Un groupe de travail transpartisan, présidé par Sylvain Waserman (MoDem), s’est penché sur le "mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise". Tirant les leçons de la façon dont l’épidémie de Covid-19 a impacté le travail au Palais Bourbon ces derniers mois, les députés ont présenté ce jeudi leur rapport. Parmi les pistes, le vote à distance.
Comment maintenir un fonctionnement quasi-normal des institutions quand une crise met à mal le fonctionnement habituel du pouvoir législatif ? C’est le difficile sujet sur lequel se prononce un rapport parlementaire dévoilé ce jeudi, au terme de six mois de travail. La question se pose naturellement dans le cadre de l’épidémie actuelle, laquelle a notamment contraint l’Assemblée à réduire la jauge de députés présents de moitié. Mais la pandémie mondiale n’est pas la seule menace à laquelle l’institution peut être confrontée : terrorisme, crues, incendies, piratage informatique, manifestations, panne généralisée font partie des scenarii envisagés… Les risques sont nombreux et l’Assemblée doit s’y préparer davantage. Résumé des principales pistes proposées par le rapport.
Première question brûlante : qui doit décider de changer les règles ? Et quand ? Sur ce point, le groupe de travail, prône une forme de statu quo. Dans ses conclusions, il écarte l’idée d’une gestion de l’Assemblée par une "cellule de crise", semblable à celle qui existe par exemple au Conseil d’État. Une commission spéciale permanente qui ne serait activée qu’en cas de crise ne satisfait pas plus la représentation qu’un "état d’urgence parlementaire" répondant à une gouvernance et des règles spécifiques. Si cette solution apparaît, pour certains députés, synonyme d’un "fonctionnement dégradé", pour le groupe de travail elle soulèverait également des difficultés pratiques quant aux conditions de son déclenchement.
Il vaut mieux faire confiance aux organes actuels de direction du travail parlementaire qui ont fait leurs preuves lors de la crise du printemps 2020 – Rapport du groupe de travail
Les députés ont donc opté pour un maintien de la solution qui prévaut depuis le printemps : la "confiance" dans les organes actuels pour permettre à l’Assemblée de continuer à exercer ses missions constitutionnelles (bureau, conférence des présidents, questure...). Autre point de statu quo : il n’est pas non plus question de modifier les procédures et d’introduire une règle d’unanimité, ni même de majorité qualifiée, dans les prises de décisions. Le risque serait de paralyser le Parlement : la majorité simple resterait donc la règle.
Tirant les leçons de la première vague, le rapport écarte une présence forfaitaire par groupe, jugée "insatisfaisante", et opte pour une représentation proportionnelle. Ainsi, un nombre précis de députés devrait siéger au Parlement, les autres étant alors contraints de travailler à distance. Cette règle implique le développement de techniques "hybrides" pour allier présentiel et distanciel dans les travaux parlementaires, aussi bien pour les délibérations que pour le vote. Problème : à l’heure actuelle, la seule alternative au vote physique est la délégation de vote [le député peut déléguer son vote à un mandataire, lui-même limité à un seul mandat, ndlr].
Pour les auteurs du rapport il faut donc aller plus loin et envisager les modalités d’un vote à distance.
Pour organiser cette nouvelle modalité de vote une réforme du règlement serait nécessaire, qui fixerait ses limites. Le vote à distance exclurait les votes à bulletin secret, ceux concernant les amendements et les articles, et les votes mettant en jeu la responsabilité du Gouvernement. Par conséquent, il aurait vocation à s’appliquer uniquement sur l’ensemble d’un texte ou sur une déclaration du gouvernement (suivant l’article 50-1 de la Constitution). À ce titre, le rapport s’accompagne d’une proposition de résolution visant à modifier le règlement pour intégrer ces nouvelles possibilités.
Au-delà de ce changement de fond, le groupe de travail liste divers outils dans lesquels pourraient "piocher" les députés en cas de besoin. Parmi eux, un recours à l’écrit renforcé (questions écrites, contributions), ou encore le fait de consacrer une semaine de contrôle de l’action gouvernementale à l’issue de la période de "crise". Parmi les autres propositions : la mise en place de binômes majorité-opposition par thématique, ou celle de débats "mixtes", mêlant contributions physiques et interventions par visioconférence. Autre idée avancée : une prolongation de la durée des commissions d’enquêtes en cas d’interruption de leurs travaux.
Toute ces conclusions ont été présentées ce jeudi aux groupes politiques, lesquels les ont globalement bien accueillies. Prochaine étape : mardi 17 novembre, en conférence des présidents, avec de possibles prises de décisions.