Covid-19 : l'exécutif mis en difficulté sur le calendrier de l'état d'urgence sanitaire

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Photo d'illustration de la soirée (LCP)
par Jason Wiels, le Mardi 3 novembre 2020 à 22:12, mis à jour le Mercredi 4 novembre 2020 à 10:01

Lors d'une soirée électrique, les députés de l'opposition ont réussi à faire adopter, mardi dans la nuit, deux amendements qui remettent en cause les dates voulues par le gouvernement pour la fin de l'état d'urgence sanitaire et du confinement. Un nouveau vote sera organisé à la demande du gouvernement.

Prolonger l'état d'urgence sanitaire, jusqu'à quand ? La question semblait être réglée il y a dix jours, lorsque l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi autorisant sa prorogation jusqu'au 16 février 2021. Mais faute de clause de revoyure pendant quatre mois - soit une période deux fois plus longue que lors de la mise en place du premier état d'urgence sanitaire en mars -, le Sénat a refusé de valider cette mouture du texte.

Appelée à une nouvelle lecture du projet de loi, l'Assemblée nationale a continué ses travaux mardi en fin de journée. Mais, surprise, faute de députés en nombre suffisants après 21h, la majorité (LaREM, MoDem, Agir) a perdu coup sur coup deux votes sur des amendements importants. Une suspension de séance de cinq minutes à la demande de Pacôme Rupin (LaREM), pour faire venir des renforts, n'y aura pas suffi. 

Le premier amendement défendu par les élus Les Républicains raccourcit de deux mois l'état d'urgence sanitaire, qui a été déclaré le 17 octobre dernier :

Le second amendement, adopté contre l'avis du gouvernement et du rapporteur Jean-Pierre Pont (LaREM), a été proposé par Paul Molac (Libertés et Territoires). Il prévoit qu'une éventuelle prolongation du confinement au-delà du 30 novembre ne pourra se faire "qu'après accord du Parlement".

Une opposition très mobilisée

Comment expliquer que la majorité n'ait pas été au rendez-vous pour défendre ses positions ? Faut-il y voir que les "élus macronistes sont déchirés sur cette question", comme l'a suggéré Christian Jacob (LR) ? Plus prosaïquement, le groupe Les Républicains était très présent dans l'hémicycle, où les groupes sont invités à "s'autodiscipliner" pour ne pas envoyer plus de 50% de leurs élus, circulation du virus oblige.

Les parlementaires de droite étaient environ 50 (sur 103 membres) dans l'hémicycle mardi soir. Avec le soutien des voix de la gauche, ils ont donc réussi à remporter le vote par 85 voix contre 80 selon le décompte de la présidente de séance Annie Genevard (LR).

Après ce camouflet, vers 22h, le ministre de la Santé, Olivier Véran, ainsi que le ministre chargé des Petites et Moyennes Entreprises, Alain Griset, sont arrivés en renfort auprès de leur collègue à l'Autonomie Brigitte Bourguignon qui représentait jusque-là le gouvernement. 

Un nouveau vote

Dans ce genre de situation, l'exécutif dispose de plusieurs cartes pour rétablir le texte comme il l'entend. C'est sans surprise qu'Olivier Véran a utilisé l'une d'entres elles. Mais plutôt que de demander une seconde délibération sur chacun des amendements en fin de texte, le ministre a fait le choix de "la réserve" des votes sur l'ensemble du texte et des amendements. 

Grâce à ce choix, les amendements et articles continuent d'êtres discutés mais un seul vote aura lieu, et il portera sur les amendements choisis par le gouvernement - ceux ayant déjà été votés pouvant ainsi être écartés. Les députés diront donc, oui ou non, au texte proposé par le pouvoir exécutif.

Ce choix est aussi une façon d'éviter d'autres déconvenues pour la majorité, alors qu'une série d'amendements LR pour permettre aux commerces de proximité de rouvrir localement en accord avec le préfet avait toutes les chances d'être votée, toujours contre l'avis du gouvernement.

Invectives et minute de silence

Cette décision a encore un peu plus tendu l'ambiance dans l'hémicycle, déclenchant une série de rappels au règlement. Le ministre de la Santé a ensuite justifié son heure d'arrivée tardive dans l'hémicycle par la visite dans la soirée à hôpital de Corbeil-Essonne, où de nombreux patients y compris jeunes sont en réanimation. Là encore, le ton est très vite monté avec la droite de l'hémicycle (en particulier à partir de 1'52) :

"Vos propos ont été indignes et vous avez été indigne", a répondu illico Christian Jacob (LR). "Ce n'est pas ainsi que l'unité nationale se fera", a renchéri son collègue Philippe Gosselin (LR). Le président du groupe majoritaire Christophe Castaner a appelé les élus LR au "courage politique", alors que la France a déploré mardi 426 nouveaux décès dus à la Covid-19.

Dans un contraste saisissant avec la dureté des propos échangés jusqu'alors, la députée Patricia Miraillès (LaREM) a demandé à ses collègues d'observer une minute de silence en hommage aux victimes du jour, ramenant un peu de calme (et de recueillement) dans les travées.

Le débat sur le projet de loi continuera mercredi après-midi, avec un vote attendu après l'examen des amendements encore en discussion.