L'Assemblée nationale a commencé, mardi 1er juillet au soir, l'examen d'une proposition de loi visant à "faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive". Porté par Olivier Marleix (Droite républicaine), le texte est jugé "xénophobe" et "inefficace" par la gauche.
En septembre dernier, le meurtre de Philippine avait suscité l'émotion et l'indignation. Le corps de l'étudiante de 19 ans avait été retrouvé dans le bois de Boulogne. Quelques jours plus tard, un suspect était arrêté en Suisse. Marocain en situation irrégulière, condamné pour viol en 2021, libéré en 2024, il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Placé en centre de rétention administrative (CRA) à sa sortie de prison, dans l'attente de la délivrance de son laissez-passer consulaire, il avait finalement été libéré début septembre 2025, après trois prolongations de sa rétention.
"A quelques jours près, l'administration détenait le laissez-passer consulaire qui aurait permis de l'éloigner dans son pays d'origine", a rappelé le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, mardi 1er juillet au soir, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Le locataire de la place Beauvau s'exprimait dans le cadre de l'examen de la proposition de loi "visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive". Ce texte, initialement déposée par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (Les républicains) a été adopté au Palais du Luxembourg en mars dernier.
Son objectif est d'étendre le régime dérogatoire en matière de durée maximale de rétention administrative, prévu pour les étrangers condamnés pour terrorisme, aux étrangers condamnés pour des crimes ou délits graves, faisant l'objet d'une interdiction du territoire et présentant une menace grave pour l'ordre public. Ce délai est actuellement de 90 jours dans le régime de droit commun, contre 210 jours en matière de terrorisme.
Quand la règle de droit ne protège plus, il faut changer la règle. Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur
"Rien ne fait obstacle à ce que nous retenions ces individus dangereux plus longtemps", a soutenu Bruno Retailleau, assurant que ni le droit européen, ni le corpus législatif français ne s'opposaient à cette évolution. "Cette loi n'est pas une loi d'exception. Un individu condamné pour des faits graves ne peut pas se prévaloir d'un droit automatique à rester sur notre sol", a appuyé Ian Boucard (Droite républicaine).
En cette soirée étouffante en raison de la canicule, les débats ont été particulièrement engagés dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, entre les députés de gauche particulièrement hostiles au texte d'une part, et les députés de droite, ainsi que Bruno Retailleau, d'autre part. "Cette proposition de loi exploite un crime tragique en faisant un lien entre insécurité et immigration", a fustigé Céline Hervieu (Socialistes), qui a défendu une motion de rejet préalable. "C'est une loi xénophobe et liberticide", a-t-elle ajouté, avant de critiquer son "inefficacité", le retour d'étrangers en situation irrégulière dépendant avant tout de l'obtention des laissez-passer consulaires.
"Cette proposition de loi est un mauvais exemple de ce que peut être l'exploitation d'un crime abject par une solution à la fois indigne et inefficace", a elle renchéri Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine). Plus généralement, Jean-François Coulomme (La France insoumise) a dénoncé une "course à l'échalote minable". "L'UDR court derrière les textes répressifs et xénophobes du RN, mais Les Républicains courent derrière l'UDR et puis Ensemble pour la République à son tour court derrière LR", a-t-il lancé.
Ce texte manipule les violences sexistes et sexuelles pour nourrir votre idéologie xénophobe. Céline Hervieu, députée socialiste
Vilipendé par la gauche, le texte a été soutenu par le bloc central et par le Rassemblement national. "C'est un texte utile, mais qui ne résoudra pas tout", a considéré Vincent Caure (Ensemble pour la république), appelant à une "amélioration massive en matière de délivrance des laissez-passer consulaires".
En fin de séance, alors que les députés abordaient des amendements de suppression de la principale disposition du texte, une vive passe d'armes a opposé Antoine Léaument (LFI) au ministre de l'Intérieur, l'élu insoumis ayant reproché à Bruno Retailleau de "[salir] le drapeau". "Vous êtes le parti de l'indignité", lui a rétorqué le ministre de l'Intérieur, qui a saisi l'opportunité pour critiquer Sébastien Delogu (LFI), quelque peu désavoué par son camp après les propos qu'il a tenus au cours de son voyage en Algérie. "Il a dit, 'j'embrasse le drapeau algérien'. Le seul drapeau que j'embrasse, moi, c'est le drapeau bleu blanc rouge !"
Les députés devraient terminer l'examen, en première lecture, de la proposition de loi ce mercredi 2 juillet.