Le gouvernement de Michel Barnier a été censuré par l'Assemblée nationale, ce mercredi 4 décembre, à l’issue du scrutin qui a eu lieu sur la motion de censure présentée par le Nouveau Front populaire, à laquelle le Rassemblement national a apporté ses voix. Quelles conséquences au Palais-Bourbon ? "Les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés", a indiqué Yaël Braun-Pivet, après avoir annoncé la censure du gouvernement.
En juin dernier, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, les députés avaient été contraints de stopper tous leurs travaux, qu’ils soient législatifs ou de contrôle. Du projet de loi sur la fin de vie aux commissions d’enquête en cours, tout s’était immédiatement arrêté. Que va-t-il se passer maintenant que la censure contre le gouvernement a été votée ?
Les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés. Yaël Braun-Pivet
Le sujet a été abordé, mardi 3 décembre, lors de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale qui se réunit chaque semaine, autour de Yaël Braun-Pivet, pour fixer l’ordre du jour du Palais-Bourbon. Selon nos informations, la préférence de la présidente de l’institution allait à la poursuite, au plus vite, du travail législatif, alors que cette semaine était consacrée à l’examen de propositions de loi transpartisanes, c’est-à-dire à l’initiative des députés, au-delà des clivages politiques. Mais, toujours selon nos informations, le secrétariat général du gouvernement a fait savoir qu’il ne lui semblait pas possible que le travail législatif se poursuive dès le lendemain d’une éventuelle censure. Les travaux de contrôle, pour ceux qui ne nécessitent pas la présence d'un ministre, notamment les missions d'informations et les commissions d'enquête en cours, pourront quant à eux continuer.
De source parlementaire, l’ordre du jour de l’hémicycle, qui était prévu jusqu'au vote de la censure, va donc suspendu, ce qui veut par exemple dire que les députés n’examineront finalement pas cette semaine la proposition portant sur les relations locatives et les objectifs de rénovation énergétique, qui a été déposée par les membres du groupe Ensemble pour la République, qui fait partie du socle gouvernemental, et les membres du groupe Socialistes, qui fait partie de l’opposition.
Anticipant la suspension des travaux législatifs qui suivrait le vote de la censure, les députés ont poursuivi leurs travaux au-delà de minuit, mardi soir, de façon aller au bout de l’examen de la proposition de loi sur le remboursement intégral des fauteuils roulants par l’Assurance maladie. Le texte signé par des députés de plusieurs groupes du socle gouvernemental et d’opposition, porté par Sébastien Peytavie (Ecologiste et social) a ainsi été adopté, en première lecture, à l’unanimité.
A la suite du vote de la censure, la présidente de l’Assemblée nationale va réunir, dès ce mercredi soir, les présidents des onze groupes politiques de l’institution, afin d’envisager la suite pour ce qui concerne le travail des députés. Après cette réunion, il reviendra à la Conférence des présidents de surseoir à l'ordre du jour et de le réaménager. De son côté, comme le prévoit l’article 50 de la Constitution, Michel Barnier va maintenant remettre la démission de son gouvernement à Emmanuel Macron. Et après ? Quand un nouveau Premier ministre sera-t-il nommé ? Quand son gouvernement sera-t-il composé ? Le nouveau Premier ministre commencera-t-il à gouverner avec les ministres démissionnaires en attendant de composer une nouvelle équipe ?
Techniquement, la chute du gouvernement et le rejet de l’accord trouvé en CMP sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), texte sur lequel Michel Barnier a eu recours au 49.3 et engagé sa responsabilité, n’entraînera pas mécaniquement l’abandon du budget de la Sécu. Après son rejet, le PLFSS pourra donc reprendre son parcours législatif avec la reprise de la navette entre les deux Chambres du Parlement. La question de son contenu, sur le fond, étant politique dépendra quant à elle du gouvernement qui sera nommé à la suite de la chute de celui de Michel Barnier. Idem pour le projet de loi de finances (PLF), actuellement en cours d'examen au Sénat. Ce qui suppose cependant la nomination d'un nouveau gouvernement de plein exercice. Par ailleurs, en attendant la nomination d’une nouvelle équipe, aucun nouveau projet de loi ne pourra pas être présenté. Seule exception, qui serait liée à la nécessité de doter la France d'un budget, un projet de loi spéciale - prévu par l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances pour parer à l'échec d'un projet de finances en bonne et due forme - pourrait être examiné et voté même avec un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes.
La situation étant totalement inédite, la séquence qui suivra le vote de la censure comporte cependant "quelques inconnues et incertitudes", considère un conseiller parlementaire du socle gouvernemental et bon connaisseur du fonctionnement des institutions. Depuis le début de la Ve République, un seul gouvernement - celui de Georges Pompidou en 1962 - est tombé après avoir été censuré par les députés. Mais à l'époque, quelques jours plus tard, le président de la République, Charles de Gaulle, avait décidé de dissoudre l'Assemblée nationale. Celle-ci avait donc stoppé ses travaux, comme en juin dernier, en attendant de nouvelles élections législatives. Cette fois, la question ne se pose pas, puisque l'article 12 de la Constitution prévoit qu"il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit [les] élections" législatives anticipées provoquées par la précédente dissolution, c'est-à-dire pas avant juillet prochain.
Pour éviter d'ajouter des incertitudes et des débats en matière de fonctionnement à une situation politique incertaine, plusieurs sources parlementaires considèrent que la "logique" voudrait qu'un nouveau Premier ministre soit "très vite" nommé. Selon des confidences de conseillers et de députés du socle gouvernemental recueillies par LCP, cette nomination pourrait d'ailleurs intervenir "avant le week-end" à venir.