Éducation nationale : les syndicats mettent en garde les députés vis-à-vis d'une école "en dépression"

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Education nationale : l'intersyndicale demande davantage de moyens
Education nationale : l'intersyndicale demande davantage de moyens (LCP)
par Maxence Kagni, le Mercredi 11 septembre 2024 à 19:30, mis à jour le Mercredi 11 septembre 2024 à 19:34

Manque d'attractivité, budgets jugés insuffisants, inclusion défaillante... Auditionnés mercredi 11 septembre par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée, les représentants des syndicats d'enseignants du premier et second degrés ont demandé un changement de cap politique et une augmentation des moyens alloués à l'éducation nationale.

Selon eux, l'école est à un "point de bascule" et même à un "point de rupture". Auditionnés par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, mercredi 11 septembre, les syndicats représentatifs des enseignants ont mis en garde les députés vis-à-vis d'une Éducation nationale jugée "en dépression", manquant de moyens et en échec sur l'inclusion des élèves en situation de handicap.

Pour sa première réunion de la XVIIe législature, la commission, désormais présidée par la socialiste Fatiha Keloua Hachi, a organisé deux tables rondes pour faire un premier bilan de la rentrée scolaire avec, le matin, les syndicats du premier degré et, l'après-midi, ceux du second degré. Fait rare lors de ce genre d'auditions, les syndicats ont fait lire un texte identique - rédigé au nom de l'intersyndicale - par l'un de leurs représentants en préambule de chaque séance

Crise des vocations

"L'école est à un point de bascule", a ainsi déclaré la co-secrétaire générale de la FSU-Snuipp, Guislaine David. "Cette rentrée marque une étape supplémentaire dans la dégradation du service public de l'éducation", a-t-elle alerté. La syndicaliste a précisé que "la crise de recrutement s'enracine" puisque celle-ci "concerne désormais d'autres personnels" que les enseignants, "comme les accompagnants d'élèves en situation de handicap" (AESH).

Avant de leur donner la parole, la présidente de la commission, Fatiha Keloua Hachi (Socialistes) avait précisé que "les statistiques des derniers concours dans le premier degré font état de 1350 postes vacants". Un chiffre qui est, selon elle, de 1575 postes vacants dans le second degré

"L'école est en dépression", a résumé un peu plus tard Jean-Rémi Girard, le président national du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC). "Les trois dernières années sont les trois pires années qu'on a jamais connues en termes de recrutement d'enseignants du second degré", a-t-il affirmé.

Selon l'intersyndicale, "la continuité du service public de l'éducation est mise à mal par des choix politiques", comme les suppressions de postes "menées par les gouvernements successifs". Guislaine David a prôné la suppression du "choc des savoirs" et de ses groupes "de niveaux", désormais appelés groupes "de soutiens", voulus par l'ex-Premier ministre, Gabriel Attal. La secrétaire générale du SNES-FSU, Sophie Vénétitay, a elle aussi dénoncé cette politique qu'elle juge être une "entreprise de tri des élèves". L'intersyndicale a également critiqué "les coupes budgétaires 2024" et demandé l'abandon des "évaluations nationales standardisées obligatoires".

Augmentation des salaires

Concernant le budget 2025, les syndicats s'opposent à toute "austérité budgétaire" et demandent une "augmentation immédiate des salaires sans contrepartie", des "investissements conséquents", ainsi que l'abandon du pacte enseignant. Ce dispositif, mis en place en septembre 2023, permet à des enseignants volontaires d'effectuer des missions supplémentaires en échange d'une hausse de leur rémunération.

En réponse aux critiques, la députée Ensemble pour la République (EPR) Céline Calvezdéfendu le bilan de l'ex-majorité : "Nous avons augmenté le budget [de l'Éducation nationale]", a souligné l'élue, qui a ajouté que celui-ci est "en constante croissante depuis 2017" et qu'il a "augmenté de 29%". 

Tous les professeurs ont vu leur rémunération améliorée ne serait-ce que par le dégel du point d'indice. Céline Calvez

Des propos tempérés par Christophe Lalande (FNEC-FP-FO) : "Tout le monde sait que tout augmente, tout le monde sait qu'il y a quelque chose qui s'appelle l'inflation (...) La réalité c'est qu'on a perdu 30% de notre pouvoir d'achat en 30 ans". De son côté, Christine Pau (CGT Éduc'action) a pour sa part fustigé le "déni suprenant" de la députée EPR.

Le co-secrétaire général du SNUEP-FSU, Axel Benoist a, quant à lui, insisté sur le fait que les élèves de lycée professionnel ont perdu, "en deux réformes et six ans", "une demi-année de cours pour se préparer à leur diplôme". Le secrétaire national de la CFDT Education, Laurent Gomez, a enfin demandé "un moratoire" sur la réforme du lycée professionnel.

Une inclusion défaillante

Les syndicats enseignants ont, en outre, mis en garde contre un échec de la politique d'inclusion des élèves en situation de handicap. "On les accueille n'importe comment", a dénoncé le président national du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC), Jean-Rémi Girard. "Des centaines d'élèves avec une notification d'aide humaine n'ont pas d'AESH", a expliqué Éléna Blond, la secrétaire nationale de la CGT Educ'action. Résultat, "les enseignants, les enseignants, les AESH se sentent submergés". Plusieurs syndicalistes ont même évoqué l'émergence d'"AESH privés" payés directement par les familles pour accompagner leurs enfants en situation de handicap.

Éléna Blond a également critiqué la réduction à "peau de chagrin" de la formation à l'enseignement spécialisé mais aussi l'expérimentation des Pôles d'appui à la scolarité (PAS). Ces pôles doivent, selon le gouvernement sortant, "accompagner tous les élèves à besoins éducatifs particuliers". "Dotés de temps d'enseignant et d'éducateur spécialisés", les PAS doivent déterminer "les accompagnements pédagogiques à mettre en œuvre". Mais selon les syndicats, ce guichet unique ne suffira pas à enrayer le crise : "Les réponses seront sans doute très très normalisées", a regretté Eléna Blond, qui estime que les PAS ne "prendront pas en compte la singularité de l'enfant". "Il faut avant tout des moyens humains", a renchéri Nara Cladera, la co-secrétaire fédérale de Sud éducation.

On a voulu faire de la quantité et on a failli sur le bien être de ces élèves et des enseignants. Guislaine David (FSU-Snuipp)

Face à ces constats, la co-secrétaire fédérale de Sud éducation Nara Cladera a souligné "l'union syndicale" et mis en garde, avec le sourire, les députés : "Votez ce qu'il faut et ne nous obligez pas à organiser des grèves et des manifestations."