Législatives : la gauche en quête de rassemblement pour peser à l'Assemblée

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Affiches Roussel Mélenchon
par Soizic BONVARLET, le Mardi 19 avril 2022 à 15:39, mis à jour le Jeudi 28 avril 2022 à 16:01

À l’issue du duel opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen, la gauche aura-t-elle les moyens de peser à l’Assemblée nationale ? C’est ce qu’espère La France insoumise qui, forte du score de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle, a proposé de former une coalition avec notamment Europe Écologie-Les Verts et le Parti communiste, en vue des élections législatives des 12 et 19 juin.

Se rassembler et éviter les divisions de la présidentielle pour faire élire un maximum de députés de gauche lors des prochaines élections législatives, alors que ce scrutin est traditionnellement favorable au Président élu, c'est désormais le leitmotiv de plusieurs formations politiques. À la manoeuvre, l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième sur le podium de la course à l’Élysée à l'occasion du 1er tour, avec 21,95% des suffrages exprimés, quelques 420 000 voix derrière Marine Le Pen, et en tête dans 104 circonscriptions législatives.

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"Je demande aux Français de m'élire Premier ministre"

Mardi 19 avril, soit moins de dix jours après le 1er tour, Jean-Luc Mélenchon a repris la parole, implorant ses électeurs de rester mobilisés afin de créer, espère-t-il, les conditions d'une majorité de gauche à l'Assemblée nationale. Un "troisième tour" que l'ex-candidat à l'élection présidentielle a jugé décisif, "parce que les 11, 2 millions, peuvent devenir 12, 13, 14 millions et être le centre de gravité du pays".

"Je demande aux Français de m'élire Premier ministre", a poursuivi Jean-Luc Mélenchon, évoquant ainsi le scénario d'une cohabitation auprès du candidat vainqueur du second tour de la présidentielle, si les élections législatives qui suivaient donnaient une majorité de circonscriptions à une opposition de gauche. Une hypothèse peu probable à ce stade, car si Jean-Luc Mélenchon est de loin le candidat qui connaît la plus forte progression par rapport à 2017, Emmanuel Macron est tout de même arrivé en tête dans 256 circonscriptions de métropole et d'Outre mer, et Marine Le Pen dans 206 d'entre elles. 

Une main tendue aux partis de gauche, à quelques exceptions près

En 2017, Jean-Luc Mélenchon, déjà en tête des formations de gauche avec 19,58 % des voix récoltées au premier tour de la présidentielle, avait exclu toute possibilité d'alliance en vue des élections législatives. Dix-sept députés avaient été élus sous l'étiquette de La France insoumise, lui permettant de constituer un groupe, mais pas de peser efficacement face à la majorité et à l'opposition de droite largement dominante numériquement. D'où le changement de stratégie impulsé par l'Union populaire pour les prochaines élections législatives.

La formation de Jean-Luc Mélenchon a donc proposé au Parti communiste, à Europe Écologie-Les Verts et au Nouveau parti anticapitaliste de former une grande coalition en vue des élections législatives, dont la base serait "un programme commun partagé" établi à partir de celui du candidat de l’Union populaire à l’élection présidentielle. Cette sollicitation des Insoumis à l’endroit de ces partis a été rendue publique via trois lettres ouvertes publiées le 15 avril dernier, formulant notamment le vœu de "stabiliser et enraciner davantage encore le pôle populaire pour le rendre disponible et majoritaire aussitôt que possible, notamment pour les prochaines élections législatives", "objectif impraticable sans cohérence programmatique, unité d’action et respect mutuel".

Grand absent de cette potentielle coalition à ce stade, le Parti socialiste souhaite cependant y ajouter son nom. En regard du score historiquement faible de sa candidate, Anne Hidalgo, qui n’a récolté que 1,7% des suffrages, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, met en avant un maillage territorial qui reste important. Ce sont cependant avant tout des désaccords de fond, ayant poussé Jean-Luc Mélenchon à quitter cette formation politique dès 2008, qui expliquent aujourd’hui l’absence de main tendue du leader de l’Union populaire à l’endroit du Parti socialiste. Dans un entretien accordé à Libération le 16 avril, Olivier Faure a souhaité "passer par-dessus les rancœurs qui existent", et s’était dit prêt à "viser des candidats uniques partout où la menace de l'extrême droite existe".

La présidente du groupe de La France insoumise à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a pour sa part répondu dans un entretien au Journal du dimanche, qu'il n'y aurait "pas de discussions" avec le PS, et que ce refus était "définitif", évoquant notamment les attaques de sa candidate Anne Hidalgo vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon ainsi que "son refus à tirer un bilan lucide du quinquennat de François Hollande".

Ce refus affiché n'a pas empêché le PS de s'exprimer le 19 avril sur une motion prônant le dialogue avec La France insoumise en vue des législatives. Ainsi, 160 élus du Conseil national ont voté en faveur de cette voie proposée par Olivier Faure, quand 75 d'entre eux ont voté contre. "La fidélité aux valeurs et aux idées de Jaurès, Blum, Mauroy, Mitterrand et Jospin, pour ne parler que d’eux, n’est pas compatible avec la soumission au programme de LFI", a tweeté le sénateur du Val-d'Oise Rachid Temal.

