Hémicycle, commissions, circonscriptions... Des pistes pour permettre aux députés de légiférer mieux et d'être plus présents sur le terrain

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Yael Braun-Pivet, le 29 novembre 2022
par Ludovic FAU, le Mardi 29 novembre 2022 à 15:00, mis à jour le Mardi 29 novembre 2022 à 18:04

Equilibre entre hémicycle, commissions et circonscriptions, séances de nuit à répétition, procédure législative, multiplication des textes lors des niches parlementaires... Mardi 29 novembre, la présidente de l'Assemblée nationale a réuni les présidents des groupes politiques du Palais-Bourbon afin de réfléchir à une organisation qui permettrait aux députés de mieux légiférer et d'être plus présents sur le terrain. Lors de cette réunion, Yaël Braun-Pivet a avancé plusieurs propositions.    

Séances de nuit, répartition du temps entre l'Assemblée nationale à Paris et le terrain en circonscription, modernisation de la procédure parlementaire... La question de l'organisation du travail des députés n'est pas nouvelle, mais la configuration politique actuelle - sans majorité absolue et avec des votes qui peuvent se jouer à quelques voix près - oblige les députés à être davantage présents à Paris et dans l'hémicycle que lors des précédentes législatures. 

Or, au-delà des débats en séance publique, les députés siègent aussi au sein des commissions permanentes de l'Assemblée et participent aux travaux des missions d'information et des commissions d'enquête, avec des agendas qui se télescopent fréquemment. Tout cela laissant peu de temps pour assurer une présence en circonscription et rester ainsi en contact avec le terrain. Au final, les députés sont obligés de se démultiplier, parfois au détriment de la qualité du travail législatif et avec le risque d'une déconnexion des réalités du terrain. 

C'est donc pour réfléchir à une meilleure organisation - non pour travailler moins, mais pour travailler mieux - que la présidente de l'Assemblée nationale et les présidents des groupes politiques se sont réunis mardi 29 novembre en début de journée. Partant d'un constat largement partagé sur la situation actuelle, Yaël Braun-Pivet a avancé des propositions, parfois déjà évoquées par le passé, qui semblent, pour certaines d'entre elles au moins, pouvoir faire l'objet de convergences. 

Vendredi en circonscription ? Et séances de nuit (vraiment) limitées à minuit

Parmi les pistes évoquées, celle de réserver les vendredis - hors période de débats budgétaires - à la présence en circonscription. Ce sujet touchant à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, qui dépend en partie du gouvernement, fera l'objet d'un dialogue avec la Première ministre en début d'année prochaine. La question du délai de transmission des projets de loi à l'Assemblée devrait aussi, à nouveau, être abordée, avec la préoccupation que les députés puissent avoir suffisamment de temps pour préparer correctement l'examen des textes. 

A ce stade, sans limiter à proprement parler le nombre de séances de nuit, le principe que celles-ci doivent se terminer à minuit, comme le prévoit le règlement de l'Assemblée, devrait être réaffirmé, avec une dérogation possible lorsqu'il s'agit d'achever l'examen d'un texte. 

Délégation de vote, législation en commission... 

La présidente de l'Assemblée nationale prépare, par ailleurs, des propositions visant à assouplir les règles en matière de délégation de vote et à élargir la possibilité de recourir à cette procédure via les présidents de groupe, ce qui éviterait aux députés de d'être obligés d'assurer une présence dans l'hémicycle pour une raison purement numérique. 

Autre piste : utiliser la procédure de législation en commission, difficile à mettre en oeuvre car elle nécessité que tous les groupes donnent leur accord, mais qui permettrait d'éviter, sur certains textes, la répétition des débats en commission, puis en séance publique. Yaël Braun-Pivet devrait engager une période d'expérimentation en proposant, en concertation avec les présidents des commissions, que sur chaque projet et chaque proposition de loi, certains articles puissent faire l'objet de cette procédure. 

Temps législatif programmé et niches parlementaires

Depuis la révision de la Constitution de 2008 et la réforme du Règlement de l'Assemblée de 2009, la conférence des présidents du Palais-Bourbon peut décider que l'examen d'un texte fera l'objet d'un temps législatif programmé. Prévu pour rationaliser le travail parlementaire et limiter la possibilité de bloquer un projet de loi en faisant de l'obstruction, cette procédure permet de fixer une durée maximale pour l’examen de l’ensemble d’un texte, 60 % du temps étant attribué aux groupes d’opposition puis réparti entre eux à proportion de leur effectif. Le reste du temps est réparti de la même façon entre les groupes de la majorité. Le temps législatif programmé sera utilisé pour la première fois de la législature, à la demande du groupe Renaissance, lors de la discussion du projet de loi sur les énergies renouvelables qui sera débattu dans l'hémicycle à partir du lundi 5 décembre. 

Enfin, pour éviter l'inflation du nombre de textes inscrits par certains groupes lors de leur journée d'initiative parlementaire, ainsi que les propositions retirées au dernier moment, les accusations de manoeuvres réciproques et le risque d'obstruction accru dans ce genre de situation, la présidente de l'Assemblée propose de limiter à huit le nombre de textes pouvant être présentés par un groupe lors de sa journée réservée et qu'il ne puisse pas y avoir de retrait avant la fin de la discussion générale. l'idée est d'éviter les polémiques et les tensions qui ont eu lieu, jeudi 24 novembre, lors de la niche parlementaire de La France insoumise. 

Mieux légiférer et garder le contact avec le terrain

Globalement, l'objectif affiché par la présidence de l'Assemblée nationale est de mieux organiser le travail parlementaire pour mieux légiférer, tout en permettant aux députés de garder le contact avec les Français en étant davantage présents sur le terrain. 

Après la réunion qui a eu lieu ce mardi, les propositions écrites visant à atteindre cet objectif seront discutées lors d'une prochaine conférence des présidents, avant Noël, de façon à ce que les propositions retenues puissent commencer à être mises en oeuvre en début d'année prochaine. 

A court terme, les évolutions qui dépendent de l'Assemblée nationale devraient pouvoir entrer en vigueur dès le mois de janvier. A moyen terme, pourront éventuellement être appliquées les évolutions qui dépendent aussi du gouvernement, comme la question du vendredi en circonscription qui aura des répercussions sur l'ordre du jour, ainsi que les délais de transmission des textes. A plus long terme, une réforme des institutions pourrait permettre d'autres évolutions visant notamment à revaloriser le rôle du Parlement. L'Assemblée nationale installera prochainement une mission d'information pour faire des propositions et un groupe de travail sera plus particulièrement consacré au dialogue entre le Parlement et le gouvernement. 

Par Brigitte Boucher et Ludovic Fau.