La commission des lois a supprimé, ce mercredi 23 octobre, l'ensemble des articles de la proposition de loi visant à faciliter l’expulsion des étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement. Le texte sera examiné dans sa version initiale au cours de la journée d'initiative parlementaire du Rassemblement national, jeudi 31 octobre.
Les députés de la commission des lois ont rejeté, ce mercredi 23 octobre, la proposition de loi visant à "assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public", défendue par Edwige Diaz (Rassemblement national). Le texte a fait l'unanimité contre lui, ou presque : seuls les élus du groupe Union des droites pour la République, alliés du RN, l'ont soutenu sans réserve. Des amendements de suppression des deux articles de la proposition de loi ont été adoptés.
"Les étrangers sont à la source d'une part considérable de la délinquance et de la criminalité, et le droit actuel comprend beaucoup trop d'obstacles en vue de leur expulsion", a considéré Edwige Diaz. "Nos compatriotes sont les premières victimes de ce carnage quotidien permis par un droit trop contraignant et impraticable", a-t-elle estimé, critiquant "l'enchevêtrement des régimes d'exception, et des catégories protégées, l'empilement des exceptions aux exceptions". Et déplorant que seules 5 à 10 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) soient effectivement exécutées.
Notre pays permet que des étrangers notoirement violents, condamnés par la justice de manière définitive, se promènent librement. Edwige Diaz, députée RN
Pour remédier à cette situation, le groupe Rassemblement national propose de rendre "systématique" l’expulsion de tout étranger majeur dont la présence en France constitue une "menace grave". Sont visés les étrangers faisant l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement. En outre, le texte prévoit une dérogation au droit actuel pour les mineurs de plus de seize ans qui représentent une "dangerosité exacerbée". "Tout étranger présentant une menace grave pour l'ordre public doit passer de la prison à l'expulsion sans passer par la case libération", a martelé Edwige Diaz.
Dans une ambiance parfois tendue au stade, la plupart des représentants des autres groupes parlementaires a fustigé le fond comme la forme. Léa Balage El Mariky (Ecologiste et social) a tancé une proposition de loi "d'inspiration clairement xénophobe", "qui coche toutes les cases de la fraude législative". "Une condamnation pénale ne signifie pas une dangerosité avérée", a-t-elle pointé.
"Un vol dans un supermarché, c'est passible de trois ans. Donc si on vole dans un supermarché pour se nourrir, on peut être expulsé directement", a dénoncé Paul Molac (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). "Cela me paraît légèrement disproportionné." Tandis qu'Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a conspué la "récupération répugnante de l'effroyable féminicide de Philippine", assassinée par un ressortissant marocain sous OQTF.
Par ailleurs, plusieurs députés ont souligné le risque d'inconstitutionnalité pouvant, selon eux, frapper le texte, notamment concernant la possibilité d'expulser des mineurs. "A la faiblesse juridique se double une faiblesse opérationnelle", a pointé Vincent Caure (Ensemble pour la République), critiquant une proposition de loi "démagogique".
Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons) a, pour sa part, estimé que le texte d'Edwige Diaz n'aurait pas pour effet d'améliorer l'effectivité des expulsions : "La France n'arrive pas à éloigner certains étrangers de son territoire, car elle n'arrive pas à obtenir les laissez-passer consulaires permettant leur retour effectif." Quant à Eric Pauget (Droite républicaine), s'il a estimé que le texte allait dans le bon sens, il a lui aussi souligné son risque d'inconstitutionnalité du fait des mesures d'éloignement de mineurs. Avant de rappeler qu'un nouveau texte de loi sur l'immigration est actuellement en préparation par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Son groupe devrait toutefois venir en soutien du texte.
La version initiale de la proposition de loi présentée par le groupe présidé par Marine Le Pen sera examinée dans l'hémicycle jeudi 31 octobre, lors de la journée d'initiative parlementaire du Rassemblement national.