Si le PS veut donner les preuves d'un aggiornamento quant à ses dernières années, on pourra l'écouter. Eric Coquerel

À entendre le député de La France insoumise Eric Coquerel, la porte ne semble pourtant pas définitivement fermée. En particulier vis-à-vis de ceux du PS qui souhaitent faire un pas vers l'Union populaire. "Mathilde Panot réagissait à la campagne d'Anne Hidalgo, et à l'orientation sociale-libérale du parti", explique-t-il. Plus largement, "si le PS veut donner les preuves d'un aggiornamento quant à ses dernières années, on pourra l'écouter", indique Eric Coquerel. Le député ne pense cependant pas que cela puisse constituer "le scénario le plus probable". Autre hypothèse qui pourrait concerner le Parti socialiste et d'autres, l'Union populaire, sans fusionner avec ces formations, pourrait accueillir certains courants qui les composent.

Des conditions qui pourraient faire échouer les accords d’appareil

Du côté d’Europe Ecologie-Les Verts et du Parti communiste, si plusieurs voix ont estimé souhaitable le rapprochement avec l’Union populaire, les négociations n’ont à ce jour pas encore abouti. En cause, plus que le ralliement au programme de l’Union populaire, c’est la répartition proposée des sièges de députés, au prorata des scores du premier tour de l’élection présidentielle, qui pourrait poser problème.

Le secrétaire national d'EELV, Julien Bayou, a répondu par courrier au mouvement de Jean-Luc Mélenchon, souhaitant la prise en compte des résultats de l’élection présidentielle, mais aussi "des scrutins précédents" et des "ancrages locaux respectifs". Il récuse également "un plein alignement sur le seul projet ou sous la bannière de l’un ou de l’autre". Du côté d'une partie des militants, et notamment du courant proche de l'ex-candidate à la primaire écologiste Sandrine Rousseau, nombreux sont ceux à plaider pour des alliances avec les Insoumis. Le maire de Grenoble Eric Piolle a également considéré, dans un entretien à L'Humanité, que Jean-Luc Mélenchon était en mesure de "structurer l’arc humaniste".

Le comité exécutif national du PCF a, pour sa part, évoqué "une responsabilité historique" de la gauche, "en se rassemblant (...) en visant l’obtention d’une majorité de gauche à l’Assemblée nationale, en juin prochain". Un rassemblement qui ne pourra cependant se faire que sur "une base d’accord partagé".

"Le critère numéro 1, c'est le programme", martèle Eric Coquerel, "ensuite celui des modalités de campagne". Comme pour la présidentielle, la formation conduite par Jean-Luc Mélenchon souhaite réunir un "Parlement", invitant associations, syndicats et élus à se joindre à la campagne. "Ce qu'on ne veut pas, c'est être dans une logique qui ne fasse que donner des gages à d'autres organisations en matière de répartition des places ou de finances électorales", ajoute Eric Coquerel.

Le député, déjà en campagne pour sa propre réélection dans une circonscription de Seine-Saint-Denis où Jean-Luc Mélenchon a récolté quelques 55% des suffrages, se dit "plus optimiste qu'en 2017", pour ce qui est de la participation électorale lors des élections législatives. Il voit "des nouveaux" arriver pour participer à la campagne qui vient. Il garde cependant à l'esprit qu'il s'agit plus que jamais, de préserver par une campagne de terrain, la mobilisation acquise au 1er tour de la présidentielle, les milieux populaires et de la jeunesse, qui ont souvent plébiscité l'Union populaire, ayant tendance à plus s'abstenir que le reste de la population lors des élections intermédiaires.

Pour l’heure, le NPA a donné son accord de principe à la proposition de l’Union populaire, afin de tenter de construire "une riposte unitaire", et posant comme préalable une concertation "en toute indépendance par rapport aux organisations de la gauche sociale-libérale, en particulier le Parti socialiste". Génération.s, le mouvement fondé par l'ex-socialiste Benoît Hamon, qui s'était rallié à Yannick Jadot lors du dernier scrutin, a qualifié dans un communiqué l'appel au rassemblement de Jean-Luc Mélenchon de "bonne nouvelle". Il a également jugé que le fait qu'un éventuel gouvernement de cohabitation "soit dirigé par le candidat de l’Union populaire, est légitime au regard du résultat de l’élection présidentielle".

Eric Coquerel indique que tout devra être conclu d'ici la fin de la semaine prochaine, si les conditions d'un accord avec d'autres formations de la gauche émergent. Des réunions ont déjà lieu, et si le député estime que pour l'instant, les réponses ne sont pas "complètement satisfaisantes", une issue conclusive semble se dessiner. Pour ce qui est des trois parties constituées par l'Union populaire, EELV et le PCF, les négociations auraient en effet des chances d'aboutir d'ici 10 jours. Selon les informations de nos confrères de l'AFP, le Parti communiste souhaiterait "un accord partiel", alors que les écologistes consentiraient finalement à l'accord national proposé par l'Union populaire dans sa globalité. Les rencontres multilatérales entre toutes les formations concernées auront lieu la semaine prochaine.