Pendant près de quatre heures, la présidente-directrice générale de Radio France, Sibyle Veil, a été auditionné, ce mercredi 17 décembre, par la commission d'enquête "sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public". L'occasion notamment de revenir sur les questions de pluralisme et sur l'affaire Thomas Legrand, dont des propos enregistrés à son insu, ont servi de déclencheur à cette commission d'enquête.
Après Delphine Ernotte pour France Télévisions, c'était au tour de Sibyle Veil, la présidente-directrice générale de Radio France, d'être auditionnée, à l'Assemblée nationale, par la commission d'enquête "sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public". Pendant près de quatre heures, elle a répondu aux questions du rapporteur Charles Alloncle (Union des droites pour la République), du président Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) et des députés de la commission. "Je constate une distorsion entre la réalité de ce que nous produisons tous les jours et l'image qui est envoyé en ce moment de l'audiovisuel public", a déclaré Sibyle Veil dans son propos introductif (voir vidéo en tête d'article).
En septembre, la diffusion d'extraits d'une conversation, captée à leur insu, entre les journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen et deux responsables du Parti socialiste avait amené le président du groupe UDR, Eric Ciotti, à demander la création de cette commission d'enquête, Ce mercredi, le sujet a donc occupé une grande partie des échanges avec la présidente-directrice générale de Radio France, longuement interrogée sur cette affaire par le rapporteur Charles Alloncle.
"On a fait dire beaucoup de choses à cette vidéo, mais le soupçon de complot politique, avouez-le avec moi, ne tient pas", a expliqué Sibyle Veil, parlant de "l'émoi" et des "fantasmes" suscités. Elle est également revenue sur les différents contrats liant Thomas Legrand à Radio France : "Il a démissionné de la rédaction de France Inter en 2022 [où il était éditorialiste politique depuis 2008]. Depuis, il a eu différents types de contrats de grille (...). Depuis le 31 août, il n'a plus de contrat."
A plusieurs reprises, la patronne de Radio France a répété qu'"on ne peut pas dire que Thomas Legrand emportait France Inter, sa ligne éditoriale lors [du] rendez-vous [hebdomadaire détaché de l'actualité qu'il avait encore sur la station], ce n'est pas exact". "Cette confusion a été beaucoup entretenue, laissant croire que Thomas Legrand pouvait avoir une influence sur la ligne éditoriale de France Inter", a-t-elle ajouté.
Sibyle Veil a aussi évoqué le cas de Patrick Cohen : "Dans cette vidéo, il ne dit rien, il ne souscrit pas aux propos de Thomas Legrand, il est silencieux. Il n'y a pas de raison de tirer de cette vidéo autre chose que ce silence." Elle a toutefois indiqué que l'ensemble des chroniques du journaliste de l'année 2025 avaient été contrôlées et "aucune [n'a] attesté que Patrick Cohen essaierait dans la campagne des municipales ou à l'égard de Madame Dati d'avoir une démarche nocive quelconque".
S"appuyant sur deux études récentes, le rapporteur Charles Alloncle (UDR) a également questionné Sibyle Veil sur le manque de pluralisme dont ferait preuve, selon lui, France Inter. "Comment expliquer cette forte coloration politique des auditeurs ?", a demandé le député, citant notamment une enquête de l'Ifop pour l'hedomadaire Marianne selon laquelle "70% des auditeurs de France Inter ont voté à gauche". Ou encore une autre publiée dans Le Figaro qui classe 60% des chroniques de France Inter à gauche.
"Est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'il y a une patine politique assez affirmée sur vos ondes ?", a renchéri Charles Alloncle, parlant d'une "forme de domination politique socialiste ou macroniste". "France Inter n'est ni de droite, ni de gauche", a répliqué Sibyle Veil.
Sur la question du pluralisme, elle a également annoncé la création d'un "baromètre du pluralisme", "construit comme un outil de pilotage et d'amélioration interne". La première version sera publiée ce vendredi et donnera "une vision sur un mois complet de la diversité des invités et des thèmes traités". "Nous pouvons voir s'il y a une faille sur un thème, dans la diversité des intervenants sur un sujet donné, et montrer si l'équilibre a été présent ou pas", a complété Sibyle Veil. "Mon sujet est d'objectiver ces débats et de sortir d'une appréciation polarisée", a-t-elle encore précisé.
A propos de l'intelligence artificielle, Sibyle Veil a dit estimer qu'il y avait "un risque" aujourd'hui qu'elle "facilite la désinformation". "Nous voulons en faire un outil au service de la lutte pour l'information et pour l'information de confiance", a déclaré la patronne de Radio France. "S'il y a un bien une grande cause nationale derrière laquelle nous devrions tous nous retrouver, c'est la lutte contre la désinformation permise par l'expansion de ces outils d'intelligence artificielle", a-t-elle poursuivi.