Censure du gouvernement Barnier : budget 2025, travail législatif, rôle de contrôle... Et maintenant à l'Assemblée ?

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Assemblée nationale
par Ludovic FAU, le Jeudi 5 décembre 2024 à 06:43, mis à jour le Vendredi 6 décembre 2024 à 15:20

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a réuni les présidents des groupes politiques de l'institution, mercredi 4 décembre au soir, pour faire le point sur la situation et le travail parlementaire à la suite de la censure du gouvernement de Michel Barnier. Selon les informations de LCP, plusieurs options sont notamment sur la table concernant les débats budgétaires. 

Et maintenant à l'Assemblée nationale ? Dans la foulée du vote de la censure contre le gouvernement de Michel Barnier, mercredi 4 décembre au soir, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a réuni les présidents des groupes politiques du Palais-Bourbon, pour faire le point sur le plan juridique et technique concernant le travail des députés dans cette situation inédite.

Après la séance historique de l'après-midi, la réunion s'est déroulée dans un ambiance "responsable" et "sans tension", tous les participants que l'institution "fonctionne", selon l'entourage de la présidente. "L'Assemblée nationale fonctionne. (...) Il faut que les groupes politiques construisent ensemble, nous n'avons pas le choix. Nous avons besoin de doter la France d'un budget", a déclaré Yaël Braun-Pivet, ce jeudi matin, au micro de la matinale France Inter. 

L'ordre du jour législatif suspendu

A ce stade, l'ordre du jour de l'hémicycle, qui nécessite la présence de ministres au banc du gouvernement, est suspendu. Une proposition de loi qui devait être examinée ce jeudi 5 décembre ne le sera donc pas. Ensuite, tout dépendra de la rapidité avec laquelle un nouveau Premier ministre sera nommé et son gouvernement composé. Pour l'instant, la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes, qui devait avoir lieu jeudi 12 décembre est également ajournée et sera reportée. 

Si un gouvernement de plein exercice n'est pas nommé d'ici à lundi prochain, la Conférence des présidents de l'Assemblée se réunira mardi 10 décembre, afin de s'adapter à la situation. A défaut de nouvelle équipe pour succéder à Michel Barnier et à ses ministres d'ici là, les Questions au gouvernement, qui font partie du rôle de contrôle des députés, n'auraient pas lieu non plus la semaine prochaine. 

En revanche, les députés continueront à travailler dans le cadre des commissions permanentes, des commissions d'enquêtes et des missions d'information. Exception : le travail législatif en commission sera pour l'essentiel, lui aussi, ajourné en attendant la nomination d'un nouveau gouvernement. En matière de contrôle, la commission des finances auditionne d'ailleurs, ce jeudi matin, l'ancien directeur général des finances publiques et directeur de cabinet de Michel Barnier à Matignon, Jérôme Fournel, dans le cadre de ses travaux d'enquête sur le dérapage du déficit public

Quatre scénarios en matière de budget

Concernant le projet de loi de finances - budget de l'Etat - et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale - budget de la Sécu - quatre scénarios ont  été exposés au cours de la réunion des présidents de groupe autour de Yaël Braun-Pivet, selon les informations recueillies de sources concordantes par LCP.

Sur ces quatre scénarios, les deux premiers nécessitent qu'un gouvernement de plein exercice soit en place, tandis que le troisième pourrait aussi être mis en œuvre par gouvernement chargé des affaires courantes. Enfin à ce stade, le quatrième n'est qu'évoqué.   

  1. La reprise de la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) puisqu'en votant la censure du gouvernement, l'Assemblée a rejeté l'accord qui avait été établi en commission mixte paritaire (CMP) la semaine dernière sur le budget de la Sécu. Ce qui n'annihile pas le PLFSS lui-même. De son côté, le projet de loi de finances (PLF), qui était en cours d'examen au Sénat - qui a lui aussi ajourné ses travaux après le vote de la censure - pourra poursuivre son parcours législatif. 
     
  2. Le recours a une procédure prévue par l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances qui consisterait pour le gouvernement à présenter un nouveau projet de loi de finances complet, mais à demander un vote séparé sur la première partie, qui porte sur les recettes. Objectif : faire voter le prélèvement des impôts pour l'année suivante. Une fois cette étape franchie, le gouvernement peut procéder par décrets pour ouvrir des crédits destinés à assurer le fonctionnement du pays en début d'année suivante, en attendant le vote de la deuxième partie du PLF, qui porte sur les dépenses

    Ce scénario a déjà été utilisé une fois, en 1962, à la suite de la censure votée contre le gouvernement de Georges Pompidou. La situation politique était cependant différente de celle d'aujourd'hui, puisque le président de la République, Charles de Gaulle avait alors décidé de dissoudre l'Assemblée et de renommer Georges Pompidou après les élections législatives anticipées qui avaient eu lieu. 
     
  3. Le recours à une autre procédure prévue par  par l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances qui consiste pour le gouvernement a présenter un projet de loi spéciale. Particularité de cette procédure : elle peut être activée par un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes. Cette loi spéciale permet à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants, puis à assurer le fonctionnement du pays en ouvrant des crédits par décrets, en attendant le vote d'un projet de loi de finances en bonne et due forme en début d'année suivante.

    Ce scénario a, lui aussi, été mis en œuvre une fois, en 1979. A l'époque, le PLF avait été censuré par le Conseil constitutionnel pour une question de procédure. Là encore, la situation politique était différente de celle d'aujourd'hui, puisque le Premier ministre, Raymond Barre, et le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, disposaient d'une majorité à l'Assemblée nationale.
     
  4. L'application du projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale par ordonnances, comme le permettent les articles 47 et 47-1 de la Constitution, si le Parlement ne s'est pas prononcé dans les délais prévus. Concernant le PLFSS, le délai constitutionnel s'éteint ce jeudi 5 décembre à minuit.

    Selon nos informations, lors de la réunion des présidents des groupes politiques du Palais-Bourbon, Yaël Braun-Pivet a considéré que cette procédure ne pouvait pas s'appliquer à ce stade au budget de la Sécu, puisque les députés se sont bel et bien prononcés sur celui-ci en rejetant l'accord qui avait été établi en CMP.  

    Un consensus s'est dégagé sur ce point lors de la réunion, la présidente de l'Assemblée nationale et les présidents de groupe estimant qu'en tout état de cause, si la navette ne reprenait pas sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, un nouveau texte devrait être présenté par le gouvernement à venir.

 

(Avec Marco Paumier)