Santé : l'Assemblée vote un accès "direct" à certains soins

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Stéphanie Rist (Renaissance) à l'Assemblée nationale, mercredi 18 janvier 2023
Stéphanie Rist (Renaissance) à l'Assemblée nationale, mercredi 18 janvier 2023
par Raphaël Marchal, le Jeudi 19 janvier 2023 à 16:30, mis à jour le Lundi 23 janvier 2023 à 12:48

Les députés ont adopté, en première lecture, une proposition de loi du groupe Renaissance "portant amélioration de l'accès aux soins" en permettant aux patients un accès direct à certains professionnels de santé (infirmiers en pratique avancée, kinés, orthophonistes). 

Alors que l'accès aux soins en général et le problème des déserts médicaux en particulier sont des préoccupations permanentes pour les Français et leurs élus, les députés ont adopté, en première lecture, une proposition de loi présentée par le groupe Renaissance. Cette proposition "portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé" a été votée à l'unanimité, par 73 voix et 15 absentions (détail du scrutin à consulter (ici). "Il s'agit de lutter contre les déserts médicaux et améliorer la qualité de prise en charge des patients", a résumé Stéphanie Rist (Renaissance), rédactrice et rapporteure de la proposition de loi. Cette dernière n'a, selon elle, "pas la prétention de répondre d'un seul coup de baguette magique à tous les problèmes de démographie médicale, mais constitue une brique supplémentaire dans la refondation du système".

Infirmiers, kinés, orthophonistes

Concrètement, le texte vise à améliorer l'accès aux soins en permettant un accès direct des patients, c'est-à-dire sans passer par un médecin, à certains infirmiers spécialisés - les infirmiers en pratique avancée (IPA). Ces derniers seront autorisés à réaliser des "primo-prescriptions". De manière similaire, la proposition de loi prévoit un accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes, à condition qu'ils exercent dans une structure de soins coordonnés, un établissement de santé public, privé d’intérêt collectif, privé, ou encore dans un établissement social ou médico-social. "Ces mesures doivent permettre de libérer du temps médical, sans dégrader la qualité du soin", s'est félicitée la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo.

L'opposition des médecins libéraux

Cette proposition de réforme a provoqué l'inquiétude des organisations de médecins libéraux, qui craignent un amoindrissement de leur rôle. Ce texte "redit que le médecin généraliste est au centre du parcours", mais permet "qu'il ne soit pas le premier vu en consultation, mais peut-être le deuxième", a expliqué Stéphanie Rist. "L'objectif n'est en aucun cas de mettre de côté les médecins généralistes. Le médecin généraliste doit rester la pierre angulaire de notre système", a insisté Agnès Firmin Le Bodo. 

De fait, le texte prévoit des garde-fous encadrant cet accès direct. L'accès aux IPA se fera dans le cadre d'un "exercice coordonné" avec le médecin. Le compte-rendu des soins prodigués devra systématiquement être adressé au médecin-traitant. Dans l'hémicycle, les députés ont encore davantage balisé cette pratique dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé.

Les élus ont également adopté un amendement du gouvernement, qui permet aux infirmiers ayant reçu une formation adaptée de prendre en charge les patients porteurs de plaies chroniques, depuis l'évaluation et le traitement initial jusqu'à la prescription de traitements.

10 séances de kiné

Alors que l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes était déjà, dans le texte d'origine, conditionné à leur pratique dans certaines structures, les élus avaient encore restreint le dispositif en le limitant à 5 séances sans diagnostic médical préalable, en adoptant en commission un amendement de Thibaut Bazin (LR). Finalement, dans l'hémicycle, les députés ont relevé ce plafond, en le portant à 10 séances. Les actes réalisés par les masseurs-kinésithérapeutes comme par les orthophonistes en accès direct devront également être versés à "Mon espace santé", afin que les médecins puissent accéder à l'information.

La proposition de loi prévoit, par ailleurs, la création d'une profession d'assistant en médecine bucco‑dentaire, présentée comme un assistant dentaire de niveau deux. Ce dernier sera "l'interface entre l'assistant dentaire et le chirurgien", a précisé Stéphanie Rist. En séance, les députés sont toutefois revenus sur le rattachement initialement prévu de cette profession à la pratique avancée.

Afin de limiter les dérives qui ont pu être observées dans certains centres de santé par le passé, le nombre d'assistants dentaires ne pourra excéder le nombre de chirurgiens dentistes. Une disposition similaire est prévue concernant le nombre d'assistants par rapport aux ophtalmologistes dans les centres de santé dédiés.

Permanence de soin, gratification, préparateurs

En séance, de nombreux amendements ont été adoptés, débordant le cadre initial de la proposition de loi. Les députés ont élargi les compétences des pédicures-podologues, des opticiens-lunetiers et des orthoprothésistes. Ils ont aussi attribué la qualité de profession de santé aux assistants de régulation médicale.

Plusieurs mesures ont été introduites pour tenir compte des annonces d'Emmanuel Macron le 6 janvier dernier. La participation à la permanence des soins ambulatoire a ainsi été élargie aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers diplômés d’État. Il en va de même pour le chantier de la gratification financière promise par le chef de l’État aux médecins qui s'engagent pour améliorer l'accès aux soins.

Enfin, parmi les amendements adoptés, figurent la prise en compte de la refonte du diplôme de préparateur en pharmacie, une expérimentation autorisant les pharmaciens biologistes médicaux à pratiquer le dépistage du cancer du col de l’utérus, ou encore l'extension à trois mois de la durée pendant laquelle les pharmaciens peuvent renouveler les traitements chroniques lorsque le médecin prescripteur n’est pas disponible. Ainsi modifiée, la proposition de loi doit désormais être examinée au Sénat.