Les députés ont écarté en commission, mardi 28 mars au soir, une proposition de loi du groupe "Ecologiste" visant à interdire les jets privés. Le rapporteur de la proposition, Julien Bayou, a défendu sans succès une mesure "efficace" et "socialement juste". Le texte est inscrit à l'ordre du jour de l'hémicycle de l'Assemblée jeudi 6 avril.
L'interdiction des jets privés a du plomb dans l'aile. Les députés de la commission du développement durable ont rejeté, mardi 28 mars au soir, la proposition de loi visant à interdire les vols en jets privés, présentée par le groupe "Ecologiste" dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire. "C'est concret en termes de réduction de CO₂, c'est socialement juste, et cela impacte une infime poignée de personnes", a tenté de convaincre le rapporteur du texte, Julien Bayou, en début de réunion.
Insistant sur la nécessité d'agir vite pour le climat, encore mise en lumière dans le dernier rapport du Giec, le député de Paris a appelé à ce que "l'effort de la transition soit partagé par tous". "Aujourd'hui les riches ne portent pas du tout cet effort collectif. Un vol effectué en jet privé, c'est dix fois la pollution et les gaz à effet de serre par voyageur qu'un avion commercial classique", a indiqué l'élu, déplorant une "pollution d'émissions parfaitement superflue", qui plus est lorsque ces avions sont utilisés entre deux lieux de villégiature, battant en brèche l'argumentaire de "l'aviation d'affaires".
Et la "punition" est très douce, a estimé Julien Bayou, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de "contraindre quelqu'un à prendre l'avion classique ou le train" plutôt qu'à utiliser des jets privés. Concrètement, le texte interdit l'usage personnel des jets privés, ainsi que leur exploitation commerciale, avec des dérogations - vol médical, militaire, sauvetage, sécurité civile...
L'argumentaire du député, soutenu par ses collègues de la Nupes, s'est néanmoins heurté à un mur. Les députés de la majorité présidentielle, ainsi que des groupes "Les Républicains" et "Rassemblement national", s'y sont opposés. Des amendements de suppression ont été votés sur chacun des articles du texte.
"Les jets privés représentent 0,09 % des émissions de gaz à effet de serre de la France", a justifié Damien Adam (Renaissance), qui a plaidé pour la décarbonation du secteur plutôt que pour une interdiction pure et simple. D'autant plus que celui-ci représente 100 000 emplois en France et pèse 32 milliards d'euros de contribution économique, a ajouté l'élu de la coalition présidentielle. "Avec cette proposition de loi, on balaye d'un revers de la main l'un des derniers secteurs où la France est leader", a abondé Antoine Vermorel-Marques (Les Républicains), qui y a vu la marque d'une "punition des riches".
De fait, les débats ont porté sur la capacité qu'aura le secteur à se transformer au cours des années à venir, notamment via l'utilisation des "SAF", les carburants durables d'aviation (sustainable aviation fuel, en anglais), produits notamment à partir de matières végétales. Leur utilisation est pour le moment limitée, notamment en raison de leur coût de fabrication. "Le mirage de la décarbonation n'aura pas lieu au cours des quinze prochaines années", a affirmé Julien Bayou.
La séance, qui s'est déroulée dans une ambiance sereine malgré le caractère clivant de la mesure proposée s'est néanmoins tendue en fin de discussion, lorsque Danielle Brulebois (Renaissance) a pris la parole pour fustiger les "leçons de morale et de sobriété" données par la Nupes. "Est-ce que vous vous posez la question de votre empreinte écologique avec vos usages des réseaux sociaux ?", a-t-elle demandé, critiquant ces "tweets et retweets par milliers, futiles et inutiles si ce n'est pour transmettre des fake news ou attiser les haines". "Je n'ai plus les chiffres en tête, mais je crois que c'est largement supérieur à l'empreinte des jets privés."
"Votre intervention venait peut-être du cœur, mais pas de la tête", a rétorqué Julien Bayou, indiquant que l'empreinte carbone d'un Français était en moyenne de 10 tonnes de CO₂ par an, contre 8.000 tonnes pour les plus riches. Rejeté en commission, le texte est inscrit à l'ordre du jour de la journée de "niche parlementaire" du groupe "Ecologiste" qui aura lieu le 6 avril.