Plan d'économies de Renault : "Nous n'aurons pas beaucoup d'autres chances", assure son PDG

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par Jason Wiels, le Jeudi 11 juin 2020 à 11:57, mis à jour le Vendredi 12 février 2021 à 10:34

Entre ventes en berne et concurrence chinoise, le groupe automobile français est en danger. Son patron, Jean-Dominique Senard, l'a dit lui-même aux députés de la commission des affaires économiques qui l'ont auditionné ce jeudi. Plus de 4000 emplois sont menacés et l'État va garantir un prêt de 5 milliards d'euros pour éviter le pire.

Renault peut-il disparaître ? Déjà en difficulté avant la crise épidémique, le groupe qui misait sur une augmentation de ses parts de marché se trouve confronté à gérer la surproduction de ses usines, alors que ses ventes ont été stoppées net pendant plusieurs mois. Résultat, le groupe au losange a annoncé un plan d'économies drastique de 2 milliards d'euros sur trois ans et envisage 15 000 suppressions de postes dans le monde, dont 4 600 en France.

"Corona-washing" ?

Alors que l'État, propriétaire à 15% du constructeur automobile, va garantir un prêt bancaire de 5 milliards d'euros, Jean-Dominique Senard est venu rendre des comptes devant les députés : "Ce prêt sera remboursé. Ce sera un honneur du groupe Renault que de pouvoir rembourser ce prêt bancaire sans avoir à utiliser un euro du contribuable français", a assuré d'emblée le PDG du groupe.

Pour en arriver là, il promet qu'il n'y aura "aucune souffrance sociale" :

Ce dont doutent plusieurs députés, qui l'ont interpellé sur le cas du site de Choisy-le-Roi, qui devrait fermer ses portes. "Ça s'appelle de l'anticipation, le site de Choisy est trop petit aujourd'hui pour la croissance de son activité", a répondu Jean-Dominique Senard alors que les 260 salariés spécialisés dans rénovation et le reconditionnement de moteurs et boîtes de vitesses se verront proposer un poste à Flins (Yvelines) à 60 km.

D'autres élus, comme Delphine Batho (EDS) et Nicolas Turquois (MoDem), ont reproché à Renault de profiter de la crise du Coronavirus pour mettre au jour des problèmes plus anciens. "Les syndicats que nous avons auditionnés considèrent que Renault fait du 'Corona-washing'", a pointé l'ancienne ministre de l'Écologie.

L'entreprise française a-t-elle mis la poussière sous le tapis ? Il n'en est rien selon son PDG, qui promet que le prêt garanti par l'État sera utilisé pour "sortir de cette situation délicate" :

Un tissu industriel en souffrance

Le vacillement de Renault pourrait aussi mettre en danger ses fournisseurs français, auprès de qui le groupe passe pour 6 milliards d'euros de commandes chaque année. Certains connaissaient déjà des problèmes structurels bien avant cette année, ce qui fait regretter le PDG de Renault (entré en fonction en janvier 2019 après l'affaire Carlos Ghosn) de ne pas les avoir aidé plus tôt à gérer leur transition :

Contraint de se réinventer, le constructeur devrait toutefois éviter de nouvelles délocalisations : "Dans le plan annoncé, aucun véhicule ne quitte la France", souligne Jean-Dominique Senard. Il promet même le rapatriement de certaines productions, comme celle d'un moteur électrique prévue en Chine et rapatriée en France.

La multiplication par quatre d'ici à 2024 de sa production de voiture électrique est également censé donné des perspectives à l'entreprise et à ses salariés, pour un volume de véhicules d'environ 250 000 unités.

Renault avalé par la compétition mondiale ?

Mais pour le numéro 1 du groupe, qui cédera les rênes en septembre à l'actuel directeur général Luca de Meo, la seule vraie planche de salut du groupe sera d'être compétitif. "J'avais parlé du tsunami électrique chinois... [Leurs voitures] ne seront pas chers et, autre 'problème', seront relativement au point", prévient-il. 

L'objectif est donc d'avoir des "usines pleines comme des œufs", afin de se hisser au même niveau que la concurrence. Un pari vital martèle le PDG (voir vidéo en une) :

"Il ne faut pas rater cette étape car on en n'aura pas 36. Je ne suis pas sûr que nous aurons droit à beaucoup d'autres chances."Jean-Dominique Senard, le 11 juin 2020 à l'Assemblée nationale

>> Revoir l'audition du PDG de Renault en intégralité