Violences urbaines : 3 800 interpellations au total, indique Gérald Darmanin

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par Soizic BONVARLETRaphaël Marchal, le Mercredi 19 juillet 2023 à 22:30, mis à jour le Jeudi 20 juillet 2023 à 09:37

Auditonné par la commission des lois de l'Assemblée nationale "sur les violences urbaines" qui ont eu lieu du 27 juin au 5 juillet, après la mort de Nahel à Nanterre, le ministre de l'Intérieur a livré un bilan chiffré des émeutes et des arrestations effectuées. Devant les députés, Gérald Darmanin a réfuté aussi bien l'idée d'un racisme systémique au sein des forces de l'ordre, que l'idée d'un lien entre délinquance et immigration.

"Il faut arrêter de tout systématiser", a martelé Gérald Darmanin, mercredi 19 juillet, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. Renvoyant dos à dos La France insoumise et le Rassemblement national, le ministre de l'Intérieur a accusé les deux groupes d'opérer un raisonnement similaire, alors qu'il répondait aux questions des députés qui l'ont interrogé sur la mort de Nahel et sur les émeutes urbaines qui ont suivi. "Il est faux de dire qu'il y a un racisme systémique de la police nationale", a-t-il aussi affirmé, avant d'ajouter que "ce n'est pas parce qu'un étranger commet des actes de délinquance, que tous les étrangers commettent des actes de délinquance".

3 800 interpellations au total

Un peu plus tôt, le ministre de l'Intérieur s'était livré à un bilan chiffré des violences urbaines et de leur gestion par les forces de sécurité intérieure entre fin juin et début juillet, évoquant en particulier un "nombre important" d'interpellations. "En tout ce sont près de 3 800 personnes qui ont été interpellées et ainsi retirées des rues pour empêcher de nuire et de s'en prendre aux bâtiments publics et aux personnes", a déclaré Gérald Darmanin, précisant qu'un tiers de ces interpellés étaient mineurs, avec une moyenne d'âge estimée entre 17 et 18 ans, et que "plus de la moitié d'entre eux n'étaient connus d'aucun service de police ou de justice". Le ministre de l'Intérieur a indiqué que 345 interpellations avaient effectuées postérieurement aux émeutes, grâce notamment à l'exploitation des images de vidéosurveillance.

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A propos des mortiers d'artifice utilisés contre les forces de l'ordre, Gérald Darmanin a dénombré "plus de 160 000 saisies en France", confiscations ayant selon lui permis de connaître un 13 et 14 juillet "relativement calmes". Il s'est également félicité de la coopération entre la police et la gendarmerie au cours des violences urbaines, permettant, a-t-il estimé, une évolution favorable de la situation dès la deuxième nuit d'émeutes.

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À la question de Yoann Gillet (Rassemblement national) qui lui demandait des précisions sur "le profil socio-professionnel" des émeutiers, mais aussi sur un lien éventuel avec l'immigration, Gérald Darmanin a déclaré qu'il n'avait "jamais aimé les statistiques ethniques". "J'ai toujours considéré qu'un Français était un Français. Et qu'on ne devait pas compter le nombre de grands-parents qui n'étaient pas Français", a-t-il ajouté, redisant que 90% des interpellés étaient bel et bien Français.  

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Penser le "temps d'après"

Face aux députés, Gérald Darmanin ne s'est pas contenté de présenter les chiffres des émeutes. Le ministre a également pris le temps d'esquisser des pistes de réflexion face à ces événements. La réponse ne saura être uniquement sécuritaire, mais devra convoquer "l'ensemble de la société", a-t-il jugé.

En attendant les solutions de moyen et de long termes, Gérald Darmanin s'est concentré sur les mesures liées aux forces de l'ordre et à la lutte contre la délinquance. Et, en premier lieu, sur la loi de 2017, qui a réformé les règles d'usage de leur arme de service par les policiers. Sans préempter le travail de la commission des lois, qui engagera un travail d'évaluation du texte à la rentrée, le ministre de l'Intérieur a estimé que le policier auteur du tir à Nanterre "n'a manifestement pas respecté le cadre de la loi, ni sa formation ni sa déontologie".

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En attendant les conclusions de la justice, il a considéré que faire évoluer la législation "n'aurait donc pas forcément changé grand chose", tout en se montrant ouvert aux futurs travaux des députés. Statistiques à l'appui, il a également estimé que la loi de 2017 n'avait pas "encouragé les policiers et gendarmes à tirer davantage". Il a, en outre, précisé que le nombre de membres de forces de l'ordre blessés lors de refus d'obtempérer reste stable, autour de 10 000 chaque année.

Fidèle à sa ligne, Gérald Darmanin a également rejeté toute évolution de l'IGPN et de l'IGGN, les services d'inspection internes de la police et de la gendarmerie nationales. "Pour enquêter, il faut des enquêteurs, et les enquêteurs, ils sont dans la police et la gendarmerie", a-t-il fait valoir, rappelant que ces deux services seront bientôt tous deux dirigés par un magistrat - c'est déjà le cas pour l'IGPN, depuis mars 2022.

Les mortiers d'artifice dans le viseur

Le ministre de l'Intérieur a également argumenté pour restreindre l'accès aux mortiers d'artifice, utilisés de longue date contre les policiers et les bâtiments publics lors de violences urbaines, mais dont l'usage a atteint des sommets au cours des récents événements. "Je serais d'avis qu'on n'autorise que certains commerces à en vendre, et qu'on n'en vende qu'à des gens qui ont une carte professionnelle ou une habilitation", a expliqué Gérald Darmanin.

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Par ailleurs, constatant l'efficacité des unités d'intervention de la police et de la gendarmerie pour rétablir le calme, il s'est prononcé succinctement pour faire appel au Raid, à la BRI, au GIGN et aux Psig pour "mettre fin définitivement à certains axes de délinquance qui existent dans certains quartiers". Sans donner à ce stade plus de détails sur l'utilisation qu'il souhaiterait faire de ces unités.

Gérald Darmanin a aussi vanté l'efficacité des images de vidéosurveillance, qui ont permis d'appréhender a posteriori des auteurs d'exactions. Il a appelé de ses vœux la généralisation des caméras embarquées dans les véhicules des forces de l'ordre, qui peuvent se substituer à de tels dispositifs dans les zones rurales.

Forces de l'ordre, maires, secours : "héros du quotidien"

Enfin, le ministre de l'Intérieur a fait part de pistes de réflexion en lien avec les polices municipales. Les émeutes ont ainsi permis d'identifier une difficulté relative au seuil maximal de stock de munitions de lanceurs de balles de défense (LBD) qu'une police municipale a le droit de conserver, récemment rehaussé à 100. Un nombre insuffisant pour faire face à ce genre de situation, a-t-il jugé, certaines polices municipales ayant eu du mal à se réapprovisionner après tiré les premières nuits. 

Dès le début de son auditon, Gérald Darmanin a salué l'action des forces de l’ordre, des maires et des secours : "Ils ont démontré qu’ils étaient, et le mot n’est pas trop fort, des héros du quotidien, de la République, pour protéger nos concitoyens", a-t-il déclaré.