Les députés ont rejeté, dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 novembre, la partie "recettes" du projet de loi de finances pour 2026, ce qui interrompt l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale. Le projet de budget de l'Etat va donc être transmis au Sénat dans sa version initiale, avant de revenir devant les députés en décembre.
Après plus de 125 heures d'examen, "le plus long débat budgétaire que la Vème République ait pour le moment connu", a indiqué la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, l'Assemblée nationale a rejeté la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, consacrée aux recettes, par 404 voix "contre", 1 voix "pour", et 84 abstentions (détail du scrutin à consulter ici).
Ce large rejet, intervenu dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 novembre, provoque l'interruption de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale. La deuxième partie, consacrée aux dépenses, ne sera donc pas examinée par les députés à ce stade de la procédure budgétaire.
Comment expliquer un tel résultat ? Dans un hémicycle sans majorité, le texte a subi de nombreuses modifications au fil des débats et au gré de votes à géométrie variables, jusqu'à ne plus convenir aux groupes qui soutiennent le gouvernement, sans pour autant satisfaire les groupes d'opposition.
Lors du scrutin, un seul et unique député, Harold Huwart (LIOT), s'est prononcé en faveur de la partie "recettes". Un peu plus tôt, lors des explications de vote, tous les orateurs des groupes politiques qui composent l'Assemblée nationale avaient indiqué leur décision de s'y opposer ou de s'abstenir.
Du côté de l'ex-socle commun, les groupes Ensemble pour la République et Les Démocrates se sont majoritairement abstenus, tandis que les groupes Horizons et Droite républicaine ont voté contre. "Nous ne pouvons approuver un texte devenu irresponsable", a expliqué Félicie Gérard (Horizons), quand Paul Midy (Ensemble pour la République) dénonçait les "horreurs économiques votées main dans la main par le RN et LFI". "Le budget est inapplicable en l'état", a pour sa part estimé le rapporteur général, Philippe Juvin (Droite républicaine), se montrant effaré par les taxes supplémentaires pesant notamment sur les entreprises. "Ce n'est le texte de personne en totalité, mais chacun doit prendre une part. Sinon comment aboutir à un compromis", a quant à lui interrogé Marc Fesneau (Les Démocrates), envisageant déjà la suite du processus budgétaire.
Les groupes de gauche ont voté unanimement contre la première partie de ce budget "Frankenstein", selon les mots du président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise). "Le compte n'y est pas", a souligné Boris Vallaud (Socialistes), assumant la stratégie de son parti d'avoir préféré le débat à la censure "dans l'intérêt des Français". "Nous n'avons pas aujourd'hui les institutions qui permettent à l'Assemblée nationale de faire un budget", a pour sa part déploré Tristan Lahais (Ecologiste et social).
Les groupes Rassemblement national et Union des droites pour la République ont également voté contre la partie "recettes" du PLF. "Personne ne votera ce budget tant vous en avez honte", a lancé Jean-Philippe Tanguy (RN), appelant une nouvelle fois à la dissolution de l'Assemblée nationale.
Le projet de loi de finances va désormais être transmis au Sénat. Conséquence de son rejet par l'Assemblée : c'est sur la copie initiale du gouvernement que les sénateurs vont plancher, sans qu'aucun des amendements adoptés par les députés ne soit inclus à ce stade des discussions. Le texte sera discuté dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg à partir de jeudi prochain, le 27 novembre, puis il reviendra à l'Assemblée nationale courant décembre.
A ce stade, le gouvernement espère toujours parvenir à un compromis qui permettrait une adoption du budget de l'Etat et du budget de la Sécurité sociale avant la fin de l'année, ce qui lui permettrait d'éviter d'avoir recours à une "loi spéciale" destinée à assurer le fonctionnement du pays en attendant le vote de budgets en bonne et due forme. Toutefois, en raison d'un calendrier particulièrement contraint et de désaccords politiques marqués, rien ne garantit de la faisabilité de ce scénario avant la trêve de Noël. En cas d'impasse, le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a déjà indiqué que l'option de la loi spéciale serait utilisée par le gouvernement, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, écartant l'option des ordonnances.