Violences urbaines : la loi destinée à accélérer la reconstruction définitivement adoptée par le Parlement

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Christophe Béchu, le 20 juillet 2023 à l'Assemblée nationale. LCP
Christophe Béchu, le 20 juillet 2023 à l'Assemblée nationale. LCP
par Maxence Kagni, le Jeudi 20 juillet 2023 à 18:37, mis à jour le Jeudi 20 juillet 2023 à 18:51

L'Assemblée nationale a adopté, jeudi 20 juillet, le projet de loi relatif "à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023". Le texte voté par les députés étant conforme à celui voté par les sénateurs mardi, le projet de loi est définitivement adopté par le Parlement. 

Les députés ont accédé à la demande du gouvernement. Deux jours après le Sénat, l'Assemblée nationale a voté conforme, ce jeudi 20 juillet, le projet de loi visant à accélérer la reconstruction des bâtiments dégradés ou détruits lors des violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel, le 27 juin, à Nanterre. Le texte est donc définitivement adopté par le Parlement. Examiné et voté en moins d'une semaine, il va pouvoir entrer rapidement en vigueur.  

Lors du scrutin presque tous les groupes politiques de l'Assemblée, majorité et oppositions, ont voté en faveur du texte - exceptions faites du Rassemblement national qui s'est prononcé contre et de La France insoumise qui s'est abstenue. 

Le projet de loi "relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023" habilite le gouvernement à prendre plusieurs mesures d'urgence par ordonnances. "L'ambition du gouvernement est bien de faire en sorte que ces promulgations [d'ordonnances] puissent intervenir dès que possible", a expliqué jeudi matin Christophe Béchu, à la tribune de l'Assemblée nationale. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a toutefois indiqué que le gouvernement "prendrait le temps de saisir le conseil d’État" et de "finaliser avec l'ensemble des associations d'élus les quelques trous dans la raquette qui pourraient subsister".

Déroger au droit de l'urbanisme

Les ordonnances devraient prévoir que les bâtiments dégradés pourront être reconstruits à l'identique ou avec des améliorations en dérogeant au droit de l'urbanisme. Les travaux pourront également commencer, dans certains cas, dès la demande de permis. 

Par ailleurs, les marchés publics concernant "les opérations de reconstruction ou de réfection des équipements publics et des bâtiments affectés" pourront être conclus "sans publicité préalable mais avec mise en concurrence". Une façon de supprimer un délai de 50 jours dès lors que la somme engagée est inférieure à un seuil, qui devrait tourner autour de 1,5 million d'euros.

Des marchés pourront également être conclus en dérogeant au principe d’allotissement. Une mesure qui risque, selon le député Liot Benjamin Saint-Huile, d'"exclure de la reconstruction les TPE et les PME". Christophe Béchu lui a répondu, affirmant au contraire que le seuil d'1,5 millions d'euros devrait "garantir le fait que les TPE et PME ne soient pas écartées".

Les ordonnances permettront aussi de supprimer la règle qui impose à une collectivité locale de financer au moins 20% d'une opération d'investissement dont elle est maître d'ouvrage. En outre, le texte permet le versement anticipé du fonds de compensation de la TVA, alors que le droit commun prévoit un versement deux ans après l'exécution des travaux.

"Ce texte est une brique essentielle mais n'est qu'une partie de la réponse", a expliqué Christophe Béchu. Le ministre a promis la tenue d'un débat à la rentrée sur les "causes" qui ont conduit aux émeutes. Sur le coût total des travaux de reconstruction, Christophe Béchu a souhaité temporiser : "Le montant consolidé des dégâts nous ne le connaissons pas [puisque] les collectivités ont jusqu'au 30 septembre pour faire remonter la liste des dégâts."

Les assurances mises à contribution ?

A gauche, le communiste Hubert Wulfranc (GDR) mais aussi le socialiste Inaki Echaniz ont appelé l'exécutif à contraindre davantage le secteur des assurances : "Il faudrait que le gouvernement amène les assureurs à prendre toute leur part et rapidement", a notamment plaidé le député PS.

Les députés de La France insoumise ont, pour leur part, longuement demandé une promesse d'investissement financier de la part du gouvernement : "Vous devez vous engager à inclure [des] nouveaux fonds dans une loi de finances rectificative à l'automne", a martelé Raquel Garrido. "En réalité, l’État n'a pas prévu de mettre un seul euro public supplémentaire pour compenser les dégradations et ceci est honteux et scandaleux !", a affirmé Aurélie Trouvé (LFI).

Les interventions des députés LFI, qui ont pris le temps défendre leurs amendements pour exposer leur point de vue, ont parfois irrité la majorité : "Ce que vous voulez, c'est obtenir un texte qui ne soit pas conforme à celui du Sénat pour freiner sa progression, vous niez l'urgence", a dénoncé Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance). 

Le député Les Républicains Thibault Bazin a, quant à lui, estimé que "les auteurs devront aussi participer au financement des reconstructions par des amendes pénales", tandis que le groupe Rassemblement national a déposé, sans succès, un amendement "casseur-payeur". Défendu par Grégoire de Fournas, cet amendement proposait de supprimer les aides prévues par le texte pour les collectivités locales qui ne se constitueraient pas partie civile pour réclamer une "indemnisation à la hauteur des dégâts". "Nous pensons que les casseurs doivent payer pour les dégâts et même s'ils sont insolvables au moment de leur condamnation, ils seront poursuivis toute leur vie", a déclaré le député.

Les députés RN ont également affirmé que la gauche et la majorité ne voulaient "pas voir le réel" : le groupe présidé par Marine Le Pen a aussi défendu, sans plus de succès, des amendements visant à introduire dans le texte les termes "délinquants" et "émeutes". "Moi, je ne comprends pas pourquoi vous ne nommez pas les choses et que vous essayiez en permanence d'invisibiliser ce qui s'est passé", a notamment dénoncé la finaliste de la dernière élection présidentielle.

A l'issue des débats, les groupes de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons), ainsi que la plupart des groupes d'opposition (Les Républicains à quelques exceptions près, Socialistes, Gauche démocrate et républicaine, Ecologiste, Liot), ont voté pour le projet de loi (résultat du scrutin disponible ici). Seul le groupe du Rassemblement national a voté contre, tandis que le groupe de La France insoumise s'est abstenu.