Accès au foncier agricole : une proposition de loi de régulation adoptée

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Surfaces agricoles
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 26 mai 2021 à 16:14, mis à jour le Jeudi 27 mai 2021 à 11:10

L’Assemblée a adopté mercredi 26 mai, en première lecture, la proposition de loi "portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires". Issu du groupe "La République en marche", le texte vise à limiter la concentration excessive des exploitations et l’accaparement des terres par les firmes et les financiers au détriment des agriculteurs.

Alors que les exploitations se trouvent de plus en plus monopolisées par des sociétés, présentes sur les deux tiers de la surface agricole utile, le gouvernement a souhaité faire évoluer les outils de régulation en la matière. La proposition de loi portée par Patrice Perrot et Jean-Bernard Sempastous, tous deux députés LaREM, est la traduction législative de cette volonté.

Si des outils de régulation existent déjà, à savoir les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ainsi qu’un mécanisme de contrôle des structures, chargés de scruter les acheteurs de terres agricoles, ces derniers ne sont efficaces que pour le modèle de l’exploitation familiale. Une véritable rupture d’égalité est aussi constatée, les personnes physiques étant soumises à la régulation, là où les cessionnaires de titres sociaux y échappent, exacerbant la concentration des exploitations et l’accaparement des terres agricoles par un effet d’aubaine. Alors que se développe une hyper-concentration et une "agriculture de firmes", avec des structures pouvant atteindre plusieurs milliers d’hectares, les signaux d’alarmes envoyés par le monde paysan se sont multipliés au cours des dernières années.

Soumettre à autorisation les cessions de parts sociales

Le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, a rappelé à la tribune l'un des enjeux majeurs que sous-tendent les préoccupations du texte : celui du renouvellement générationnel dans le monde rural et agricole. "Pour s'installer, les jeunes agriculteurs et agricultrices, ont, c'est une évidence, avant tout besoin de terres. L'accès au foncier est un facteur déterminant pour leur installation", a-t-il ainsi déclaré. "Nous devons donc agir pour favoriser leur accès à la terre, et, partant, limiter les risques d'accaparement et de concentration excessive du foncier agricole dans notre pays", a poursuivi le ministre, avant de conclure : "Le défi de la transmission est immense. 50% des chefs d'exploitation prendront leur retraite d'ici dix ans. Nous devons donc être capables d'installer un cadre susceptible de permettre l'installation de jeunes".

L’article 1er du texte introduit ainsi une nouvelle disposition au code rural et de la pêche, visant à soumettre à autorisation administrative les cessions de titres sociaux portant sur des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Cette autorisation pourra être délivrée si l’opération confère le contrôle de ladite société au repreneur et qu’elle répond aux critères fixés localement, avec un seuil maximal fixé selon les territoires, afin de limiter la concentration excessive ou l’accaparement des terres. Les dossiers seront examinés par les SAFER, qui émettront un avis, avant d'être tranchés par les préfets.

Les détracteurs du texte lui reprochent de prévoir un seuil beaucoup trop haut pour déclencher une obligation d’autorisation. La proposition de loi préconise en l'occurrence que le seuil pour les cessions de parts dans une société nécessitant une autorisation soit trois fois plus élevé que celui fixé pour une exploitation traditionnelle.

Une dérogation pour les cessions à titre gratuit

Le texte prévoit par ailleurs une exemption du dispositif de contrôle pour les opérations réalisées à titre gratuit, dans un contexte familial notamment. Afin de prévenir les éventuels abus ou contournements, un amendement de Dominique Potier (Socialistes et apparentés), a souhaité restreindre cette exemption aux personnes ayant un lien familial relativement proche, à savoir en deçà du troisième degré de parenté. Cette disposition n’a pas été adoptée.

D'autres amendements, auxquels s'est également associé Dominique Potier, mais également Jean-Paul Dufrègne (Gauche démocrate et républicaine), ou encore Emilie Cariou (non inscrite), ont pointé un angle mort du texte, en cas de constitution d'une société civile d’exploitation agricole (SCEA), comprenant deux associés, et pouvant inclure un investisseur étranger. Ces amendements, tous rejetés, souhaitaient inclure la participation sociétaire d’investisseurs étrangers dans le champ des intérêts stratégiques pour lesquels une autorisation préalable du ministre de l’économie est nécessaire.

Les députés en adopté en fin de journée la proposition de loi "portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires", par 114 voix pour, 12 contre.