La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a jugé recevable la demande de création d'une commission d'enquête sur "les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France". Le texte motivant la création de cette commission d'enquête, rédigé par Olivier Marleix (Les Républicains), indique que celle-ci prévoit de faire porter ses travaux sur les décisions prises "sous la présidence de François Hollande puis d'Emmanuel Macron".
Un ancien président de la République auditionné par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale ? Ce serait une première qui devrait bientôt avoir lieu. Début septembre, le chef de file des députés Les Républicains, Olivier Marleix, a annoncé son intention de demander la création d'une commission d'enquête visant "établir les responsabilité" qui ont conduit à la crise énergétique à laquelle la France est aujourd'hui confrontée. Mercredi 5 octobre, la commission des affaires économiques a jugé recevable cette demande effectuée dans le cadre du droit de tirage qui permet à chaque groupe de l'Assemblée d'obtenir la création d'une commission d'enquête par session parlementaire.
C'est dans le cadre de cette commission d'enquête qu'un et même deux anciens présidents de la République pourraient être auditionnés. Le 16 septembre, Le Figaro révélait qu'Olivier Marleix souhaitait que Nicolas Sarkozy puisse contribuer à éclairer la situation énergétique actuelle de la France et que l'ancien chef de l'Etat avait déjà "répondu favorablement" à cette demande. Dès le 7 septembre, sur Europe 1, Olivier Marleix avait aussi déclaré souhaiter qu'un autre ancien Président, François Hollande, soit auditionné par la commission d'enquête.
Car au-delà des causes conjoncturelles de la crise énergétique qui résulte de la guerre en Ukraine, Olivier Marleix et les députés de son groupe estiment que François Hollande et à sa suite, Emmanuel Macron, portent une lourde responsabilité dans la situation actuelle en raison de leurs choix en matière de nucléaire. La proposition de résolution visant à créer cette commission indique clairement qu'il s'agit "d'établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France sous la présidence de François Hollande puis d'Emmanuel Macron".
L'objectif affiché est donc de déterminer les "responsabilités" dans les "coupures d’électricité qui semblent cette année inévitables" peut-on lire dans l'exposé des motifs de la résolution. Le texte indique également qu'il s'agit de savoir si "en confirmant la décision de François Hollande de fermer en 2020 la centrale de Fessenheim au terme d’un accord électoral entre le PS et EELV (...) sans engager de nouveaux projets pour compenser les pertes de capacité de production", le gouvernement "avait pleinement conscience des risques qu’il faisait planer sur la sécurité d’approvisionnement des Français".
"Depuis 10 ans, la France se saborde au niveau énergétique (...) par idéologie et par sectarisme."
Face à la commission des affaires économiques chargée de l'étude de la recevabilité de cette résolution, Jérôme Nury (Les Républicains), a enfoncé le clou : "Depuis 10 ans, la France se saborde au niveau énergétique (...) par idéologie et par sectarisme", a-t-il affirmé. Le député de l'Orne a regretté des "choix décroissants insupportables" et qualifié la fermeture de Fessenheim de "désastre".
La député du Rassemblement national Yaël Menache a abondé dans son sens en appelant à ne pas refaire les mêmes erreurs. "Nous comptons sur le groupe LR pour nous y aider!", a-t-elle affirmé.
Si la proposition de résolution remplit les critères nécessaires à sa recevabilité, le rapporteur issu du groupe Renaissance, Antoine Armand, a cependant émis d'importantes réserves. L'exposition des motifs laisse craindre que ses auteurs "n'ont pas l’intention de mener les travaux approfondis et sans parti pris que de tels enjeux imposent", a-t-il souligné.
Rejoint en cela par le député de la France insoumise Matthias Tavel, Antoine Armand a dénoncé l'"aspect trop partisan" d'une temporalité restreinte aux deux derniers quinquennats qui "pourrait nuire" à la compréhension de la situation. Le rapporteur a donc invité la future commission d'enquête à prendre en compte "le temps long" et la multiplicité des acteurs que requiert la mise en œuvre des politiques énergétiques. Puis a alerté sur une exposition des motifs qui désigne "d'ores et déjà" et avec "une tonalité péremptoire et comminatoire" des "responsabilités précises" et individuelles. Avant de dénoncer des "attaques" fondées sur "des hypothèses".
Antoine Armand a également mis en garde sur le périmètre de recherche de la proposition et a enjoint le bureau de la future commission à le "repréciser". "Si le dispositif entend traiter des motifs sur la politique énergétique au sens large, tout son exposé des motifs ne traite que des problèmes de la production et des problèmes de l'approvisionnement électrique", a-t-il expliqué en insistant sur ce terme. "Il serait judicieux que la commission d’enquête ne s’attache qu’à cet examen déjà dense et divers", a-t-il conseillé.
Malgré ces réserves, la proposition de résolution a été jugée recevable par la commission des affaires économiques. À noter que de Delphine Batho n'a pas pris part au vote. La députée Europe Ecologie - Les Verts ayant expliqué qu'elle se tenait à la disposition de la commission d'enquête en tant qu'ancienne ministre de la Transition écologique de 2012 à 2013.
La conférence des présidents de l'Assemblée du 11 octobre doit maintenant prendre acte de la création de cette commission d'enquête qui pourra ensuite être constituée de 30 députés issus de tous les groupes politiques du Palais-Bourbon. De source parlementaire, c'est le député Les Républicains du Haut-Rhin, Raphaël Schellenberger, qui devrait être choisi pour assurer la fonction de président de la commission d'enquête. C'est dans sa circonscription qu'est située la centrale de Fessenheim, définitivement arrêtée depuis 2020. Et c'est le député Renaissance de Haute-Savoie Antoine Armand qui devrait occuper le poste de rapporteur.