Après de longues négociations avec le gouvernement et nombreuses discussions en interne, le Parti socialiste a fait le choix de ne pas voter la motion de censure présentée par les insoumis, avec le soutien des écologistes et des communistes, contre le gouvernement de François Bayrou. La plupart des 66 députés "Socialistes et apparentés" n'ont donc pas voté la censure, ce jeudi 16 janvier, mais 8 ont quand même fait le choix inverse. Récit et coulisses.
Le Parti socialiste a préféré voir "la coupe à moitié pleine plutôt qu'à moitié vide", selon les mots du député Arthur Delaporte, au micro de LCP. Ce jeudi après-midi, le groupe présidé par Boris Vallaud n'a en effet pas apporté son soutien à la motion de censure déposée par leurs alliés du Nouveau Front populaire. Une motion qui n'aurait de toute façon pas fait tomber le gouvernement Bayrou puisque le Rassemblement national avait également décidé de ne pas la voter.
Résultat : seulement 131 voix "pour" la censure, loin de la majorité absolue (288) qui était nécessaire à son adoption. Mais au-delà du résultat du vote, c'est la décision du PS qui a fait l'événement. "Ce n'est pas pour autant qu'on est sur un pacte durable de non-censure", met cependant en garde Arthur Delaporte, qui évoque un exécutif "en sursis".
A la tribune un peu plus tôt, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, avait officialisé la position de ses troupes, déclarant ne pas avoir "la négociation honteuse" et se félicitant des concessions que sa formation est parvenue à "arracher" au gouvernement.
Avant d'ajouter, n'excluant pas une éventuelle censure dans les prochaines semaines : "Nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire parce qu'elle peut conduire à la pire des politiques, c'est-à-dire l'arrivée de l'extrême droite."
Quelques députés du groupe "Socialistes et apparentés" n'ont cependant pas suivi cette ligne. Selon l'analyse du scrutin, huit d'entre eux ont soutenu la motion de censure : Paul Christophle, Pierrick Courbon, Alain David, Inaki Echaniz, Fatiha Keloua Hachi, Philippe Naillet (qui l'avait annoncé dans un communiqué dès mercredi), Claudia Rouaux et Peio Dufau (apparenté).
il y a Retailleau qui fait des déclarations limites racistes et que Bayrou, pour l'instant, cautionne. Fatiha Keloua Hachi (députée PS qui a voté la censure)
"C'était un choix difficile", confie Fatiha Keloua Hachi à LCP. "J'ai trouvé que les avancées étaient notables, mais insuffisantes", ce sont plutôt des "non-reculs", explique la députée de Seine-Saint-Denis, qui regrette, par exemple, que la réforme des retraites n'ait pas été suspendue. Aussi, "il y a Retailleau qui fait des déclarations limites racistes et que Bayrou, pour l'instant, cautionne. A aucun moment, il ne l'a recadré", ajoute-t-elle, considérant ce vote comme un "avertissement".
Le choix de censurer, ou non, le gouvernement a suscité d'intenses discussions au sein du Parti socialiste. Fallait-il laisser une chance à François Bayrou en reconnaissant des avancées ou bien voter la motion pour mettre en place un rapport de forces ? Mercredi, le groupe PS s'était réuni pendant près de trois heures, sans qu'une décision ne soit actée à l'issue. "C'était plutôt 60-40 contre la censure", dixit un socialiste à LCP.
Jeudi midi, c'est un bureau national du parti qui avait été convoqué pour entériner une position de vote. Une large majorité des membres (53 voix) s'est finalement prononcée pour la non-censure. Au contraire, 10 d'entre eux – des proches d'Olivier Faure, selon nos informations – étaient favorables à la censure, et 2 se sont abstenus.
"Les Français peuvent comprendre la censure sur les actes, donc le budget, mais pas sur un discours", écrivait sur X, avant le vote, Carole Delga, présidente de la région Occitanie. "La politique n'est pas un jeu de quilles dans lequel on dégomme les gouvernements sans autre perspective que le prolongement du chaos", a pour sa part réagi Raphaël Glucksmann.
Et maintenant ? Quel sera l'impact de ce non-vote de la censure sur le Nouveau Front populaire ? "Le Parti socialiste s'est aujourd'hui isolé du NFP", a déclaré la présidente du groupe "La France insoumise", Mathilde Panot. Et Jean-Luc Mélenchon d'affirmer sur X que "le PS fracture le NFP". Invitée de France 2 jeudi matin, la députée LFI Clémence Guetté avait lancé que "ceux qui ne voteront pas la censure aujourd'hui s'exclueront de fait du NFP".
Interrogé à la sortie de l'hémicycle, le chef de file des députés socialistes, Boris Vallaud, a répondu a retorqué : "Nous y sommes encore pour notre part". "Nous ne changeons pas d'alliance, de camp, nous demeurons dans l'opposition et cela demeure parfaitement clair", a-t-il souligné. Le NFP ? "On verra. Pas d'emballement, le sujet est ailleurs", botte en touche un cadre du PS.
Pour Fatiha Keloua Hachi, "chaque membre du NFP doit réfléchir" à ses paroles, car "la gauche ne peut que gagner à rester unie", sinon "elle n'existera pas".