Covid-19 : des propositions pour encadrer davantage l'état d'urgence sanitaire

Actualité
Image
Un contrôle du respect des mesures de confinement à Nice, en novembre 2020
Un contrôle du respect des mesures de confinement à Nice, en novembre 2020
Jean-Baptiste Premat / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Raphaël Marchal, le Lundi 14 décembre 2020 à 12:40, mis à jour le Lundi 14 décembre 2020 à 19:52

Les députés Sacha Houlié (La République en marche) et Philippe Gosselin (Les Républicains) souhaitent mieux encadrer l'état d'urgence sanitaire et améliorer certaines modalités de ce dispositif pour le rendre plus efficace. L'état d'urgence sanitaire, mis en place en mars 2020 afin de faire face à l'épidémie de Covid-19, "n’est pas en soi une parenthèse antidémocratique, mais son caractère exorbitant du droit commun appelle une vigilance collective accrue", font valoir les deux députés. Dans un rapport rendu public ce lundi 14 décembre, ils préconisent notamment de conforter le rôle du Parlement.

Tirer les conséquences de l'épidémie de Covid-19 pour mieux affronter d'éventuelles crises sanitaires à venir. Telle est la volonté de Sacha Houlié (La République en marche) et de Philippe Gosselin (Les Républicains), qui présentaient ce lundi 14 décembre les conclusions de la mission flash de l'Assemblée sur le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire.

Alors que le Parlement doit examiner en début d'année un projet de loi pérennisant le cadre légal qui permet la mise en place de ce dispositif, les deux députés ont présenté quatorze préconisations destinées à mieux encadrer cet état d'exception. Pour rappel, l'état d'urgence sanitaire, créé de toutes pièces par la loi du 23 mars 2020, peut être décrété en cas de catastrophe sanitaire. Il permet aux autorités de mettre en place des mesures restrictives de liberté touchant l'ensemble de la population : confinement, fermeture des bars, des restaurants, etc. 

Des "garde-fous"

Ne contestant pas l'utilité de l'état d'urgence sanitaire, les deux députés estiment toutefois légitime de l'assortir de "garde-fous proportionnés et adaptés", étant donné qu'il est appelé à devenir un "régime alternatif et renforcé de réponse aux menaces sanitaires". Un tel dispositif "appelle une nécessaire vigilance collective constante concernant les limitations apportées aux libertés fondamentales", pointent-ils.

Les deux élus souhaitent notamment faire du Parlement  "un acteur incontournable de l'état d'urgence sanitaire". Il s'agit de contrebalancer les pouvoirs renforcés de l'exécutif dans de telles périodes. Ainsi, dans leur rapport, ils soulignent la multiplication des habilitations sollicitées par le gouvernement pour légiférer par voie d'ordonnance. Quelque 77 d'entre elles ont ainsi été publiées depuis le début de la crise sanitaire.

Le consensus national et parlementaire s’est malheureusement fissuré depuis la sortie du premier état d’urgence sanitaire le 11 juillet dernier. Rapport de la mission flash sur le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire

Sacha Houlié et Philippe Gosselin proposent de fixer une durée de prorogation maximale de trois mois à l'état d'urgence sanitaire. L'élu Les Républicains a également jugé nécessaire que les prorogations successives soient de plus en plus contraignantes, devant respecter une majorité qualifiée.

Ils regrettent également le peu de marges de manoeuvre laissées à l'heure actuelle aux parlementaires lors de la discussion des projets de loi de prorogation, qui concernent largement le domaine réglementaire. Or, en vertu de l'article 41 de la Constitution, les élus ne sont pas fondés à déposer des amendements prenant effet en dehors du domaine de la loi.

Des enjeux territoriaux

Au fur et à mesure de leurs auditions, Sacha Houlié et Philippe Gosselin ont par ailleurs identifié des failles dans l'application des mesures décrétées par l'exécutif pour lutter contre la propagation du Covid-19. L'expérience a ainsi démontré selon eux que l'échelle départementale était la plus adaptée pour appliquer ces mesures.

Par conséquent, ils proposent de confier aux préfets la compétence de la gestion des crises sanitaires, interrogeant la "concentration des pouvoirs" à l’échelle du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) qui prévaut à l'heure actuelle.

Ils préconisent plus largement de permettre l'application du principe de différenciation dans l'application des mesures, le Covid-19 ayant démontré que les territoires pouvaient être diversement touchés par une épidémie.

Une meilleure communication

Sacha Houlié et Philippe Gosselin plaident également pour renforcer les dispositifs d’information et de communication de la population, et proposent la mise en place d'une plateforme unique accessible en ligne. Il s'agirait de rassembler les connaissances sur l'épidémie et les mesures prises par l'exécutif pour y faire face, afin de préserver "l'acceptabilité sociale" de l'état d'urgence sanitaire, mais aussi pour faire face à la diffusion de fausses informations.

Par ailleurs, les deux députés évoquent le rôle majeur joué par les autorités administratives indépendantes lors d'une épidémie, et proposent de renforcer leurs prérogatives dans un tel contexte. Ils font notamment référence à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui a accompagné le déploiement de l'application gouvernementale TousAntiCovid (ex-StopCovid) ainsi que des fichiers de traçage Sidep et Contact Covid ; mais également à la Contrôleure générale des lieux de privation de libertés (CGLPL), à la Défenseure des droits ou encore à la Haute autorité de santé.

Sacha Houlié et Philippe Gosselin saluent également le rôle joué par le Conseil scientifique, qui a été mis en place en mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Ils proposent de pérenniser cette institution, tout en renforçant son organisation et son fonctionnement afin de conforter son "caractère incontestable". Un "juste équilibre" doit être trouvé entre son rôle d’information de la population et sa fonction de conseil du pouvoir exécutif, plaident-ils.