L'Assemblée nationale examine la proposition de loi anti-squat

Actualité
par Maxence Kagni, le Mardi 29 novembre 2022 à 06:56, mis à jour le Mardi 29 novembre 2022 à 10:00

Le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian (Renaissance), a présenté lundi 28 novembre au soir sa proposition de loi "visant à protéger les logements contre l’occupation illicite". La gauche critique le texte qui organise, selon elle, un "recul du droit au logement". L'examen du texte reprendra mardi après les questions au gouvernement. 

Les députés ont commencé lundi soir, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, l'examen de la proposition de loi "visant à protéger les logements contre l’occupation illicite". Ce texte "anti-squat", présenté par le groupe Renaissance et porté par le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, est vivement contesté par l'opposition de gauche et plusieurs associations d'aide aux plus démunis. 

"Nous devons protéger [les propriétaires] contre les comportements abusifs de la part d'une minorité de locataires, qui doivent être mieux sanctionnés", a expliqué à la tribune Guillaume Kasbarian. Le député souhaite défendre "un principe fondamental que certains ont parfois tendance à oublier, le respect du droit de propriété". "Oui, la plupart des locations se passent très bien et pour elles la proposition de loi n'aura aucun impact", a indiqué l'élu d'Eure-et-Loir.

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La proposition de loi propose notamment de tripler les sanctions encourues par les auteurs du délit de violation de domicile en les faisant passer à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Elle précise aussi certaines règles de la procédure administrative d'expulsion, qui avait déjà été modifiées en 2020 dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap).

Le texte contient aussi des mesures qui concernent les relations entre propriétaires et locataires, en rendant par exemple obligatoires les clauses de résiliation dans les contrats de bail. Ces dernières servent à "provoquer la résiliation automatique du bail lorsqu’un commandement de payer est demeuré infructueux".

"Faire cesser l'affaissement de l'autorité de l'Etat"

Le texte a été soutenu lundi soir par le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, qui l'a qualifié de "réponse indispensable à ces situations qui choquent, à juste titre, nos concitoyens". La proposition de loi de Guillaume Kasbarian permettra de "faire cesser l'affaissement de l'autorité de l'Etat", a déclaré le Garde des Sceaux, qui a évoqué la situation de "petits propriétaires" qui se "retrouvent dans l'impossibilité de récupérer le fruit de leur travail et de leurs économies".

Eric Dupond-Moretti s'est néanmoins dit "réservé" vis-à-vis du dispositif qui assimile un logement temporairement vide de meubles à un domicile. "Un bien immobilier ne peut être considéré comme un domicile s'il ne comporte pas des éléments minimaux nécessaires à l'habitation", a estimé le ministre, qui a affirmé que le dispositif soulevait des "difficultés d'ordre constitutionnel, car portant atteinte au sens du délit de violation de domicile".

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Le Garde des Sceaux a aussi émis de "fortes réserves" vis-à-vis du nouvel article 1A, créé après l'adoption en commission d'un amendement du groupe Les Républicains. Celui-ci assimile à un "vol" l'occupation sans droit ni titre et de "mauvaise foi" d'un "immeuble bâti à usage d'occupation" appartenant à un tiers. "Le terme de mauvaise foi ne fait pas l'objet d'une définition en droit pénal", a notamment souligné Eric Dupond-Moretti.

De plus, "ce délit aurait également pour effet d'incriminer les locataires défaillants qui ne font l'objet d'aucune mesure d'expulsion, y compris pendant la trêve hivernale et y compris si aucune procédure d'expulsion n'a été lancée à leur encontre". La députée Annie Genevard (Les Républicains), auteure de l'amendement, a toutefois prévenu que "revenir sur cette disposition adoptée en commission avec un avis favorable du rapporteur serait un très mauvais signal".

Un texte soutenu par LR et le RN

"Ce texte est nécessaire, [mais] il n'est pas parfait", a de son côté affirmé le président du groupe Démocrate, Jean-Paul Matteï, qui a déclaré vouloir "améliorer" la proposition de loi. Les députés MoDem défendront un amendement visant à réintroduire la possibilité pour le juge d’accorder de lui-même des délais de paiement, mais aussi de suspendre la résiliation du bail.

Au-delà de la majorité présidentielle, la proposition de loi a été soutenue par le groupe Les Républicains et le groupe Rassemblement national. "Ce texte de loi s'inspire très largement d'une proposition de loi qu'avait faite Marine Le Pen sous le mandat précédent", a ainsi affirmé Jean-Philippe Tanguy (RN). L'élu a également vivement mis en cause la Nupes et ses "leçons de morale", qu'il juge "insupportables".

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La "très vive inquiétude" de la Nupes

Sur les bancs de la gauche, le texte a été durement critiqué : "Si votre loi était passée jadis, l'abbé Pierre serait en prison", a ainsi dénoncé le député La France insoumise François Piquemal. L'élu, qui défendait une motion de rejet préalable (qui a été repoussée), a estimé que le texte procédait à une "criminalisation de tous les mal-logés". Pour lui, la loi rédigée par Guillaume Kasbarian répond à la "médiatisation constante d'un épiphénomène" : "Les affaires de squat ne concernent que 0,005% des logements recensés dans ce pays, 170 affaires par an."

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Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine) a dénoncé une loi "déséquilibrée qui va aller à l'encontre des locataires et des personnes en difficulté de logement pour protéger des multipropriétaires qui font une rente de l'immobilier et de l'augmentation des loyers". Gérard Leseul (Socialistes) a, quant à lui, estimé que cette loi "représente de graves recul du droit au logement". "Cette proposition de loi est qualifiée de honteuse par toutes les organisations d'aide au logement [comme] ATD Quart Monde, le Secours catholique, le Samu social", a-t-il encore déclaré. D'autres, comme William Martinet (LFI) ou Danielle Simonnet (LFI), ont dénoncé une "machine à fabriquer du sans-abrisme".

Les députés débuteront l'examen des 246 amendements déposés sur le texte mardi 29 novembre, à l'issue de la séance des questions au gouvernement.