Quand les députés bousculent les opérateurs télécoms...

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par Vincent Kranen, le Mercredi 13 mars 2019 à 19:07, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 21:21

Les quatre principaux opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) étaient conviés, mercredi matin, à une table-ronde de la commission des Affaires économiques pour dresser un premier bilan du plan de 'New deal numérique' annoncé en décembre 2017 par le gouvernement. Un objectif ambitieux prévoyant 100% de très haut débit d'ici 2022, mais qui tarde encore à se concrétiser sur tout le territoire...

Les députés ne se sont pas mis à fredonner du Gianni Ferrio en commission des Affaires économiques, même si certains ont, semble-t-il, cru entendre les "Paroles, paroles" des opérateurs mobiles... Promis juré pourtant, selon le président de la Fédération française des télécoms (Orange, SFR et Bouygues), les zones blanches et grises s'effaceront en France métropolitaine d'ici à 2022.

Le 13 janvier 2018, le gouvernement avait annoncé avoir conclu un "accord historique", selon les mots du secrétaire d’État Julien Denormandie, avec les quatre opérateurs Orange, SFR, Bouygues et Free. Objectif : la généralisation de la 4G pour les téléphones mobiles. Pour cela, l'Etat a renoncé à lancer une mise aux enchères de ses fréquences - une économie d'au moins 3 milliards d'euros pour les opérateurs -, en échange de l'engagement de ces mêmes entreprises à accélérer la finalisation de la couverture 4G


 

"Il faut vraiment être fiers collectivement de ce 'New Deal'. Première fois qu'un Etat renonce au produit immédiat des enchères pour investir dans la couverture des territoires dans la durée."Maxime Lombardini, président du conseil d'administration d'Illiad-Free

Des députés pas convaincus

Face aux promesses et aux gages des quatre représentants des opérateurs, les députés de territoires ruraux ont très vite fait part de leur mécontentement. "Cette attente très forte, en particulier du monde rural, vous êtes bien au courant qu’il y a toujours une grande insatisfaction et que le 'New Deal' n’est pas perceptible des citoyens ?, interpelle la députée d'Eure-et-Loir Laure de la Raudière. J’appelle à votre attention le fait qu’on a besoin de BEAUCOUP plus de transparence par département sur la déclinaison du 'New Deal'."

Des difficultés qui touchent les habitants des circonscriptions des parlementaires, et bien souvent les députés eux-mêmes dans leur quotidien. "On entend parler dans le pays de 5G quand certains n’ont pas encore accès correctement à la téléphonie et au numérique mobile, s'indigne le député d'Ille-et-Vilaine Thierry Benoit (UDI, Agir et Indépendants). Moi je le dis, je le crie, je le hurle, la situation dans le territoire où je vis s’est dégradée ! Vos responsables locaux de chez Orange veulent venir me voir, je ne veux plus les voir ! Je veux des résultats. Nous voulons des résultats !"


 

Les opérateurs plaident leur bonne volonté

Pressés par les députés, les opérateurs répliquent, légèrement agacés. "Je me permets de vous rappeler très humblement que les opérateurs mobiles sont porteurs du 1er chantier d’infrastructures dans ce pays !", assène le directeur général adjoint de Bouygues Telecom Didier Casas.

Mis sur le grill, les opérateurs télécoms rappellent aux députés que l'électrification des campagnes françaises a duré 70 ans, et que pour la téléphonie mobile cela ne fait qu'une vingtaine d'années... "Personne ! Aucune entreprise, pas plus EDF Monsieur le député qu’aucune autre, n’investit davantage dans les infrastructures françaises aujourd’hui. Nous investissons plus de 9 milliards d’euros par an", défend le président de la Fédération Française des Télécoms.

Plusieurs fois mis en cause par des députés, le représentant d'Orange (ex-France Telecom) a rappelé à plusieurs reprises que les opérateurs n'étaient que prestataires de services. Ni Orange, ni SFR, ni Bouygues, ni Free, ne décident de l'installation d'antennes-relais 4G. C'est à travers 'un dispositif de guichet' que les collectivités et le ministère fixent les emplacements des nouveaux émetteurs, selon les desiderata des collectivités locales. Très difficile pour eux, de facto, d'avoir la possibilité de prévoir à long terme les installations à venir dans les départements. De même, selon Orange, l'arrivée du quatrième opérateur Free aurait retardé le comblement des zones blanches et grises du fait d'un environnement devenu plus concurrentiel.

2022 ou... 2027 ?

Une déclaration d'un opérateur a néanmoins provoqué l'inquiétude des députés en évoquant "2027" comme année où le très haut débit mobile serait généralisé sur la France métropolitaine. Certains députés craignaient déjà un retard de plus de cinq années dans la mise en œuvre du 'New Deal'. Les opérateurs ont répondu s'être engagés pour 2022 au très haut débit mobile dans toutes les zones "habitées", et d'ici 2027, pour tous les sentiers très fréquentés mais sans habitations. Pour ces chemins de campagne, il faudra attendre encore huit années supplémentaires. Et pour les Outre-Mer, aucun plan n'a encore été défini.

Atteindre le très haut débit partout dans les zones habitées de France métropolitaine, et à trois années de l'objectif fixé, semble donc un horizon atteignable pour les opérateurs, même s'il risque assurément de subsister des trous dans la raquette numérique mobile et en fibre optique françaises. L'Etat pourrait alors prendre des sanctions même si le site internet Bastamag a révélé le contenu de "l'accord" entre les opérateurs et l'Etat où finalement ces derniers ne seraient que "susceptibles" de tenir leurs engagements. Une formulation moins contraignante, même si les opérateurs vont bien devoir honorer leurs déclarations autrement que par des mots, les mêmes mots, toujours des mots...