Réforme des institutions : Yaël Braun-Pivet à la rencontre des Français pour répondre au "malaise démocratique"

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par Soizic BONVARLET, le Lundi 15 mai 2023 à 18:55, mis à jour le Mardi 16 mai 2023 à 09:09

Référendum, proportionnelle, article 49.3... Après la Bretagne au début du mois, la présidente de l'Assemblée nationale s'est rendue aux Mureaux (Yvelines) dans le cadre d'une série de rencontres citoyennes sur la réforme des institutions. En parallèle, Yaël Braun-Pivet va entamer un cycle de réunions sur le sujet avec les présidents des groupes politiques de l'Assemblée.

Nourrir sa réflexion et irriguer le travail parlementaire sur la réforme des institutions de ses échanges avec les citoyens :  c'est l'objectif affiché de la présidente de l'Assemblée nationale qui a entamé au début du mois, en Bretagne, une série de rencontres citoyennes sur le sujet. Pour la deuxième étape de ce tour de France, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), était dans les Yvelines, aux Mureaux, vendredi 12 mai. "Parlons démocratie", peut-on lire sur l'invitation distribuée aux habitants, qui indique sans caractère limitatif les thèmes déployés lors de ces rencontres hebdomadaires qui auront lieu jusqu'à la mi-juillet : "Faut-il organiser davantage de référendums ? Favoriser le vote à distance ? Limiter le nombre de mandats dans le temps ? Pour ou contre la proportionnelle ?"

Parallèlement, la présidente de l'Assemblée lance, ce mercredi 17 mai, un cycle de réunions avec les présidents des groupes politiques du Palais-Bourbon dans le cadre de la réflexion qu'Emmanuel Macron a demandé à Yaël Braun-Pivet et à son homologue du Sénat, Gérard Larcher, de mener au sujet de la réforme des institutions que le président de la République veut présenter dans les prochains mois. 

Aux Mureaux, dans son département d'élection, elle tente de convaincre les habitants qui ont répondu présents en ce vendredi après-midi de l'importance de cette rencontre avec eux dans la séquence qui s'ouvre. "La politique, les politiques se construisent avec les gens. J'ai besoin d'avoir ces échanges pour savoir si je suis à côté de la plaque, ou si je vais dans le bon sens", explique-t-elle à la centaine de personnes rassemblées au pôle éducatif Molière.

"Pour ou contre la proportionnelle ?"

Habituée à annoncer l'ordre du jour des séances qu'elle préside, la première femme à occuper le Perchoir au Palais-Bourbon n'hésite pas à lancer le débat sur les premiers thèmes. Debout, entre le maire et le préfet, elle interroge l'assemblée : "Est-ce que vous pensez qu'il faudrait baisser le nombre de parlementaires ? (...) Que pensez-vous du vote obligatoire ? (...) Sur le principe de la proportionnelle, qui est pour ?" Si une majorité de la salle lève la main en réponse à cette dernière question, une habitante demande cependant à la députée plus de précisions afin de pouvoir se prononcer. Yaël Braun-Pivet s’exécute, avant de conclure que "la proportionnelle garantit plus de pluralisme politique".

La salle est de nouveau invitée à lever la main. Un seul habitant se prononce contre la proportionnelle. "À l'Assemblée nationale pour trouver une majorité, c'est plus compliqué", répond-il à la députée qui lui demande ce qui a motivé son choix. Sans lui donner tort, elle relativise cet aspect par le fait que, malgré une élection au scrutin majoritaire, l'Assemblée actuelle n'a pas de majorité absolue. Elle fait part de la possibilité d'un scrutin mixte, pour donner la possibilité à une majorité d'émerger tout en garantissant une meilleure représentation, évoquant "l'une des réponses possibles au malaise démocratique".

Quand je me suis engagée en politique, il y a six ans, on parlait déjà d'un lien qui se distendait entre Les politiques et Les Citoyens, d'une perte de confiance. Naïvement, on s'est dit que Par une action différente, on allait pouvoir retisser ce lien. Et L'ON VOIT que nous n'avons pas réussi. Yaël Braun-Pivet

"Certains proposent un bouleversement total et une Sixième République, je ne fais pas partie de ceux-là", souligne cependant la présidente de l'Assemblée nationale, dans une référence implicite à Jean-Luc Mélenchon, dont le score a atteint 60% aux Mureaux lors du premier tour de la dernière élection présidentielle. Ne pas renverser la table, mais assurer aux citoyens une meilleure participation dans les grandes décisions qui concernent le pays, c'est ce qui semble se dessiner dans les propositions que Yaël Braun-Pivet n'hésite d'ores-et-déjà pas à formuler : "La confiance, cela va dans les deux sens. Je crois profondément qu'il faut davantage pratiquer le référendum", indique-t-elle notamment. 

