En déclarant, mercredi 3 février, vouloir "aller vite" pour faire adopter une nouvelle loi contre les atteintes sexuelles envers les mineurs, le patron des députés de La République en marche, Christophe Castaner, a affiché la volonté de la majorité de répondre aux attentes grandissantes sur ce sujet sensible. Mais si l'objectif est partagé par beaucoup, la façon d'y parvenir suscite un imbroglio législatif.
"Nous devons aller vite, quel que soit le véhicule législatif (...), ne cherchons pas à revendiquer telle ou telle paternité ou propriété d'origine" : par ces mots, prononcés ce mercredi 3 février sur BFMTV-RMC, le chef de file des députés LaREM, Christophe Castaner, a affiché une volonté louable : celle de faire fi du jeu politique pour aboutir à une adoption rapide d'un nouveau texte sur les violences sexuelles commises envers les mineurs.
Mais si les résonnances de l'actualité – l'affaire Duhamel ayant enclenché une vague de témoignages sur les réseaux sociaux (#MeeTooInceste) – expliquent au moins en partie ce souhait d'accélération, les moyens de parvenir à cet objectif largement partagé politiquement font débat.
Propriété ? Paternité ? La question se pose, alors que trois propositions de loi sur le sujet sont actuellement sur la table des deux Assemblées. La première émane du Sénat. Adopté à l'unanimité le 21 janvier, en première lecture, le texte de la centriste Annick Billon vise à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans. De son côté, le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a inscrit dans sa "niche" du 18 février une proposition de loi d'Isabelle Santiago prévoyant un seuil automatique de non-consentement à 15 ans, en deçà duquel un mineur ne pourrait être considéré comme consentant. Enfin, la députée LaREM Alexandra Louis a déposée ce mercredi sa propre proposition de loi. Celle-ci ne prévoit pas d'instaurer un âge de non-consentement mais de "faire des violences sexuelles sur mineur de 15 ans des infractions autonomes".
Derrière ces nuances, la volonté transpartisane de légiférer sur cette question est manifeste. Au fil des mois, un consensus s'est établi sur la nécessité d'aller plus loin que la loi Schiappa du 3 août 2018 contre les violences sexuelles. Reste donc à savoir comment y parvenir.
C'est dans cette optique que s'inscrit la déclaration de Christophe Castaner. Alors que le texte de la députée Isabelle Santiago est programmé le 18 février en première lecture à l'Assemblée – dans le cadre de la journée réservée au groupe socialiste – le président des députés LaREM a suggéré à la présidente du groupe, Valérie Rabault, de reprendre le texte issu du Sénat à son compte. Il s'agirait ainsi de gagner du temps de navette parlementaire, la loi ayant déjà été adoptée par la Chambre haute.
Impossible, fait valoir ce mercredi la députée socialiste dans un courrier de réponse. Tout en se déclarant favorable à cette volonté "d'aller vite", Valérie Rabault note l'impossibilité de changer le texte contenu dans sa niche parlementaire du fait des délais constitutionnels. Et de renvoyer la balle à Christophe Castaner, en lui demandant "d'intercéder auprès du gouvernement" pour déclencher la procédure accélérée sur le texte socialiste. Avec une seule lecture par assemblée, fait valoir l'élue du Tarn-et-Garonne, l'adoption de la loi pourrait avoir lieu d'ici à la mi-mars, contre le printemps au mieux pour le texte sénatorial.
Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. La majorité allègue qu'il est juridiquement, là aussi, trop tard pour déclencher une telle procédure. De son côté, le groupe socialiste reconnaît l'impossibilité d'accélérer la lecture de son texte si le règlement de l'Assemblée est appliquée de façon stricte, tout en soulignant qu'il existe des précédents. Valérie Rabault parle donc de "décision politique" à prendre.
Au-delà du calendrier, reste aussi à trancher sur le fond. Les socialistes, estimant leur copie plus aboutie que celle du Sénat, souhaitent la maintenir. Pour expliquer cette décision, ils soulignent que leur texte prévoit un seuil de non-consentement à 15 ans, position qui semble plus proche de ce que souhaite la majorité que les 13 ans fixés par le Sénat. Enfin, le texte du groupe Socialistes et apparentés prévoit aussi des peines spécifiques en cas d'inceste.