Diffusé le
18 novembre 2021
150 000. C'est le bilan établi par l'historien Abderahmen Mounem sur le nombre de harkis morts entre 1962 et 1975. Benjamin Stora évoque quant à lui 10 000 à 25 000 morts au total. Quel que soit ce chiffre, la vérité est la suivante : le pouvoir gaulliste n'a pas évacué les harkis anciens militaires et supplétifs aux côtés de l'armée française lors de la guerre d'Algérie, en 1962. Et le résultat est sans précédent : ils ont été victimes de sanglantes représailles par le nouveau régime algérien.
Entre 80 000 et 90 000 harkis parviendront à trouver refuge en France et seront
regroupés dans des camps d'internement militaires, comme celui de Risevaltes à côté de Bézier, ou celui de Bias vers Amiens. Les harkis vivaient dans des conditions de vie souvent indignes et durablement traumatisantes. Les enfants ne se rendaient pas à l'école, et de nombreux sont morts durant l'hiver 1962 dans leurs tentes sans chauffage. Si Giscard d'Estaing a fermé ces camps en 1975, il restait des hameaux de forestages qui ont perduré jusqu'en 1999.
Les harkis, isolés dans des conditions indignes, ne favorisent pas leur intégration. En 2001, des associations de victimes portent plainte pour crime contre l'humanité. Par conséquent, Jacques Chirac instaure la première journée d'hommage national aux harkis, fixée le 25 septembre. Si les présidents reconnaissaient jusqu'à présent la responsabilité de l'Etat et l'abandon des harkis, aucun d'entre eux n'avait gravé dans le marbre d'une loi cette responsabilité. Le 3 novembre 2021, le gouvernement d'Emmanuel Macron a déposé un projet de loi de reconnaissance et de réparation aux Harkis, examiné en ce moment à l'Assemblée nationale. Le texte reconnaît les conditions indignes d'accueil des harkis et leur ouvre le droit à réparation.
Cela est insuffisant selon les manifestants, puisque seuls les harkis et leurs enfants passés par les camps de transit et de reclassement sont pris en compte, de 1962 à 1975.
Or, les camps de forestages n'ont cessé qu'en 1999. Si tous les députés sont favorables au texte, la droite et l'extrême droite sont mitigés voire acides, mais voteront favorablement à ce texte. Le texte va-t-il suffisamment loin dans la reconnaissance et la réparation des harkis qui ont tant souffert ?
Invités :
- Grand témoin : Franz Olivier Giesbert, journaliste et écrivain,
- Patricia Mirallès, député LREM de l'Hérault
- Jeannette Bougrab, essayiste, ancienne secrétaire d'Etat à la Jeunesse
- Robert Ménard, maire de Béziers
LE GRAND ENTRETIEN/ L'insoutenable réalité de l'inceste
Grand témoin : Franz Olivier Giesbert, journaliste et écrivain, auteur du livre « Histoire intime de la Ve République » (Gallimard)
Franz-Olivier Giesbert est un journaliste, éditorialiste, biographe et écrivain franco-américain. Ancien directeur de la rédaction de l'Obs et du Point. Fin connaisseur de la vie politique française, il a écrit de nombreux ouvrages relatifs à ce sujet. Il signe un nouvel opus politique sorti en novembre 2021 et intitulé Le Sursaut, qui est le premier volume d'une collection, Histoire intime de la Vème République.
Dans ce livre, Franz-Olivier Giesbert explore les coulisses des années de la présidence du général de Gaulle, souligne ses contradictions face à la crise de la guerre d'Algérie et montre les tiraillements du fondateur de la Vème République face à la difficile gestion du pouvoir. L'auteur regrette aussi un certain déclin de la France et de la fonction présidentielle amorcés selon lui par la majorité des successeurs de de Gaulle et amplifiés par Emmanuel Macron.
Franz-Olivier Giesbert pointe aussi l'absence d'incarnation d'une réelle figure présidentielle et regrette la figure gaulliste.
LES AFFRANCHIS
- Emmanuelle Ducros, journaliste à L'Opinion
- Vincent Hugeux, journaliste grand reporter, enseignant à Sciences Po
- Fatiha Agag Boudjahlat, enseignante et essayiste