Les députés ont commencé, mercredi 22 mars, l'examen du volet sécurité du projet de loi "relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024". L'article 7 du texte examiné à l'Assemblée prévoit l'utilisation, à titre expérimental, de caméras dont les images seront analysées en temps réel par des algorithmes.
Gérald Darmanin l'a annoncé : "A situation exceptionnelle, moyens exceptionnels." Le ministre de l'Intérieur a défendu mercredi soir, lors de l'examen du projet de loi "relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024", le recours aux caméras algorithmiques.
Le texte, qui contient de nombreuses dispositions relatives à la sécurité des JO, prévoit une expérimentation, jusqu'au 31 décembre 2024, de la vidéosurveillance augmentée. Une façon, selon la majorité présidentielle, de faire face au "défi sécuritaire le plus important, le plus périlleux de l'histoire", tandis que l'opposition de gauche a dénoncé un texte qui transforme les citoyens en "cobayes".
Le projet de loi prévoit l'usage de caméras de surveillance dont les images seront analysées par des algorithmes, c'est-à-dire par une intelligence artificielle. Ces caméras pourront "détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler" des risques d'"actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes".
Elles permettront ainsi de signaler "un objet déposé, un véhicule stationné indûment, un regroupement susceptible d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité", a précisé mercredi soir la députée Anne Le Hénanff (Horizons). Le dispositif sera un "outil d'aide à la décision [pour les] forces de l'ordre", a expliqué Gérald Darmanin. Pour tenter de rassurer les opposants au dispositif, le ministre de l'Intérieur a lu aux députés la liste des "28 garanties" prévues par le texte, évoquant notamment l'"interdiction de tout rapprochement (...) avec d'autres fichiers à caractère personnel".
La loi prévoit également que les algorithmes "ne traite[ront] aucune donnée biométrique et ne mett[ront] en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale". Par ailleurs, l'emploi des algorithmes sera autorisé par décret, "après un avis de la Cnil". Il devra ensuite être "motivé par un arrêté du préfet" pour un usage sur un "événement prédéterminé".
Le dispositif sera testé avant les Jeux olympiques : "On n'est pas en mesure aujourd'hui d'identifier toutes les manifestations auxquelles cela pourrait s'appliquer, on ne sait pas si cela sera prêt au moment de la Coupe du monde de rugby (du 8 septembre au 28 octobre 2023, en France)", a toutefois précisé le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance).
"Ce texte est bardé de garanties", a affirmé Philippe Latombe (Démocrate). L'élu a défendu le dispositif, le jugeant nécessaire, notamment pour encadrer la cérémonie d'ouverture des Jeux sur les quais de Seine et afin d'éviter la survenue d'événements dramatiques comme à Séoul en octobre 2022.
Le président de la commission des lois, Sacha Houlié, a défendu le texte en prenant l'exemple de l'attentat de Nice de 2016 : "Personne n'a vu arriver le camion sur la promenade des Anglais, personne, malgré la vidéoprotection, alors que si on avait eu le traitement algorithmique, on aurait bien reconnu le comportement anormal, ce qui aurait permis d'empêcher cet attentat." Le député Les Républicains Maxime Minot a également soutenu le dispositif.
La SNCF dispose déjà de tels algorithmes qu'elle a expérimentés après un avis favorable de la CNIL. Maxime Minot
Le Rassemblement national a pour sa part critiqué la durée de l'expérimentation. Celle-ci était prévue, à l'origine, jusqu'au 30 juin 2025 : la durée a été ramenée au 31 décembre 2024 lors du passage du texte en commission. Une précaution insuffisante selon Jordan Guitton (Rassemblement national) selon lequel, "[ces expérimentations] ont lieu d'être uniquement pendant la durée des Jeux Olympiques."
Le député Les Républicains Xavier Breton, qui a défendu un amendement de suppression du dispositif, a exprimé, comme plusieurs députés de la Nupes, sa crainte de voir le dispositif pérennisé au-delà des JO.
Les députés de gauche ont quant à eux contesté cette expérimentation qui constitue, selon Sandra Regol (Ecologiste), une "dérive gravissime". Le dispositif reviendra, craint la députée, à "transformer les citoyens puis tous les touristes qui vont participer aux JO en cobayes", ajoutant que "ces algorithmes ont besoin d'être nourris par les comportements de tout le monde pour comprendre ce qui est normal."
La députée La France insoumise Elisa Martin a dénoncé une disposition qui "fait peser un risque objectif sur les libertés fondamentales", évoquant aussi une "manne" financière dont "bénéficieront" des entreprises privées. L'élue a, par ailleurs, pris l'exemple du fiasco de l'organisation de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France pour mettre en doute l'efficacité du dispositif : "Croyez-vous vraiment, en toute sincérité, qu'avec de la vidéosurveillance et une analyse algorithmique des images nous aurions pu éviter quoi que ce soit ? Ben non !"
Le député communiste Stéphane Peu a pour sa part regretté le manque de recul sur une technique encore mal connue.
C'est un peu un chemin à l'aveugle qu'on nous demande d'emprunter. Stéphane Peu (GDR)
Entamé mercredi soir, l'examen de l'article 7 du projet de loi - qui porte le dispositif - se poursuivra ce jeudi matin dans l'hémicycle.