La mission d’information "sur les contrôles des produits importés en France", présidée par le députés Romain Eskenazi (Socialistes) présentera son rapport ce mercredi 17 décembre. Les rapporteurs de la mission, Antoine Vermorel-Marques (Droite républicaine) et Julien Guibert (Rassemblement national) proposent de multiplier les contrôles vis-à-vis des produits importés depuis des plateformes chinoises comme Shein ou Temu. Ils souhaitent aussi sanctionner directement ces sites quand ils proposent à la vente des produits interdits.
La France et l'Union européenne ne contrôlent pas le flux de marchandises qui entrent sur leur territoire. C'est le constat que dressent les députés Antoine Vermorel-Marques (Droite républicaine) et Julien Guibert (Rassemblement national) dans le rapport de la mission d'information "sur les contrôles des produits importés en France dans le cadre des politiques de réciprocité", qui sera présenté demain, mercredi 17 décembre, et que LCP a pu consulter.
Face à l'émergence des géants chinois Shein ou Temu, les députés de la mission présidée par Romain Eskenazi (Socialistes) proposent donc de développer les contrôles et de responsabiliser les géants du commerce en ligne en les rendant potentiellement responsables de la vente sur leurs plateformes de produits non conformes. Ils proposent aussi de suspendre temporairement voire définitivement ces sites en cas de manquements répétés.
Antoine Vermorel-Marques et Julien Guibert constatent que les importations connaissent une véritable explosion en France :
Près de 4,6 milliards de colis sont arrivés dans l’UE en 2024, soit 12 millions par jour. Extrait du rapport
Les rapporteurs expliquent cette évolution par la chute de nos propres capacités productives mais aussi par le "détournement vers l’Europe d’exportations chinoises originairement destinées au marché américain".
Selon la commission européenne, en 2024, seuls 0,0082% des produits importés dans l'Union européenne ont été effectivement contrôlés. Cela est d'autant plus dommageable que lorsque des contrôles sont effectués par les douanes, les résultats sont sans appel.
A titre d'exemple, en 2022, la douane française a effectué un contrôle spécifique de dix jours dans les trois grands aéroports parisiens, sur le "fret express", c'est-à-dire les petits colis livrés par des opérateurs du commerce électronique :
Le rapport évoque aussi une enquête de l'UFC-Que choisir en date d'octobre 2025, réalisée en France, en Allemagne, en Belgique et au Danemark. 57% des articles testés sur le site Shein et Temu dans les catégories chargeurs de téléphone, jouets pour enfants de moins de trois ans et bijoux ne "correspondaient pas aux normes de sécurité des consommateurs".
Les douanes françaises et la DGCCRF ont également mené à la fin de l'année des contrôles inopinés à Roissy, Nantes, Angers ou encore Bayonne après la découverte de poupées pédopornographiques et d'armes de catégorie A sur le site de Shein. Si le taux de non-conformité relevé à Angers était "faible", celui-ci était presque de 100% à Bayonne.
Selon Antoine Vermorel-Marques (DR) et Julien Guibert (RN), les produits vendus en ligne sur les plateformes chinoises en ligne forment donc "une concurrence déloyale mettant en danger nos entreprises agricoles et industrielles et portant atteinte à l’environnement, mais aussi la santé et à la sécurité des consommateurs".
Pour lutter contre ce phénomène, les députés proposent de "reporter sur les places de marché", c'est-à-dire sur les plateformes de vente comme Shein, "la responsabilité des produits non conformes en cas d’impossibilité d’identifier le vendeur, l’importateur ou le mandataire desdits produits". Les deux élus se prononcent aussi en faveur d'"un mécanisme de suspension, voire d’interdiction en cas d’infractions répétées ou fréquentes" constatées sur un site.
Le seul moyen de forcer ces plateformes à respecter nos règles est de pouvoir utiliser la suspension de l’activité d’un site, temporairement ou définitivement. Extrait du rapport
Antoine Vermorel-Marques et Julien Guibert proposent aussi d'"infliger au responsable de la mise sur le marché" une amende proportionnelle au "bénéfice généré par la vente d’un ou plusieurs produits ne respectant pas la réglementation en vigueur, assortie d’une pénalité sanctionnant le manquement aux obligations de conformité". Une mesure qui vise directement Shein, les deux élus s’interrogeant "sur l’absence d’amende administrative infligée à une plateforme ayant hébergé des produits non conformes ou illicites, quand bien même elle se serait mise en conformité après injonction".
Julien Guibert (RN) propose, par ailleurs, d'"imposer aux vendeurs établis hors de l’Union européenne l’obligation de disposer d’un lieu de stockage, d’un représentant ou d’un point de présence en Europe, identifiable et juridiquement responsable de la mise sur le marché des produits".
L'explosion de l'importation de petits colis pose par ailleurs la "question très basique" de "la capacité des quelques milliers d’agents des douanes et de leurs collègues d’autres directions en charge de la conformité des produits d’assurer leurs missions".
Pour pouvoir multiplier les contrôles, le gouvernement a soutenu l'adoption dans le projet de loi de finances pour 2026 d'une taxe de deux euros sur les petits colis importés depuis un espace extra-européen. Antoine Vermorel-Marques (DR) souhaite rehausser cette taxe, pour la fixer à cinq euros. Avec son co-rapporteur, il propose aussi de rétablir dans le projet de loi de finances les budgets des douanes et de la DGCCRF.
La souveraineté repose sur l’idée que l’État dispose de l’autorité sur le territoire français et qu’il y fait notamment appliquer ses lois. Extrait du rapport
Les deux députés proposent également de "réaliser, pour l’ensemble des normes environnementales et techniques européennes, des contrôles extraterritoriaux menés par les effectifs de la Commission européenne pour vérifier la conformité des produits avant leur arrivée aux frontières de l’UE".
Enfin, ils mettent en avant la "contradiction" de la société française qui, d'un côté, soutient l'objectif de transition écologique et, de l'autre, "dans la continuation d’un XXème siècle qui a fait de la consommation une promesse centrale", "poursuit la quête [du] consumérisme".
Selon eux, une "large partie des délocalisations d'industries répond au souhait tacite des consommateurs des pays développés d’accéder aux technologies de la communication" : l'achat de vêtements, de jouets ou de meubles à bas coût permettrait ainsi l'acquisition de "téléphones portables coûteux". Antoine Vermorel-Marques et Julien Guibert proposent donc de conduire une "campagne nationale de sensibilisation des consommateurs sur les conséquences de leurs actes d’achat".
Shein n'a pas voulu être auditionné
Les travaux de la mission d'information ont été marqués par le refus réitéré des représentants de Shein d'être entendus par les députés. Les représentants de la plateforme chinoise en France ont dans un premier temps refusé d'être auditionnés. Ils ont ensuite été dûment convoqués par la présidente de la commission du développement durable, Sandrine Le Feur.
Après une première demande de report qui a été acceptée, les représentants de Shein ne se sont pas présentés lors de deuxième convocation. "Cette absence inédite, qui manifeste un profond mépris pour la représentation nationale, a fait l’objet d’un signalement au procureur de la République", explique dans son avant-propos au rapport le président de la mission d'information, Romain Eskenazi (PS).
Aujourd'hui, le refus de répondre favorablement à la convocation d'une commission permanente de l'Assemblée nationale est puni de 7500 euros d'amende. Une sanction que l'un des deux rapporteurs de la mission d'information, Antoine Vermorel-Marques (DR), propose de majorer.