Alors que les arbitrages sur la répartition nationale du budget de la politique agricole commune (PAC) sont toujours en cours, 47 élus de l'Assemblée, du Sénat et du Parlement européen, de tous horizons politiques, se mobilisent pour demander le maintien des aides dans leurs territoires, en particulier en faveur de l'élevage en zones de massifs.
La politique agricole commune (PAC) est un serpent de mer de la vie politique européenne qui a été à l'origine de nombreuses tensions diplomatiques ces dernières décennies. Pour le prochain exercice 2023-2029, les négociations ont pris du retard à Bruxelles, mais les échanges sur le cadre global sont terminés : la France aura un budget relativement stable par rapport à la période 2015-2020. Reste à savoir comment seront répartis les quelque neuf milliards d'euros sur le territoire. D'ici au mois de juin, le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, doit rédiger le Plan stratégique national de la Pac, et procéder à de nombreux arbitrages.
Faut-il soutenir en priorité les jeunes qui s'installent ou d'abord venir en aide à ceux qui sont en difficulté ? Faut-il soutenir davantage les agriculteurs des plaines ou ceux de montagne ? Le ministère de l'Agriculture a lancé une consultation avec les acteurs du secteur, mais certains parlementaires ont un avis bien tranché. Réunis autour du présidents du groupe Gauche démocrate et républicaine et élu du Puy-de-Dôme, André Chassaigne, 46 élus de l'Assemblée nationale et du Sénat issus de tous bords politique demandent que les crédits des territoires de montagne soient préservés.
47 parlementaires des territoires de montagne lancent un appel pour une Politique Agricole Commune juste au service de l’élevage en zones de massifs.@AndreChassaigne #Elevage #PAC pic.twitter.com/prmLWXa76L
— André Chassaigne (@AndreChassaigne) February 17, 2021
"Le volume global est fixé pour la France, et on est à enveloppe constante. Mais les arbitrages franco-français font planer deux inquiétudes majeures pour nos territoires de montagne", résume le député Les Républicains de l'Aveyron Arnaud Viala. La première, pointent les parlementaires, est "le maintien ou non du montant des aides couplées." Ces aides, qui représentaient pas moins d'un milliard d'euros en 2019, peuvent être accordées à tout secteur "en difficulté économique", et sont très majoritairement dédiées à l'élevage (867 millions en 2019, selon le ministère de l'Agriculture).
Ces aides sont essentielles pour certains agriculteurs. "Elles représentent parfois jusqu'à 100% des revenus", alerte le député LaREM de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau, lui-même agriculteur de profession. "Il faut que ces aides soient maintenues. Sinon c'est toute l'économie de nos territoires qui va disparaître", prévient l'élu au micro de LCP. "Aujourd'hui, il est plus difficile d'élever en zone de montagne que d'élever en plaine. Et il faut que tous les agriculteurs puissent vivre !" abonde la députée socialiste du Puy-de-Dôme Christine Pirès Beaune.
Surtout, les parlementaires veulent que "les surcoûts que subissent les agriculteurs, liés aux 'handicaps naturels' de [leurs] territoires, continuent d’être compensés à leur juste niveau, à travers une Indemnité compensatoire de handicaps naturels, (ICNH) forte, centrée sur l’élevage." Cette indemnité, qui bénéficie aux exploitants qui exercent une activité agricole dans les zones défavorisées, peut également être versée pour les productions végétales commercialisées dans les zones de montagne. En 2019, les agriculteurs basés dans plus de 14.000 communes françaises y étaient éligibles.
L'enjeu aujourd'hui, c'est la définition du terme 'défavorisé' Arnaud Viala, député LR de l'Aveyron, le 17 février 2021.
Le montant global de cette indemnité ne devrait pas baisser. En revanche, s'inquiètent les parlementaires, l'ICHN pourrait être rendue éligible dans de nouveaux territoires. "Si on veut que le montant, par ferme, reste celui qu'il est, il ne faut pas faire rentrer des territoires qui sont défavorisés mais qui le sont moins [que ceux qui bénéficient actuellement de l'aide]", plaide Arnaud Viala. "L'enjeu aujourd'hui, c'est la définition du terme 'défavorisé'", assure-t-il. "Des territoires qui se considèrent défavorisés risquent de déséquilibrer ce volet de la PAC", explique l'élu.
Les élus souhaitent enfin que la future PAC "rémunère l'ensemble des services environnementaux rendus par nos exploitations familiales et herbagères". "Derrière la question des aides aux agriculteurs, il y a des enjeux environnementaux", assure Christine Pires-Beaune. "S'il n'y a plus d'agriculteurs, il n'y a plus de paysages et il n'y a plus de tourisme", prévient la socialiste.
Fait rare : "la totalité des groupes parlementaires" du Sénat et de l'Assemblée nationale ont co-signé la tribune initiée par André Chassaigne. "Dans la mesure où on a un combat commun dans nos territoires respectifs, il n'y a aucun obstacle à ce qu'on puisse se rassembler", souligne le député communiste voyant dans cette initiative une "tribune d'intérêt général pour nos territoires et pour nos éleveurs."
L'appel sera-t-il entendu et écouté par le gouvernement ? "Je pense que le niveau de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels sera maintenu, ce serait dramatique pour nos élevages" répond, confiant, Jean-Baptiste Moreau. "Après, pour le reste, les arbitrages sont toujours en cours", indique le député LaREM de la Creuse qui a demandé à ce que Julien Denormandie reçoive le collectif d'élus prochainement.