La commission du développement durable de l'Assemblée n'a pas voté la proposition de loi de Matthieu Orphelin (Ecologie Démocratie Solidarité), qui visait à interdire progressivement les publicités pour certains produits polluants, comme les véhicules "malussés" ou certains trajets en avion.
"On réoriente la pub, on ne la supprime pas." Matthieu Orphelin a défendu mercredi matin en commission du développement durable sa proposition de loi "actant de premières mesures pour faire de la publicité un levier au service de la transition écologique et de la sobriété et pour réduire les incitations à la surconsommation".
Ce texte, surnommé par le député "Loi Evin Climat", comprend trois articles : il est étudié à l'occasion de la "niche parlementaire" du groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS). Cette loi propose notamment une interdiction progressive des publicités dans certains secteurs, sur les produits les plus polluants.
Rejeté en commission, le texte de l'élu du Maine-et-Loire sera examiné en séance publique, dans l'hémicycle, le 8 octobre.
En commission, Matthieu Orphelin a indiqué vouloir "favoriser une évolution du modèle publicitaire pour le rendre compatible avec la transition écologique et même proactif".
Selon différentes études, nous sommes exposés quotidiennement à entre 1.200 et 2.200 publicités. Matthieu Orphelin
Puisque la publicité a une "influence majeure sur nos vies", le député propose dans l'article 1er du texte une "formation des acteurs de la publicité, de la communication et du marketing aux enjeux liés à la préservation de l’environnement".
Mercredi matin, il a même défendu, en vain, un amendement visant à "inciter toutes les formations de l’enseignement supérieur à intégrer cette dimension dans leur formation".
Le texte veut également interdire les nouveaux "écrans vidéo publicitaires". Une proposition critiquée par Aude Luquet (MoDem) qui estime que cette disposition contreviendrait au principe de libre administration des collectivités locales, ou encore par Sophie Auconie (UDI et indépendants), qui dénonce les risques d'une économie "suradministrée". L'initiative est, en revanche, jugée "salutaire" par Hubert Wulfranc (PCF).
L'article 2 du texte propose une "régulation progressive de la publicité sur les différents produits et services les plus polluants". Cette régulation doit être précisée par décret. Mais dans l'exposé des motifs de sa proposition, Matthieu Orphelin prône, par exemple, une "interdiction dès 2022 de la publicité pour les véhicules malussés".
Le député EDS plaide ensuite pour une montée en puissance des interdictions : d'abord pour "les véhicules émettant davantage de gaz à effet de serre que le seuil européen fixé aux constructeurs automobiles", puis pour tous les véhicules essence et diesel. Enfin, au bout de 10 ans au plus tard, les publicités ne seraient admises que pour les seuls véhicules "propres".
Autres interdictions progressives souhaitées et énoncées dans un amendement : "Les (publicités pour les) produits électroménagers fortement consommateurs d’énergie, les liaisons aériennes domestiques et internationales pour lesquelles il existe une alternative ferroviaire de moins de 4h30".
La proposition de Matthieu Orphelin a été critiquée par le député Les Républicains Jean-Marie Sermier : elle risque selon lui de "déséquilibrer" plusieurs filières, comme les "médias indépendants" et les "radios indépendantes". L'élu LR estime que ce texte, "qui a sans doute un intérêt sur le long terme (...) doit d'abord être négocié".
Même tonalité du côté de Sophie Auconie (UDI et indépendants), qui craint de "pénaliser des secteurs entiers avant même de leur proposer des alternatives".
Il faut prendre le citoyen pour quelqu'un qui est capable de faire ses choix. Paul Molac (Libertés et Territoires)
Aude Luquet (MoDem) a, elle aussi, critiqué le dispositif, affirmant qu'il était impossible "de procéder à des interdictions pures et simples pour certaines catégories de produits sauf en cas de problèmes de santé publique, comme pour le tabac".
Le député La France insoumise Loïc Prud'homme juge, quant à lui, la proposition de Matthieu Orphelin "illusoire". "Nous n'avons pas dix ans devant nous pour changer nos habitudes de consommation", estime l'élu LFI, qui a défendu un amendement visant à interdire toute publicité commerciale dans l'espace public.
Regrettant un manque d'étude d'impact pour un texte qui n'est "pas abouti sous cette forme", la députée La République en marche Véronique Riotton n'a pas pris la défense de la proposition de loi.
"Est-ce que nous avons encore besoin d'études d'impact pour dire que nous avons besoin de réguler la publicité pour la santé publique et le climat ?", a réagi Dominique Potier (Socialistes et apparentés), qui a soutenu le texte.
Véronique Riotton a mis en avant le travail de la Convention citoyenne pour le climat, dont 40% des propositions doivent transposés dans la loi.
"Pourquoi court-circuiter ce processus démocratique ?", s'interroge l'élue, alors que le Premier ministre Jean Castex a rencontré mercredi des membres de la Convention citoyenne à Matignon.
Une rencontre qui intervient le même jour que la publication d'une tribune dans Le Monde. Signée par Matthieu Orphelin et le maire de Grenoble Eric Piolle, cette tribune intitulée "Semaine après semaine, les mesures fortes de la Convention pour le climat sont abandonnées", accuse le gouvernement de "détricotage".