L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, en première lecture, la proposition de loi "visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession", présentée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes, jeudi 29 février. L'ensemble des groupes a salué l'initiative portée par Christine Pirès Beaune, la ministre déléguée, Olivia Grégoire, vantant un texte "juste, digne et fédérateur".
"On se souvient tous avec émotion, de ces frais de 138 euros prélevés aux parents pour clôturer le Livret A de leur petit Léo, 9 ans, qui venait de décéder d'un cancer en 2021". Si Christine Pirès Beaune (Socialistes) a choisi d'évoquer ce cas poignant pour illustrer le motif de sa proposition de loi, c'est qu'il avait bel et bien généré une prise de conscience collective quant aux frais appliqués par les banques lors des clôtures de compte de personnes décédées.
Alors que la mère de Léo avait à l'époque dénoncé "une pratique inhumaine", la ministre chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, Olivia Grégoire, a considéré, jeudi 29 février, qu'encadrer les frais bancaires sur succession revenait "simplement [à] ne pas ajouter un manque d'humanité à la plus grande des douleurs".
Après avoir dénoncé une augmentation continue des frais sur succession, bien supérieure à l'inflation, puisque de l'ordre d'une hausse de 25% entre fin 2021 et fin 2023, après un bond de 28% entre 2012 et 2021, Christine Pirès Beaune a souligné les grandes disparités de leurs montants. "En pratique, sur une succession de 20 000 euros, les frais bancaires vont osciller en 2023, sur la base des plaquettes tarifaires, entre 80 euros et 527 euros", a aussi indiqué la députée.
Une hétérogénéité imputée à l'absence de régulation en la matière, à laquelle Christine Pirès Beaune souhaite mettre un terme. "Je fais le choix d'écarter l'option de la gratuité totale, et de distinguer ce qui justifie ou non, facturation", a-t-elle aussi expliqué avant de faire part de l'inscription dans le texte de l'absence stricte de frais s'appliquant aux comptes de mineurs décédés.
Ponctionner des frais sur les comptes d'un enfant décédé, est pour la députée que je suis, pour la maman que je suis, tout simplement inconcevable. Christine Pirès Beaune (Socialistes)
Le texte dispose en outre qu'une exonération totale s'appliquera également pour les comptes dont l'en-cours est inférieur à 5 000 euros, et qu'au-delà de cette somme, les frais sur succession seront soumis à plafonnement. Il s'agit ainsi de mettre en place une facturation qui se rapprochera du montant réel des opérations réalisées par la banque, la plupart des opérations "simples" n'engageant aucune somme tarifaire même pour des en-cours supérieurs à 5 000 euros. Pour les opérations qui conduisent les banques à effectuer des démarches plus complexes, les conditions de calcul des frais seront déterminées par décret.
"Lorsqu'il s'agit de l'essentiel, vous savez être au rendez-vous" a déclaré Olivia Grégoire en s'adressant aux députés. Vantant dans la proposition de loi un dispositif "équilibré" et "efficace", elle a rendu hommage, visiblement émue, à un texte "juste, digne et fédérateur", avant de citer Sénèque : "On a des mots pour dire une peine légère, mais les grandes douleurs ne savent que se taire". Et la ministre de conclure : "De grâce, soyez unanimes, et bruyants".
Si Eric Coquerel (La France insoumise) a dénoncé "un vrai scandale" s'exerçant au travers des frais sur succession, il a également estimé que le texte proposé par le groupe Socialistes "aurait pu être plus ambitieux", évoquant "une goutte d'eau par rapport à l'océan que représentent les frais bancaires de manière globale".
Le président de la commission des finances a fait valoir que ces frais spécifiques ne représentaient "que 150 millions d'euros, soit 2,15% des 7 milliards d'euros empochés par les banques", dénonçant cependant à ce sujet une "ponction injuste", s'apparentant à "un impôt privé sur l’héritage, qui touche indistinctement les petites et grandes successions".
"Je fais le vœu que ce texte soit le premier d'une série de textes qui remettra en cause les frais et les taxes sur les successions", a pour sa part déclaré Philippe Juvin (Les Républicains), quand Mathilde Paris (Rassemblement national) a salué un texte en mesure de mettre fin aux "profits honteux et immoraux des banques sur les morts".
La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité. "J'ai bien entendu ce qu'a dit le président Coquerel, (...) mais moi j'espère aujourd'hui que cette goutte d'eau a rendu un peu le sourire aux parents de Léo", a déclaré Christine Pirès Beaune à l'issue du scrutin.