Les députés ont voté mardi 17 novembre, en première lecture, le projet de loi de finances pour 2021. Avant l'examen du texte au Sénat, puis son adoption définitive en fin d'année, retour sur les points essentiels de ce Budget de crise.
La pandémie de Covid-19 a frappé au cœur l'économie française. En mettant les entreprises sous perfusion (chômage partiel, exonération de charges, prêts garantis), l'État devrait terminer l'année avec un déficit de 11,3% (223 milliards €), une dette frôlant les 120% du PIB et une croissance en berne, avec une richesse nationale en repli de 11%.
Des chiffres qui donnent le vertige, alors que la restauration d'un semblant d'équilibre budgétaire pourrait être longue. Le deuxième confinement va en effet obliger le gouvernement à revoir les projections économiques dévoilées fin septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2021. Avec un quatrième trimestre 2020 attendu en récession, l'illusion d'une croissance à 8% et d'un déficit ramené à - 6,7% du PIB l'année prochaine s'envole. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire parle désormais de "croissance positive", sans donner d'ordre de grandeur.
La mise à jour des prévisions interviendra, en décembre, lors du retour du texte à l'Assemblée. Et l'espoir affiché de renouer fin 2022 avec le même niveau de PIB qu'en 2019 devrait s'éloigner un peu plus.
Pour redémarrer la machine économique, le gouvernement a dévoilé un plan de relance de 100 milliards d'euros. Trois grands chantiers en bénéficieront : la transition écologique, la cohésion des territoires et la compétitivité des entreprises.
La vitesse de l'exécution du plan est jugée essentielle par le gouvernement : 42 milliards devraient être transfusés dans l'économie française d'ici à la fin de l'année prochaine, avec un décaissement total qui s'étalera jusqu'en 2023 ou 2024.
L'objectif est de "sortir de la crise" et "investir dans notre avenir, pour préparer la France de 2030", a fait valoir le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (LaREM).
Cette relance sera entièrement financée par la dette publique et son impact serait résorbé à l'horizon 2025. La plupart des mesures ne seront pas pérennes, à l'exception notable de la baisse des impôts de production pour les entreprises à hauteur de 20 milliards € par an, dont la moitié dès l'année prochaine.
Le plan, accusé de faire du "saupoudrage" par la droite et de négliger la demande selon la gauche, ne devrait en tout cas que contribuer à réduire à la marge le chômage, qui pourrait atteindre les 10,5% en janvier 2021 selon l'Unedic.
Le chiffre est historique. L'année prochaine, la France versera 26,86 milliards d'euros prélevés sur son budget au pot commun européen. Soit une augmentation de 5,4 milliards d'euros en un an.
Cette inflation de la participation tricolore s'explique par quatre raisons principales. Premièrement, le budget 2021-2027 négocié cet été entre les 27 s'affiche en nette augmentation, avec une hausse de la contribution française sensible dès l'année prochaine (1,6 milliard d'euros). Deuxièmement, Paris va débourser 2,1 milliards d'euros pour boucher le trou occasionné par le départ des Britanniques. Troisièmement, la crise sanitaire a miné les ressources douanières de l'UE (compensées à hauteur de 700 millions d'euros).
Enfin, les pays dits "frugaux" ont réussi à amplifier le montant de leur rabais au budget européen. La France devra donc débourser 700 millions d'euros que les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et l'Autriche refusent de payer. Une concession pour obtenir leur accord de principe au lancement d'un vaste plan de relance européen.
Annoncé cet été pour un montant de 750 milliards d'euros, celui-ci doit encore être approuvé par chaque État membre. Pour la France, l'enjeu est énorme : il se chiffre à 46 milliards d'euros de subsides, qui viendraient directement financer une partie de l'enveloppe du plan de relance.
Or la route est encore longue. Lundi, la Pologne et la Hongrie ont mis leur veto, car cette enveloppe est conditionnée au respect de l'État de droit. Un "blocage" qui ne restera pas sans "solution", a assuré dans la foulée le secrétaire d'État chargé des Affaires européennes Clément Beaune.
#Relance | ? Le blocage par la Hongrie et la Pologne du budget européen ne remet pas en cause notre détermination sur la relance et sur l’Etat de droit. Une solution sera trouvée dans les toutes prochaines semaines, la France y est pleinement engagée ????
— Clement Beaune (@CBeaune) November 16, 2020
L'année prochaine, tous les ministères verront leur budget être conforté ou augmenté : "c'est un budget record pour l'écologie", s'est félicitée Barbara Pompili, tout comme son collègue à la Justice Éric Dupond-Moretti qui a souligné "un budget exceptionnel et historique".
Déjà stables en 2020, les effectifs de l'État ne bougeront pas ou peu. Sur 2,35 millions d'emplois à temps plein (ETP), 157 suppressions de postes sont prévues en 2021.
Sur proposition du gouvernement, un nouveau malus au poids se cumulera avec le malus CO2 déjà existant lors d'une immatriculation de voiture.
"Un véhicule plus lourd, c'est plus de matériaux, c'est une dégradation de la qualité de l'air et (...) des accidents plus graves pour les piétons et cyclistes", a argué la ministre qui a proposé de fixer le malus à 10 euros le kilo au-delà de 1.800 kilos.
La mesure est toutefois loin du seuil pensé initialement par les 150 participants de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont les premiers proposé un malus dès 1.400 kilos. "L'idée c'est d'envoyer un signal, pour arrêter cette frénésie du véhicule lourd", a justifié Barbara Pompili. La ministre a reconnu que la mesure ne concernerait que "2 à 3% des immatriculations" :
"Le malus au poids concernerait de l'ordre de 60.000 véhicules neufs coûtant entre 40.000 et 60.000 €", chiffre @barbarapompili, tout en listant certaines exceptions. #PLF2021 #DirectAN pic.twitter.com/gkeiLXy8pE
— LCP (@LCP) November 13, 2020
Le projet de loi de finances unifie la collecte des taxes locales sur la consommation d'électricité au profit d'une taxe unique, centralisée par la Direction générale des finances publiques. Bon point, cette réforme devrait permettre des économies de gestion à hauteur de 30 millions d'euros.
Mais, sous couvert de simplification, les taux vont être alignés par le haut sur trois ans, alors qu'une partie des communes et des départements n'appliquaient pas le barème maximal.
Dans le détail, la hausse sur la part départementale pourrait concerner 13 départements pour un montant supplémentaire sur la facture des ménages "d'au plus 1,60 euro" selon Bercy. Plus importante, la hausse de la part communale s'échelonnerait ainsi : pour 9,8 % des communes, la hausse de la facture annuelle serait comprise entre 0,8 € et 3,2 €, pour 6,6 % des communes entre 4 € et 30 € et pour 5,2 % des communes entre 10 € et 55 €. En tout, une ville sur cinq n'est pas au taux maximal et devra donc l'appliquer d'ici à 2023.
Selon le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt, la hausse de 55 euros touchera "un peu moins de 1% des communes".
Depuis trois ans, la majorité et le gouvernement toilettent régulièrement le code général des impôts afin de supprimer les petites taxes au rendement faible ou nul. Dernier exemple en date cette année, la fin de la "taxe funéraire" qui existe dans 400 communes.
"La faiblesse de son rendement [5,8 millions €], l’absence d’objectif de politique publique assigné, la lourdeur que sa gestion entraîne pour les trésoriers communaux, et son incidence fiscale sur les proches des défunts justifient sa suppression", a expliqué Laurent Saint-Martin.