Partage de la valeur : Le débat sur le pouvoir d'achat fait son retour dans l'hémicycle de l'Assemblée

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Louis Margueritte 26 juin 2023 LCP
Louis Margueritte à l'Assemblée nationale, lundi 26 juin 2023 (©LCP)
par Raphaël Marchal, le Lundi 26 juin 2023 à 20:50, mis à jour le Mardi 27 juin 2023 à 12:22

Les députés ont entamé, lundi 26 juin, l'examen du projet de loi sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. D'emblée, face à la majorité défendant l'esprit de l'accord trouvé sur le sujet par les partenaires sociaux, la Nupes a reproché au gouvernement de vouloir fuir le débat sur la question de la hausse des salaires.

C'est le retour du débat sur le pouvoir d'achat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Avec d'un côté, le gouvernement et la majorité présidentielle défendant des mesures en faveur des salariés et, de l'autre côté, les groupes de la Nupes dénonçant l'absence de hausse générale des salaires de nature à compenser les effets de l'inflation. 

Les députés ont débuté, lundi 26 juin, l'examen en première lecture du projet de loi portant "transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise". Comme son nom l'indique, le texte a pour objectif de concrétiser l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu en février entre les syndicats de salariés, hors CGT, et les organisations patronales.

"On nous avait promis l'échec. [...] Cet accord est la preuve que le dialogue social permet de construire des solutions concrètes", s'est félicité le ministre du Travail, Olivier Dussopt, à la tribune. "C'est la plus grande loi de partage de la valeur depuis la création de l'intéressement par Charles de Gaulle en 1959 et de la participation en 1967", a renchéri le rapporteur, Louis Margueritte (Renaissance), sous les protestations de ceux qui, dans l'opposition, estiment que le compte n'y est pas en matière de pouvoir d'achat. 

Une obligation de partage de la valeur

La principale mesure du projet de loi consiste à obliger les entreprises de 11 à 49 salariés à instaurer un mécanisme de partage de la valeur, dès lors qu'elles ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires durant trois années consécutives. Les entreprises concernées devront mettre en place une participation, un intéressement ou une prime.

Une mesure qui entrera en vigueur dès 2024, comme l'avaient préconisé Louis Margueritte (Renaissance) et Eva Sas (Ecologiste) dans un rapport parlementaire, et non un an plus tard comme le projet de loi le prévoyait initialement. Le gouvernement a fait savoir qu'il ne reviendrait pas sur cette avancée introduite en commission.

Le texte fidélise également l'usage de la "prime de partage de la valeur", anciennement connue sous le nom de "prime Macron", en permettant aux entreprises de la distribuer deux fois par an. Cette enveloppe défiscalisée pourra en outre être versée sur un plan d’épargne salariale.

L'accord, rien que l'accord 

Comme il l'avait soutenu lors de son audition en commission, Olivier Dussopt a de nouveau insisté sur l'importance de respecter l'équilibre de l'accord trouvé par les partenaires sociaux. Sous-entendu, pas question de déborder sur des sujets qui ne sont pas contenus dans l'ANI. "Cet accord nous oblige", a souligné Louis Margueritte.

Pas de quoi empêcher les députés des groupes de la Nupes de fustiger l'impasse faite, selon eux, sur la question de la hausse des salaires, qui ne figurait pas dans la lettre de cadrage transmise par l'exécutif aux partenaires sociaux au sujet des négociations qui ont conduit à l'accord. "Ce texte est un alibi de dialogue social, un alibi de pouvoir d'achat d'un gouvernement qui n'a rien fait depuis un an pour augmenter les salaires", a vitupéré Matthias Tavel (La France insoumise), qui a défendu une motion de rejet préalable du texte en ouverture des débats. 

Entendre Olivier Dussopt parler de démocratie sociale est aussi crédible qu'entendre Gargantua affirmer qu'il se lancerait dans un programme minceur. Matthias Tavel (La France insoumise)

Cette motion a cependant été rejetée par 74 voix contre 32, et n'a été votée par aucun des alliés de LFI au sein de la Nupes, les autres groupes de gauche ayant fait part de leur attachement à respecter le dialogue social. Pour autant, l'ensemble de l'intergroupe est resté sur la même ligne. "Vous avez cadenassé le dialogue social", a déploré Jérôme Guedj (Socialistes), qui a imploré de débattre de "tout l'ANI, oui, mais pas que de l'ANI". "Le premier outil de partage de la valeur, c'est la hausse des salaires", a relevé Eva Sas (Ecologiste), qui a critiqué un projet de loi qui "cherche toutes les alternatives pour éviter d'en parler".

Autre grief soulevé par les députés de gauche : un effet de "substitution" qui serait induit par la prime de partage de la valeur, en lieu et place d'une augmentation de salaire. Des amendements tentant de lutter contre ce phénomène ont été défendus sans succès. "Aller rejeter un outil particulièrement souple pour nos entreprises pour distribuer du pouvoir d'achat en faveur de leurs salariés, c'est tout le moins indécent dans la période actuelle", a critiqué Mathieu Lefèvre (Renaissance), ajoutant "Jamais vous ne vous mettez à la place des entrepreneurs de ce pays." Les débats se poursuivront dans l'hémicycle lundi soir et au cours des prochains jours.