Renouer le fil de la confiance distendu depuis longtemps déjà, alors que la réforme des retraites est encore dans tous les esprits... Un défi qui s'annonce de taille. Au cours des échanges, un muriautin évoque une réforme faite "dans des conditions qui mettent à mal la démocratie". "Je pense que le 49.3 c'est à peu près l'équivalent de l'édit royal d'il y a 300 ans", poursuit-il, avant qu'une jeune femme n'abonde dans le même sens, considérant que la confiance ne saurait être restaurée qu'en supprimant cette possibilité que la Constitution offre au gouvernement. Un autre homme, qui dit se sentir "trahi", considère que "tout a été fait pour se faire voler le pouvoir" et que "tout ce qui est légal n'est pas forcément démocratique".

"Je ne fais pas le lien entre la confiance et le 49.3", déclare Yaël Braun-Pivet en réponse aux interpellations. "Sauf que 70% des Français ne veulent pas de la réforme des retraites", rétorque l'un des habitants.

Un peu plus tôt dans l'après-midi, lors d'un échange avec des jeunes impliqués dans les dispositifs citoyens mis en place par la ville, la question du 49.3 avait déjà émergé. "Ce n'est pas un drame de l'utiliser" avait alors considéré Yaël Braun-Pivet, arguant de la nécessité de "dédiaboliser" un outil permettant de "vaincre l'immobilisme". Et de réaffirmer ce qu'elle estime être sa responsabilité première au sein de la majorité et à la présidence de l'Assemblée : "aller chercher le compromis".

"Démocratie implicative, participative, représentative"

À l'Oseraie Bridge Club, dans une ancienne maison de villégiature cossue en bord de Seine, Yaël Braun-Pivet rencontre une cinquantaine de personnes, dont les membres du Conseil municipal des enfants, ainsi que des jeunes du Service civique. Pendant que la députée des Yvelines prend des notes, François Garay, le maire divers gauche des Mureaux, fait la promotion de la "démocratie implicative" qu'il a édifiée dans sa ville au travers de consultations, d'une boîte à idées et d'un budget entièrement dédié à la mise en œuvre des projets des habitants.

Un concept qui semble entrer en résonance avec la méthode que la présidente de l'Assemblée nationale s'est proposée d'appliquer pour sa contribution à la réforme des institutions souhaitée par Emmanuel Macron et qui, elle le martèle, "ne peut se faire sans les citoyens". "Notre grand défi, c'est comment on articule davantage la démocratie implicative, participative, représentative", affirme Yaël Braun-Pivet qui estime que "mieux participer" est aujourd'hui une "vraie aspiration" de la population.

Lors de cet échange avec les citoyens en herbe du Conseil municipal et les jeunes engagés du Service civique, l'un d'eux évoque l'agitation qui a parfois eu lieu dans l'hémicycle depuis le début de la législature, en particulier lors des débat sur la réforme des retraites. Yaël Braun-Pivet l'explique par une Assemblée qui "aujourd'hui, représente les Français dans la complétude de leurs opinions politiques". "L'agitation, c'est le résultat de l'élection. Et l'élection dans une démocratie, c'est sacré", poursuit-elle, tout en admettant qu'il peut s'avérer "difficile" de présider certaines séances.

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Yael Braun-Pivet à l'Oseraie Bridge Club des Mureaux, le 12 mai 2023
Yaël Braun-Pivet avec le maire DVG des Mureaux, François Garay, et de jeunes "engagés" dans la vie civique. 

Interrogée sur son parcours, la présidente de l'Assemblée rappelle qu'elle a été élue députée pour la première fois en 2017, que "ça ne fait pas si longtemps", et souligne que c'est d'abord un engagement associatif, notamment au sein des Restos du coeur, qui lui a donné envie d'entrer en politique. "Présidente de l'Assemblée nationale c'est déjà énorme, mais est-ce que vous comptez monter en grade ?", interroge l'une des jeunes arborant une écharpe tricolore. Une question qui fait rire Yaël Braun-Pivet, quand François Garay fait remarquer qu'elle est déjà quatrième personnage de l’État. "Vous voulez que je monte sur le podium, c'est ça ?", s'exclame la présidente de l'Assemblée, avant de se dire concentrée sur le présent : "Je ne fais pas de plan, et peut-être que si j'en faisais, ils ne se réaliseraient pas. Je ne m'imaginais pas être présidente de l'Assemblée nationale il y a dix ans, ni il y a cinq ans, ni même il y a un peu plus d'un an".

Pour l'heure, Yaël Braun-Pivet veut faire le lien entre ses rencontres sur le terrain avec les Français et le travail qu'elle s'apprête à mener avec les présidents des groupes politiques du Palais-Bourbon sur l'évolution des institutions. Un cycle de réunions, qui commencera mercredi, organisé autour de cinq thématiques : la question des mandats, les modalités de la participation citoyenne, la justice, l'organisation territoriale et l'équilibre des pouvoirs.