Droit à l'image des enfants : la proposition de loi de la majorité de retour à l'Assemblée

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Une personne sur son ordinateur (illustration)
Une personne sur son ordinateur (illustration / Vecteezy.com)
par Soizic BONVARLET, le Lundi 9 octobre 2023 à 16:37, mis à jour le Jeudi 1 février 2024 à 11:21

Votée en première lecture en mars dernier, la proposition de loi pour "garantir le respect du droit à l'image des enfants" sera examinée par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ce mardi 10 octobre. En juin dernier, ce texte - visant à responsabiliser les parents - n'avait pas fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire. 

Sharenting, serial vlogueurs, pranks : autant de termes apparus avec les réseaux sociaux et la présence massive en ligne d'images d'enfants à l'initiative de leurs propres parents. Face à ce phénomène, Bruno Studer (Renaissance) est à l'origine d'une proposition de loi dont la visée majeure est de "responsabiliser et sensibiliser les parents". Lors de la première lecture du texte, le 6 mars dernier,  Bruno Studer avait justifié la volonté de la majorité présidentielle de légiférer en la matière par "de graves conséquences pour l'enfant au présent ou au futur", parmi lesquelles des "usurpations d'identité, chantage, cyberharcèlement, pédopornographie".

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Outre le volet responsabilisation des parents, la proposition de loi visant à "garantir le respect du droit à l'image des enfants" introduit la notion de "vie privée" dans les attributs de l’autorité parentale, et précise que le droit à l’image des mineurs est exercé conjointement par les deux parents. En cas de désaccord entre eux, les texte prévoit que l'un des deux parents puisse se voir signifier une interdiction de publier des images de l’enfant. Dans les situations les plus alarmantes, une délégation forcée de l’autorité parentale, que Bruno Studer souhaite "partielle", est également contenue dans le texte. Cette délégation ne concernerait que l'exercice du droit à l'image de l'enfant, qui serait dans un tel cas confié à un tiers.

Une commission mixte paritaire non conclusive

Chargée de trouver un accord sur le texte suite à son adoption par l'Assemblée le 6 mars et par le Sénat le 10 mai, la commission mixte paritaire (CMP) réunie le 1er juin a échoué, faute de consensus entre députés et sénateurs sur deux aspects du texte : 

  • L'article 3 du texte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale prévoit la possibilité, en cas de désaccord entre les parents sur l'exercice du droit à l'image, de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) pour que celui-ci puisse prononcer une interdiction de diffuser un contenu. Le Sénat est allé plus loin en établissant la nécessité d'un accord préalable des deux parents pour toute diffusion d'un contenu relatif à la vie privée de l'enfant.
  • Mais c'est sur la mesure de délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant que le principal désaccord entre les deux Chambres s'est fait jour, le Sénat ayant supprimé l'article 4, qui porte sur ce sujet. Principal motif de ce rejet : le fait que la délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale soit, à ce jour, réservée aux cas de désintérêt manifeste des parents, d'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, ou si un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort. Autrement dit des faits dont la gravité a été considérée par les sénateurs sans commune mesure avec la diffusion d'une photo ou d'une vidéo en ligne, qui dans la plupart des cas, ne résulte pas d'une mauvaise intention.

"La création de cette nouvelle condition de délégation partielle de l'autorité parentale serait une réelle avancée qui permettrait de traiter des cas très concrets, présents dans l'actualité" avait, quant à lui, fait valoir Bruno Studer durant les travaux de la CMP. "Un parent qui ne respecterait pas la délégation de l'autorité parentale se retrouverait dans la situation de n'importe quelle personne diffusant l'image d'un enfant sans être titulaire du droit à l'image : il pourrait être poursuivi pénalement", avait-il défendu, qualifiant ce "nouvel outil" d'"opérant".

Faute de compromis, les députés effectueront donc une nouvelle lecture du texte ce mardi 10 octobre dans la soirée. Et c'est à l'Assemblée nationale que reviendra le dernier mot si le désaccord avec les sénateurs devait persister.

Des pratiques dans le collimateur du législateur :

Sharenting : Contraction de deux mots anglais 'sharing' (partager) et 'parenting' (parentalité), ce terme désigne le fait que des parents partagent des photos et des vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux, sans le consentement éclairé de ces derniers.

Vlogs : Synthèse des mots 'vidéo' et 'blog', qui désigne ici les films de voyages familiaux partagés massivement par des parents.

Pranks : 'Blagues' ou 'farces' en anglais, infligées en l'espèce à des enfants avant d'être publiées sur les réseaux sociaux.