Meurtre de Philippine : vers l'allongement de la durée de rétention des étrangers condamnés jugés dangereux

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Olivier Marleix LCP 02/07/2025
Le député Droite républicaine Olivier Marleix à l'Assemblée, le 2 juillet 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Jeudi 3 juillet 2025 à 15:10

Les députés ont achevé l'examen de la proposition de loi visant à "faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive". Le texte, qui a fait l'objet d'âpres débats dans l'hémicycle, devrait être adopté mardi prochain, 8 juillet, lors d'un vote solennel.

Au bout de deux jours de vifs débats, ponctués de passes d'armes et d'anathèmes, les députés ont achevé, mercredi 2 juillet au soir, l'examen de la proposition de loi "visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive". Le texte a particulièrement clivé l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

L'objet principal de la proposition de loi est d'allonger la durée maximale de la rétention administrative pour les étrangers condamnés à des crimes et délits graves, faisant l'objet d'une interdiction du territoire français, et présentant une menace pour l'ordre public. Actuellement fixée à 90 jours, cette durée passerait à 210 jours, sur le modèle de ce qui existe en matière terroriste.

Initialement déposé au Sénat par Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains), le texte répondait à l'émotion provoquée par le meurtre de Philippine, une étudiante de 19 ans dont le corps avait été retrouvé dans le bois de Boulogne. Le principal suspect, un Marocain en situation irrégulière déjà condamné pour viol, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), avait été libéré du centre de rétention administrative dans lequel il se trouvait quelques semaines avant le meurtre.

"A quelques jours près, l'administration détenait le laissez-passer consulaire qui aurait permis de l'éloigner dans son pays d'origine", a souligné le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, lors du coup d'envoi des des débats. "Cette loi n'est pas une loi d'exception", a-t-il martelé dans l'hémicycle, ajoutant que le texte respectait autant le droit national que communautaire.

Un texte "xénophobe" pour la gauche

Pas de quoi convaincre les groupes de gauche qui ont combattu sans relâche cette proposition de loi. "C'est un texte attentatoire à nos libertés publiques et individuelles", a fustigé Céline Hervieu (Socialistes). Comme nombre de ses collègues, elle a dénoncé une proposition présentée sous le coup de l'émotion, voyant là "l'exploitation d'un crime tragique". Et d'ajouter : "C'est une loi xénophobe et liberticide." Un avis partagé par Antoine Léaument (La France insoumise) qui a lui critiqué un texte "contradictoire avec nos valeurs fondamentales".

"L'émotion ne peut pas être absente", a assumé le rapporteur, Olivier Marleix (Droite républicaine). "On ne peut pas dire que c'est un texte d'affichage, et qui serait attentatoire aux libertés. Il faut choisir la critique. C'est un texte utile à la protection de nos concitoyens", a-t-il poursuivi. "Le seul objet de ce texte, c'est de préserver les familles françaises de criminels qui sont en centre de rétention administrative", a renchéri Charles Rodwell (Ensemble pour la République).

Une mesure ajoutée à l'Assemblée nationale au stade de la commission a particulièrement fait débat. Elle autorise la prise d’empreintes digitales et de photographies d'un étranger en rétention administrative sans son consentement, lorsqu'il s'agit de l'unique moyen de vérifier son identité en procédant, si nécessaire, à la contrainte. "Cette mesure est une honte et doit être supprimée", a cinglé Céline Hervieu (Socialistes), qui a évoqué les "scènes de violence" qu'elle pourrait engendrer. "Vous entrez dans un processus de déshumanisation", a-t-elle lancé aux élus du parti présidentiel. "C'est un article abject. (...) Vous êtes dans la xénophobie", a abondé Andrée Taurinya (La France insoumise). Le gauche a, en outre, considéré que cet article pourrait être considéré comme un "cavalier législatif" par le Conseil constitutionnel. Ce qui n'a pas empêché son adoption. 

"De toute façon tout ce vous qui dépasse et qui dépasse votre logiciel est d'extrême droite. C'est votre reddition de ces sujets qui est le meilleur carburant du Rassemblement national", s'est exaspérée Naïma Moutchou (Horizons), à la fin de l'examen de la proposition de loi. Le texte fera l'objet d'un vote solennel mardi prochain, le 8 juillet. Et compte tenu des forces en présence à l'Assemblée nationale, elle devrait adoptée en première lecture, avant de repartir au Sénat afin de poursuivre son parcours législatif.