Elue pour la première fois à l'Assemblée nationale en juin 2022, alors qu'elle avait déjà été nommée Première ministre, Elisabeth Borne est redevenue députée un mois après avoir été remplacée par Gabriel Attal à Matignon, comme le prévoit la loi pour les sortants d'un gouvernement qui ont été élus au Palais-Bourbon pour la législature en cours. Un itinéraire à la fois classique et singulier au regard du parcours d'autres chefs du gouvernement au fil de la Vème République.
Une ancienne Première ministre en passe de faire sa rentrée en tant que néo-députée... C'est une situation quasiment inédite sous la Vème République. Elue pour la première fois députée du Calvados en juin 2022 et alors déjà Première ministre depuis un mois, Elisabeth Borne n'a jamais siégé à l'Assemblée nationale. Ce qui constitue plutôt une exception si l'on considère la liste de ceux qui se sont succédés à Matignon depuis 15 ans. François Fillon, Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Edouard Philippe... Dans l'histoire politique récente seul son prédécesseur direct, Jean Castex, n'avait jamais siégé au Palais-Bourbon avant de prendre la tête du gouvernement.
"Je veux dire ma reconnaissance aux parlementaires de la majorité. Dans un contexte inédit, souvent face aux attaques les plus brutales, ils ont tenu. Je serai bientôt l'une d'entre eux, en tant que députée du Calvados, et je me réjouis de continuer à servir mon pays à leurs côtés, avec détermination et exigence", avait déclaré Elisabeth Borne sur le perron de Matignon lors de son discours de passation de pouvoirs avec Gabriel Attal. Un mandat - jusque-là occupé par son suppléant - redevenu le sien un mois plus tard, vendredi 9 février à minuit, comme le prévoit la loi. Après six ans passés au gouvernement, d'abord comme ministre des Transports, ensuite de la Transition écologique puis du Travail, avant de finalement être nommée Première ministre par Emmanuel Macron.
Si après son passage à Matignon (de mars 2014 à janvier 2016), Manuel Valls, élu pour la première fois député en 2002 de l'Essonne, l'était redevenu dès janvier 2017, la course à l'élection présidentielle était déjà lancée, et lui-même engagé dans la primaire du Parti socialiste, échouant à l'emporter. Il n'a donc véritablement fait son retour sur les bancs de l'hémicycle qu'au cours de la législature suivante, après l'élection d'Emmanuel Macron. L'exercice a cependant été de courte durée, puisque l'ancien Premier ministre a ensuite démissionné, en octobre 2018, pour se lancer dans une autre bataille électorale, cette fois pour la mairie de Barcelone.
Le prédécesseur à Matignon de Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault, a pour sa part fait son retour à l’Assemblée nationale en 2014, à l'issue des deux années en tant que Premier ministre de François Hollande. Député de Loire-Atlantique depuis 1986, il a été président du groupe socialiste durant de nombreuses années avant son passage à Matignon. Un peu plus loin, le parcours de François Fillon s'avère assez similaire. Elu député de la Sarthe dès 1981 et alors benjamin de l'Assemblée nationale, il est nommé Premier ministre en 2007, puis réélu député en juin 2012 à l'issue du quinquennat de Nicolas Sarkozy, avant de se lancer dans sa propre aventure présidentielle.
Plus récemment, Edouard Philippe, premier chef de gouvernement d'Emmanuel Macron a lui aussi été député, élu en Seine-Maritime, mais pour un seul mandat, de 2012 à 2017. Ne s'étant pas représenté à l'époque, il a choisi de redevenir maire du Havre après avoir quitté Matignon en 2020.
Après son premier passage à Matignon (de mai 1974 à août 1976), Jacques Chirac revient siéger à l'Assemblée nationale alors qu'il est en pleine rupture avec le président de la République de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing. Ce sera depuis les bancs de l'Assemblée que le député de Corrèze structurera le RPR, faisant de lui le chef de file de la famille gaulliste, avant son ascension, de la Mairie de Paris à la présidence de la République, en passant par un retour à Matignon en cohabitation avec François Mitterrand.
Autre Premier ministre à devenir président de la République après avoir siégé en tant que député dans l'intervalle : Georges Pompidou. Ayant démissionné - suite aux événements de 1968 -, de la tête du quatrième gouvernement qu'il avait formé, son départ est officiel au 10 juillet de la même année. S'il retrouve son siège de député dès le lendemain, il se place alors en réserve de la République, jusqu'au scrutin présidentiel suivant et s'illustre peu sur les bancs de l’hémicycle. Le 15 juin 1969 et après la démission du Général de Gaulle, Georges Pompidou est élu président de la République.
Premier ministre de juillet 1984 à mars 1986, Laurent Fabius revient lui aussi au Palais-Bourbon, avant d'être élu deux ans plus tard à la présidence de l'Assemblée nationale. Un itinéraire similaire à celui de Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre de juin 1969 à juillet 1972, il est élu au perchoir en avril 1986, fonction qu'il avait déjà occupée avant son arrivée à Matignon. Alain Juppé, Premier ministre de mai 1995 à juin 1997, fera également son retour à l'Assemblée au sortir de Matignon avant de piloter trois ministères majeurs, dont celui des Affaires étrangères, puis de se lancer, sans succès, dans la course à la candidature lors de la primaire des Républicains en vue de l'élection présidentielle de 2017.
Je me réjouis de retrouver les députés avec les lesquels je travaille depuis 2017, notamment les députés de la majorité, en étant parmi eux. Élisabeth Borne
D'autres chefs de gouvernement n'ont, en revanche, jamais été députés, ni avant, ni après Matignon. Comme Dominique de Villepin et Jean Castex qui n'ont jamais été parlementaires, tandis que Jean-Pierre Raffarin a siégé au Sénat avant et après avoir été Premier ministre. Michel Rocard s'est quant à lui fait élire au Parlement européen et au Sénat, mais n'est jamais redevenu député.
Quelle rôle Elisabeth Borne voudra-t-elle assumer dans les prochains mois et les prochaines années ? Jeudi 8 février, elle a en tout cas affiché son intention d'endosser ses nouveaux habits de députée en se rendant dans sa circonscription du Calvados, avant de faire sa rentrée, attendue la semaine prochaine, à l'Assemblée nationale. "Je me réjouis de retrouver les députés avec lesquels je travaille depuis 2017, notamment les députés de la majorité, en étant parmi eux", a-t-elle notamment affirmé lors de ce déplacement.