Dans le cadre des auditions menées par la commission des affaires sociales après les révélations du livre "Les Fossoyeurs", la directrice générale de Korian, Sophie Boissard, a tenu à distinguer son groupe des accusations qui pèsent sur le groupe Orpea.
Sophie Boissard le promet : au sein du groupe Korian, "les profits ne sont pas une fin en soi." La directrice générale du leader des maisons de retraite en France était auditionnée, mercredi 16 février, par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Pendant près de 2h30, elle a patiemment tenté de distinguer son groupe des accusations qui pèsent sur un de ses principaux concurrents, Orpea.
Ce groupe est accusé d'avoir institué au sein de ses Ehpad une véritable "course au profit sans limite" par le journaliste Victor Castanet. Dans son livre "Les Fossoyeurs", ce dernier évoque notamment des rationnements entraînant des situations de maltraitance. Des faits qualifiés d'"allégations" par les dirigeants de l'entreprise.
A la suite du séisme provoqué par ces révélations, des familles de résidents ont également pointé du doigt des établissements du groupe Korian. "L'ouvrage de M. Castanet évoque certains faits concernant Korian, notamment le recours à la pratique des marges arrières sur l'achat de dispositifs médicaux, financés par l'argent public, et sur des prestations réalisées par des laboratoires de biologie médicale", a ajouté en ouverture des débats la présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi (La République en Marche).
"Les faits tels qu'ils sont décrits [par le livre, au sein du groupe Orpea], je les trouve, s'ils sont avérés, extrêmement choquants et je les condamne sans détour", a d'emblée affirmé Sophie Boissard, qui a affirmé que la "culture de l'entreprise" Korian "n'a rien à voir" avec les faits dénoncés par Victor Castanet. Selon la directrice générale, Korian ne pratique pas "le rationnement", ni "l'intimidation des collaborateurs", ni le "trafic d'influence". "Je ne suis pas venue vous dire que tout est parfait dans le meilleur des mondes et que chez Korian tout est parfait", a-t-elle toutefois déclaré.
Les révélations du livre "Les Fossoyeurs" ont créé, selon Sophie Boissard, un "choc de défiance" ressenti "très douloureusement" par les "16.000 personnes, essentiellement des femmes", qui travaillent dans les 300 établissements du groupe : "Elles se sentent injustement mises en cause."
La directrice générale a multiplié les comparaisons entre son groupe et les pratiques d'Orpea, telles que les décrit Victor Castanet : "Est-ce qu'on a un syndicat maison ? Evidemment non." Quatre syndicats sont représentés au sein de Korian (Unsa, CGT, CFDT, FO), a expliqué Sophie Boissard. Concernant le taux d'encadrement, la directrice générale a évoqué une progression depuis son arrivée dans l'entreprise, en 2016 : "On était à peu près à 5,5 personnels pour 10 résidents accompagnés, on est aujourd'hui près de 7 pour 10."
Sophie Boissard reconnaît en revanche des difficultés dans le domaine du "dialogue avec les familles" : "C'est probablement un des champs sur lequel on a le plus encore à parcourir." Autre concession : "La charge des équipes est lourde (...) Les indicateurs en matière de santé et de sécurité au travail ne sont pas bons chez nous, ils ne sont pas bons dans le secteur."
Sophie Boissard estime que modèle privé et "soin de qualité" sont compatibles : "Oui, nous sommes une entreprise, et oui, comme telle, nous devons avoir une activité profitable, et ça je l'assume totalement." Il s'agit selon elle de "la condition sine qua non pour investir". Korian aurait déjà rénové ou engagé la rénovation de 25% de son parc médico-social en cinq ans.
Nicolas Mérigot, le directeur général France du groupe, a quant à lui réfuté tout recours éventuel à un système de "marge arrière" lors des achats réalisés par Korian. Les achats des établissements Korian passent par une centrale de référencement, qui réalise des appels d'offre. "Le critère financier représente 25%" dans le choix final, selon les grilles établies par le groupe. Si les prix d'achat sont 20% plus bas que les prix publics, "ce sont bien ces factures qui sont portées dans les états financiers que nous remettons aux autorités de tarification et de contrôle". De plus, selon Nicolas Mérigot, "les sections soins et dépendance" du groupe ont été déficitaires en 2020, à hauteur de 2 millions d'euros.
Korian a, selon ses dirigeants, réalisé en France, en 2020, un chiffre d'affaires de 1,8 milliards d'euros. Après le versement des salaires, des charges, le versement des loyers et le déduction des achats externes, le résultat net correspondrait à 4% du chiffre d'affaires réalisé : "Michelin était à 9% de résultat net reporté au chiffre d'affaires avant la crise", a expliqué Sophie Boissard. Au niveau international, le groupe aurait réalisé 3,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires : sur cette somme, 30 millions d'euros auraient été reversés en dividendes, dont "15 millions ont été réinvestis" en actions. Si bien que, selon Sophie Boissard, "il n'y a vraiment pas d'approche prédatrice des actionnaires" de Korian.