souhait de le remettre en cause. Les relations entre Paris et Alger sont au plus bas depuis l'été 2024 et la reconnaissance par la France d'un plan d'autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental.

Les Algériens occupent la tête des nationalités étrangères présentes en France - on y comptait 649.991 Algériens en 2024 - et la deuxième place pour les obtentions d'un premier titre de séjour. Ils sont également la première nationalité interpellée en France en situation irrégulière avec 33 754 personnes en 2024.

(MK avec AFP)