Le projet de loi constitutionnelle relatif à "la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse" sera examiné demain, mercredi 24 janvier, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Réviser la Constitution est une procédure complexe, destinée à assurer une certaine stabilité à la loi fondamentale. Quelles sont les règles en la matière ? Mode d'emploi.
C'est une procédure complexe, à l'issue incertaine compte tenu des conditions à remplir, l'objectif étant d'assurer une certaine stabilité aux institutions. Le processus de révision de la Constitution est prévu par l'article 89 de la loi fondamentale, qui précise la démarche à suivre. L'initiative de la révision peut venir du président de la République, sur proposition du Premier ministre, ou des élus du Parlement.
Qu'il s'agisse d'un projet de loi (à l'initiative de l'exécutif) ou d'une proposition de loi (d'initiative parlementaire), l'article 89 indique que le texte doit être approuvé dans des termes strictement identiques par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Si cette étape est franchie, la réforme doit encore être entérinée par les Français via un référendum, ou par le Parlement convoqué en Congrès.
Si la révision de la Constitution est d'origine parlementaire, elle doit forcément être approuvée par un référendum pour entrer en vigueur. En revanche, si la révision est à l'initiative de l'exécutif, le chef de l'Etat peut choisir entre référendum et Congrès. Concernant le projet visant à inscrire l'interruption volontaire de grossesse dans la loi fondamentale, Emmanuel Macron a fait savoir, en fin d'année dernière, son choix de convoquer un Congrès, si les conditions d'adoption du texte sont réunies.
La Constitution indique qu'en cas de Congrès, la réforme doit être approuvée à une majorité fixée à "trois cinquièmes des suffrages exprimés". Depuis 1958, cette procédure a été largement privilégiée, puisque la voie référendaire n'a été utilisée qu'une fois, lors de la révision constitutionnelle de 2000 visant à réduire à cinq ans la durée du mandat du président de la République. A noter cependant qu'en 1992, François Mitterrand, avait convoqué un référendum pour confirmer l'approbation du Traité de Maastricht par le Congrès.
A noter que l'article 89 pose deux limites à la possibilité de réviser de la Constitution en précisant que : "Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire." Et que : "La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision."
Il faut également relever l'utilisation faite par le général de Gaulle de l'article 11 de la Constitution. Ce dernier indique que le président de la République "peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions".
Cette procédure permet de contourner une éventuelle opposition de l'Assemblée nationale ou du Sénat, dont l’accord est obligatoire dans le cadre de l’article 89. Mais elle suscite de nombreuses controverses quant à sa conformité à la Constitution, et n’a plus été employée depuis 1969 en matière constitutionnelle.
Charles de Gaulle y a eu recours à deux reprises avec des résultats différents. En 1962, avec succès, pour mettre en place l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Puis en 1969, cette fois sans succès, pour la réforme du Sénat et la régionalisation. Cet échec marquera la fin de la carrière politique du général de Gaulle, qui démissionnera dans la foulée de la présidence de la République. Depuis lors, l'article 11 n'a plus été utilisé dans le cadre d'une révision constitutionnelle.
Au total, 24 révisions de la Constitution ont eu lieu depuis l'instauration de la Ve République en 1958 : élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct (1962) possibilité pour 60 députés ou 60 sénateurs de déférer une loi devant le Conseil constitutionnel (1974), ratification du Traité de Maastricht (1992), création de la Cour de justice de la République (1993), instauration du quinquennat pour le mandat du Président, intégration de la Charte de l'environnement dans la Constitution (2005)... La dernière réforme en date sur la "modernisation des institutions de la Ve République" a modifié plus de la moitié des articles de la loi fondamentale, octroyant davantage de pouvoirs au Parlement, tout en encadrant davantage ceux de l'exécutif (2008).