Actes antireligieux : deux députés font des propositions pour lutter contre un phénomène sous-estimé

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Des gendarmes dans le cimetière juif profané de Quatzenheim, en Alsace, le 19 février 2019 (FLORIN / AFP)
par Jason Wiels, le Mercredi 16 mars 2022 à 17:42, mis à jour le Jeudi 17 mars 2022 à 09:32

Isabelle Florennes (MoDem) et Ludovic Mendès (LaREM) ont rédigé un rapport destiné à mieux lutter contre les actes antireligieux. Ils formulent 11 propositions, du renforcement du dialogue entre les cultes et l'État à l'augmentation des crédits destinés à sécuriser les lieux de culte, en passant par une meilleure prise en charge des victimes et la répression des discours haineux sur Internet.

Depuis le début de l'année, la mosquée de Meaux a été vandalisée, des tags antisémites ont été découverts sur une salle des fêtes en Ardèche et les églises de Bondy et Romainville ont été profanées et dégradées. Des agressions contre les cultes, et parfois contre les fidèles eux-mêmes, qui n'épargnent aucune religion. En 2021, 1659 actes antireligieux ont ainsi été recensés par le ministère de l'Intérieur.

Pour mieux cerner le phénomène et y apporter des réponses, le Premier ministre a missionné fin décembre deux députés de la majorité qui lui rendront, lundi 21 mars, leurs conclusions, que LCP a pu consulter. Après avoir mené cinquante auditions et multiplié les déplacements sur le terrain, Isabelle Florennes (MoDem) et Ludovic Mendès (LaREM) estiment que "les actes antireligieux ne sont pas une violence comme les autres, ils sont une atteinte à notre modèle républicain" et qu'ils sont "une des déclinaisons d’un état général de crispation de la société".

Des chiffres partiels

Selon les deux auteurs, les chiffres communiqués chaque année par le ministère de l'Intérieur forment "un plateau inquiétant" depuis plusieurs années. Surtout, ces estimations seraient loin de refléter la totalité du phénomène. D'abord parce que les victimes ne portent pas toujours plainte. Lors des auditions des représentants des cultes, tous ont signalé que l'autocensure était souvent la règle dans leur communauté, même si un changement de culture commence à se dessiner.

Ensuite, les actes antireligieux sont parfois aussi l'expression de racisme ou d'un rejet plus large. "Cela peut se manifester par un raccourci entre la couleur de peau ou les origines de la victime et la religion musulmane, traduisant un préjugé sur la victime", notent les députés. Ainsi, une injure contre "les origines supposément arabes d'une personne" ou "une croix gammée" ne ciblant pas spécifiquement la communauté juive seront comptabilisées parmi les faits racistes et xénophobes, alors que leur réalité est parfois proche de la haine antireligieuse.

Dernier élément, la remontée des informations est inégale selon les cultes. Le service de protection de la communauté juive est à ce jour le mieux organisé, tandis que la Conférence des évêques de France commence seulement depuis l'an dernier à inciter les diocèses à recenser systématiquement chaque fait. Quant au culte musulman, il ne s'est pas encore organisé pour mesurer le phénomène. 

Des propositions à court, moyen et long termes

Tout en soulignant que "la qualité des relations entre les pouvoirs publics et les cultes (...) est globalement appréciée par les responsables des cultes", "beaucoup reste à faire" selon les députés.

À court terme, ils incitent les pouvoirs publics à mieux communiquer annuellement sur les chiffres, en les détaillant et en consacrant un traitement particulier à la haine antireligieuse en ligne. Au niveau local, les services de l'État et les représentants des cultes pourraient échanger annuellement pour renforcer le dialogue et informer sur l'avancée des enquêtes. Et les 205 magistrats "référents discriminations" présents dans chaque juridiction sont invités à mieux se faire connaître auprès des communautés religieuses.

Dédié à la sécurisation des lieux de culte, le "programme K" du ministère de l'Intérieur est invité à monter en puissance. Doté de 5 millions d'euros en 2021, les parlementaires veulent en doubler le montant et que le culte musulman, en particulier, s'en saisisse davantage.

A plus long terme, les élus rejettent toute évolution du droit pénal, "le sujet étant plutôt qu’il soit appliqué". Ils appellent plutôt à "la formation et la sensibilisation de tous les maillons de la chaîne judiciaire". L'accompagnement des victimes est aussi jugé clé et correspond à une demande "constante et légitime des cultes rencontrés" :

Il est absolument nécessaire de faciliter le suivi de l’état d’avancement de la procédure judiciaire par les victimes. Rapport sur les actes antireligieux

En parallèle, le rapport recommande fortement à tous les cultes de nommer un "référent sécurité" dans chaque département pour faire "l'interface avec les services de l'État"

Autre préconisation, une meilleure éducation au fait religieux. "Une évolution des programmes scolaires serait utile pour davantage intégrer l'enseignement laïque du fait religieux", souligne le rapport, qui plaide pour que "la thématique traverse les matières (histoire, lettres, art...) de façon cohérente".

Face à la déferlante haineuse sur les réseaux sociaux, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) pourrait intensifier la chasse aux comportements antireligieux : "Elle pourrait régulièrement – par exemple lors de grandes fêtes religieuses – faire des recherches de mots clés en vue d’auto-saisines contre les actes antireligieux, comme elle le fait déjà sur d’autres sujets."

Enfin, au-delà du sujet des violences, les deux élus proposent d'ouvrir "une réflexion approfondie" sur le financement de la construction de nouveaux lieux de cultes, dans le sillage de la loi sur le respect des principes de la République. Une piste serait "d'abaisser la TVA sur les constructions de nouveaux lieux de cultes et d’exonérer totalement ces projets de la taxe d’aménagement". Une manière d'entretenir la "bonne relation globale entre la puissance publique et les cultes".