A l'issue d'une déclaration du gouvernement et d'un débat sur la lutte contre le narcotrafic, ce mercredi 17 décembre, les députés ont approuvé la stratégie exposée par Sébastien Lecornu et plusieurs ministres par 394 voix "pour" et 61 "contre". Que retenir du débat qui a eu lieu dans l'hémicycle du Palais-Bourbon ? L'essentiel en cinq points.
Le gouvernement et l'ensemble des députés se sont accordés sur le constat d'une hausse de la consommationet du trafic de stupéfiants, ainsi que de la criminalité liée au narcotrafic. "Ce fléau constitue un véritable défi de société", a déclaré Sébastien Lecornu en préambule de la discussion. Le Premier ministre a ensuite rappelé l'ampleur du phénomène : "Le trafic de drogue est estimé à 6,8 milliards d'euros en 2025, soit trois fois plus qu'en 2010 et touche désormais l'ensemble du territoire, des toutes petites communes rurales aux territoires ultramarins, en passant par les centre urbains".
Les députés se sont eux aussi inquiétés de cette augmentation croissante. "Le narcotrafic n'est plus une délinquance parmi d'autres, c'est une contre-société, organsiée, violente, qui tente d'imposer sa propre loi", s'est émue Delphine Lingemann (Les Démocrates). Si le phénomène n'est pas nouveau, les trafics "se sont internationalisés et structurés, pour devenir l'une de principales menaces auxquelles ait à faire face notre pays", a appuyé Agnès Firmin Le Bodo (Horizons). Ils ont aussi fait part de préoccupations spécifiques, tel "le durcissement de la délinquance juvénile" (Eric Pauget, Droite républicaine) ou "l'arrivée du fentanyl en France" (encore Agnès Firmin Le Bodo, Horizons).
Les ministres Stéphanie Rist (Santé), Jean-Pierre Farandou (Travail) et Edouard Geffray (Education nationale) ont, quant à eux, longuement insisté sur la nécessité d'améliorer la prévention. "Chaque Français doit connaître les risques", a déclaré Stépahnie Rist, rappelant que "la consommation de cannabis multiplie par deux la survenue de psychoses". Elle a également annoncé "une grande campagne nationale de prévention au premier trimestre 2026".
Si les députés ont partagé ce souhait de sensibiliser davantage les consommateurs, certains élus de gauche ont souligné que cette politique devait s'accompagner de mesures sociales et d'insertion. "Quand allez-vous comprendre que, dès lors que l'Etat social recule, la misère progresse ?", a interpelé Sébastien Delogu (La France insoumise). "L'abandon des services publics, la fermeture des centres sociaux, la désertification médicale, créent des zones de relégation où le trafic devient un pourvoyeur d'emploi et de revenu", a-t-il affirmé.
Les réponses à apporter au narcotrafic ont fait objet de davantage de débats. Le gouvernement a annoncé, ou confirmé, plusieurs mesures parmi lesquelles la mise en place du statut de repenti avant la mi-janvier 2025, le rehaussement de l'amende sanctionnant les consommateurs de 200€ à 500€, le recrutement de 700 enquêteurs et 850 agents de détention supplémentaires, ou encore un alignement des réductions de peines et du régime de la libération conditionnelle des narcotrafiquants sur celui des terroristes.
"La France est en train de perdre [la] guerre", s'est alarmé le président du groupe Union des droites pour la République, Eric Ciotti. Appelant à une plus grande fermeté face au narcotrafic, il s'est prononcé pour la création de places de prison et l'imposition de peines minimales. Par la voix de Michaël Taverne, le Rassemblement national s'est, lui, prononcé pour "expulser les délinquants étrangers condamnés pour trafic de stupéfiant".
De l'autre côté de l'hémicycle, les députés de gauche se sont inquiétés de réponses qui seraient "uniquement sécuritaires", ainsi que l'a formulé Davy Rimane (Gauche démocrate et républicaine). "Il nous faut certes frapper fort, frapper juste et frapper durablement, mais veiller fermement au respect de l'Etat de droit qui garantit la sécurité sans sacrifier les principes qui fondent notre démocratie", a mis en garde Roger Vicot (Socialistes), évoquant notamment "l'évolution débridée des technologies de surveillance".
Co-rapporteur de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, adoptée en avril dernier, il a plaidé pour une "grande loi de prévention" ainsi qu'une "convention citoyenne de lutte contre le narcotrafic". "Nous n'éviterons pas un débat de fond sur la question complexe de la légalisation ou de la dépénalisation du cannabis", a enfin estimé Roger Vicot.
"Couper l'argent c'est couper le moteur du narcotrafic", a déclaré la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui a annoncé le renforcement de la lutte contre le blanchiment, la saisie avoirs criminels et des capacités de contrôles douaniers.
Cette volonté de "taper au portefeuille" a été largement approuvée par les députés, qui ont, eux aussi, formulé plsuieurs propositions. Pouria Amirshahi (Ecologiste et social) a ainsi défendu le "création d'un état-major dédié et d'un parquet national spécialisé" dans la lutte contre le narcotrafic. Il a également préconisé de mieux cibler les têtes de réseaux. "Vous choisissez toujours de taper sur la petite délinquance dont la main d'oeuvre sera inépuisable tant que les chefs auront les moyens d'agir", a-t-il regretté.
De son côté, Christine Lingemann (Les Démocrates) a proposé d'"instaurer une procédure d'injonction pour richesse inexpliquée, quand le train de vie d'un individu ne correspond pas à ses revenus" et de systématiser la "présomption de blanchiment". Vincent Caure (Ensemble pour la République) a quant à lui annoncé le lancement mission d'évaluation pour "une loi Narcotafic 2", afin notamment de mieux "poursuivre les commanditaires situés à l'étranger".
Enfin, la discussion a aussi porté sur la situation des territoires ultramarins, qui sont "souvent exposés en premier, car ils sont traversés par les grandes routes internationales de la drogue", a exposé la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou. Et d'ajouter qu'une grande partie de la lutte contre narcotrafic s'effectue dans ces territoires qui "protègent ainsi l'Hexagone".
Le trafic de stupéfiants "s'y manifeste avec une intensité accrue, avec un chômage plus élevé, une pauvreté plus massive, des services publics plus fragiles. Les Outre-mer ne sont pas des exceptions, ils agissent comme un effet loupe des dysfonctionnements nationaux", a pointé Davy Rimane (Gauche démocrate et républicaine). Le député de Guyane dénoncé une "justice sous-dotée, des délais incompatibles avec la gravité des faits et une perte de crébilité de l'institution judiciaire", demandant que davantage de moyens soient attribués à la lutte contre le narcotrafic dans ces territoires.
A l'issue du débat, la déclaration du gouvernement sur "la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée" a été approuvée par les députés par 394 voix "pour", 61 "contre", et 2 abstentions (détail du scrutin à consulter ici).