Instruction en famille : "L'école, c'est bon pour les enfants", affirme Jean-Michel Blanquer

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Jean-Michel Blanquer, auditionné le 17 décembre 2020 à l'Assemblée nationale.
par Maxence Kagni, le Jeudi 17 décembre 2020 à 15:08, mis à jour le Mardi 26 janvier 2021 à 11:38

Le projet de loi "confortant le respect des principes de la République" vise notamment à encadrer plus strictement les possibilités de recourir à l'instruction à domicile. Auditionné par les députés, le ministre de l'Education nationale a jugé jeudi que la disposition n'était pas contraire à la Constitution.

Il l'a répété à de nombreuses reprises : "Tout enfant qui est sur le territoire de la République a vocation à aller à l'école." Jeudi, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, était auditionné par la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi "confortant le respect des principes de la République".

Le ministre a pris la défense de l'article 21 du texte, qui "pose le principe de la scolarisation obligatoire" pour les enfants âgés de trois à seize ans. Une disposition qui modifie en profondeur la possibilité de recourir à l'instruction à domicile (ou instruction en famille). Au grand dam de certains députés, issus notamment des rangs des Républicains.

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"Nous constatons beaucoup de phénomènes de fuite de l'école", a justifié Jean-Michel Blanquer. Le ministre avance le chiffre de 62.000 enfants. "Beaucoup de familles considèrent que leurs enfants ne doivent pas côtoyer d'autres enfants issus d'autres milieux ou d'autres confessions", a déploré le ministre. Selon lui, "cela peut conduire à des situations préoccupantes, néfastes aux apprentissages et au bien-être de l'enfant".

Le phénomène n'est pas seulement celui de l'islamisme radical, il y a aussi les phénomènes sectaires et toutes sortes de radicalisation. Jean-Michel Blanquer

"Autorisations" au cas par cas

L'article 21 de la loi "confortant le respect des principes de la République" crée une "obligation de fréquenter un établissement d’enseignement public ou privé". Le texte maintient toutefois la possibilité pour un enfant de recevoir son instruction à domicile. Les services académiques pourront délivrer des "autorisations" au cas par cas, "pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et définis par la loi".

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Le texte prévoit trois motifs autorisant le recours à l'instruction à domicile : 

  • L'état de santé de l'enfant ou son handicap,
  • la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives,
  • l'itinérance de la famille ou l'éloignement géographique.

En cas de "situation particulière propre à l'enfant", l'instruction en famille est également autorisée, mais à une condition : "Les personnes qui en sont responsables [doivent justifier] de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant." L'évaluation de cette dernière dérogation devra reposer sur "le bon sens", a précisé Jean-Michel Blanquer.

L'instruction en famille était quelque chose qui était laissé à une forme d'anarchie. Jean-Michel Blanquer

"Choix très radical"

Par rapport à la situation actuelle, le projet de loi inverse donc la logique : on passe d'une "déclaration avec contrôles" à une "interdiction avec dérogations", a résumé jeudi Annie Genevard (Les Républicains). La députée LR déplore un "changement fondamental" et "un choix très radical". 

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"On touche à l'intime du lien entre les parents et les enfants", a expliqué l'élue, qui a pris la défense de certains parents qui "font un choix de vie" en ayant recours à l'instruction à domicile. Annie Genevard déplore la "limitation d'une liberté constitutionnelle, qui est la liberté d'enseigner".

"Liberté d'enseignement"

"Le Conseil constitutionnel n'a jamais jugé que l'instruction en famille constituait une composante de la liberté d'enseignement", a toutefois affirmé Jean-Michel Blanquer. "Cette liberté n'est pas abîmée, elle est précisée, confortée", a ajouté le ministre.

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Une affirmation qui n'a pas totalement convaincu certains députés, comme Sonia Krimi (La République en marche). Isabelle Florennes (MoDem) a pour sa part demandé "des aménagements" de l'article 21 afin que la liberté d'enseignement soit "préservée". Cécile Untermaier (PS) a, elle aussi, fait part de ses doutes : "Faire porter sur l'instruction à domicile la responsabilité des effets du séparatisme islamiste, me paraît excessif et injuste." 

Tout comme Géraldine Bannier (MoDem), Charles de Courson (Libertés et Territoires) a, quant à lui, jugé le quatrième motif justifiant le recours à l'instruction à domicile ("la situation particulière propre à l'enfant") trop flou : "Il faut préciser ces termes", a-t-il indiqué.

Des amendements à venir ?

Plusieurs députés ont proposé des aménagements au texte. Perrine Goulet (apparentée MoDem) a ainsi évoqué la possibilité de regrouper "une fois par an", "quelques jours", les enfants scolarisés à domicile. Ceux-ci pourraient ainsi bénéficier, "avec des enseignants de l'Education nationale", des "enseignements de laïcité, de République, mais également d'éducation au corps".

Par ailleurs, la rapporteure de cette partie du projet de loi, Anne Brugnera (La République en marche) propose de remédier aux manquements constatés dans certaines mairies : celles-ci doivent dresser une liste "des enfants en âge d'être instruits" mais "c'est une tâche qui n'est pas ou mal faite". L'élue propose aussi d'attribuer à tous les enfants, scolarisés ou non, "un numéro d'identification".

Des propositions plutôt bien accueillies par Jean-Michel Blanquer. Le ministre a semblé favorable à la proposition de Perrine Goulet mais aussi à celle de Gaël Le Bohec (La République en marche) : "Eventuellement, un enfant instruit en famille, dans le futur dispositif, pourrait quand même être inscrit à l'école proche de façon à ce qu'il y ait un lien organique avec cette école."

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"Cela peut passer aussi par le fait que les caisses d'allocations familiales transmettent le nom des enfants qu'elles connaissent aux maires, lesquels maires [seraient] évidemment en lien avec l'Education nationale", a déclaré le ministre. Jean-Michel Blanquer, qui souhaite connaître "exhaustivement" les enfants présents dans une commune, s'est dit prêt à déposer un amendement sur ce sujet.